Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 février 2018 5 23 /02 /février /2018 07:06

Traditionnellement en URSS et désormais en Russie, le 23 février est fêté comme le jour anniversaire de l’Armée rouge. La date choisie est celle du 23 février 1918 quand des troupes de volontaires ont affronté les forces allemandes à Pskov et à Narva. Cependant, les décrets qui donnent naissance à l’Armée rouge sont adoptés dès janvier. À ce moment-là, les bolcheviks qui ont pris le pouvoir début novembre 1917, affrontent un problème fondamental : la défense de leur révolution face à des ennemis intérieurs et extérieurs.

La naissance de l’Armée rouge

De l’armée tsariste à l’Armée rouge.

La destruction de l’armée tsariste commence dans les dernières années de l’Empire russe quand la fatigue morale et psychologique fissure la cohésion de troupes engluées dans une guerre qui dure depuis trois ans. Cela conduit à une chute de la discipline, des désertions massives, la multiplication des abandons de poste et le lâchage du tsar par ses principaux généraux en mars 1917. Cette désagrégation s’accélère sous le gouvernement provisoire quand la libéralisation et la démocratisation conduisent à la disparition de l’armée en tant que structure unifiée. Dans une période de trouble, d’agression extérieure, le jeune pouvoir soviétique à besoin d’une nouvelle armée pour protéger le pays et défendre le projet socialiste.

 

Aux lendemains de la Révolution d’Octobre, Lénine et les bolcheviks voient l’avenir dans la formation d’une armée de volontaires ayant des dirigeants élus. Cette vision s’appuie sur la thèse marxiste du remplacement de l’armée régulière par l’armement universel des travailleurs. À l’été 1917, quand il écrit L’État et la Révolution, Lénine préconise déjà le remplacement de l’armée régulière par « la nation armée ». Le 16 décembre 1917, le comité exécutif central du Soviet publie donc un décret sur l’élection et l’organisation du pouvoir dans l’armée et l’égalité des droits des militaires.

 

Pour protéger les acquis de la révolution, le nouveau pouvoir s’appuie alors principalement sur les détachements de garde rouge dirigé par le Comité militaire révolutionnaire et des unités de soldats et de marins révolutionnaire de l’ancienne armée. Le 26 novembre 1917, les anciens ministères s’occupant des forces armées sont remplacés par un Comité des affaires militaires et navales dirigé par Antonov-Ovseenko, Krylenko et Dybenko. En décembre, ce comité devient un commissariat du peuple dirigé par Podvoïski.

 

Le 26 décembre, devant l’organisation militaire du parti bolchevik, Lénine, qui veut créer une force armée de 300 000 hommes, décide de mettre en place un collège pour la formation et l’organisation de l’Armée rouge. Cette commission doit développer dans les plus brefs délais les principes d’organisation et de construction d’une nouvelle armée. Les travaux du collège sont approuvés par le 3e congrès des Soviets qui se réunit du 10 au 18 janvier 1918 et entérine ainsi la formation d’une armée de l’État soviétique qui prend le nom d’Armée rouge des ouvriers et paysans.

 

Le décret de création de cette armée est signé le 29 janvier (11 février du calendrier grégorien). Sa définition comme une armée des ouvriers et paysans souligne son caractère de classe, c’est l’armée de la dictature du prolétariat qui doit être composée principalement de travailleurs des villes et des campagnes. Cette armée, qui ne doit avoir dans ses rangs que des volontaires, est conçu comme une armée révolutionnaire. Vingt millions de rouble sont alors alloués à la formation des détachements de volontaires tandis que les départements des anciens ministères militaires sont réorganisés ou abolis.

 

La naissance de l’Armée rouge

Le 18 février 1918, les troupes allemandes et austro-hongroises, soit plus de 50 divisions, violent la trêve signée à Brest-Litovsk en décembre 1917 et lancent une offensive de la Baltique à la mer Noire. Dans le Caucase, l’armée ottomane a repris l’offensive le 12 février. Les restes de l’ancienne armée, complètement démoralisé et désorganisés, ne peut résister à l’adversaire et se débande. De l’ancienne armée, les seules unités qui conservent encore une discipline miliaire sont les régiments de tirailleurs lettons qui se sont ralliés aux bolcheviks.

 

Face à l’offensive austro-allemande, quelques généraux de l’armée tsariste propose de former des détachements avec les débris de l’ancienne armée. Mais les bolcheviks craignant que ces troupes ne se retournent contre le pouvoir soviétique refusent. Cependant, ils conservent à leurs côtés quelques généraux afin d’attirer à eux les anciens officiers. Le 20 février, un groupe d’une douzaine de généraux conduit par Bonch-Brouevich arrive de l’ancienne Stavka à Petrograd pour former la base du Conseil militaire suprême. De mars à août, Bonch-Brouevitch sera le chef militaire du Conseil militaire suprême et en 1919 chef de l’état-major. Durant la guerre civile, de nombreux généraux et officiers de l’armée tsariste servent dans l’Armée rouge. Sur les 150 000 anciens officiers, si environ 40 000 ne prennent pas part aux combats, 40 000 rejoignent les Blancs et 75 000 l’Armée rouge.

À la mi-février 1918, est mis sur pied à Petrograd le Premier corps de l’Armée rouge. Formé de 3 compagnies de 200 hommes chacune, il est composé d’ouvriers et d’anciens soldats. Au cours des deux premières semaines de son existence, ses effectifs montent à 15 000 hommes. Une partie du corps, environ 10 000 hommes sont formées et envoyés sur le front prés de Pskov, Narva, Vitebsk et Orcha. Vers le début de mars de 1918, le corps comprend 10 bataillons d’infanterie, un régiment de mitrailleuse, 2 régiments à cheval, des batteries d’artillerie, un groupe d’artillerie lourde, 2 bataillons blindés, 3 détachements aérien, un détachement aérostatique, des formations du génie, d’automobile de motocyclistes et l’équipe de projecteurs. En mai 1918, le corps est licencié et ses hommes rejoignent les 1-er 2-ème 3-ème et 4-ème divisions d’infanterie, formées dans la région militaire de Petrograd. À la fin février, ce sont 20 000 volontaires qui se sont enrôlés à Moscou.

 

Le 23 février, l’Armée rouge connaît son baptême du feu sous Narva et Pskov en repoussant des troupes allemandes. Malgré ce succès, les premiers pas de l’Armée rouge se font dans l’improvisation. Les détachements de volontaires forment des unités de combat à partir des possibilités et les besoins de chaque région. Les détachements comprennent ainsi de quelques dizaines d’hommes à plus 10 000 pour certains. Les bataillons, les compagnies et les régiments se révèlent dont très hétérogènes tandis que les tactiques des troupes sont définies à partir de l’héritage de l’armée russe, des conditions politiques, géographiques et économiques des régions où se déroulent les combats mais reflètent également les personnalités de leurs commandants, tels que Frounze, Chtchors, Boudenni, Tchapaev, Kotovsky et les autres.

La construction d’un outil militaire efficace.

Le 3 mars 1918 est fondé le Conseil militaire suprême sous la direction du commissaire du peuple pour les Affaires militaires, Léon Trotski. Ce conseil coordonne l’activité des départements militaires, fixe les taches pour la défense de l’État et l’organisation des forces armées. Trotski met également en place l’Institut des commissaires militaires qui devient en 1919 l’administration politique de l’armée puis les nouvelles régions militaires sont établis le 25 mars. Le conseil militaire suprême examine également un projet d’organisation des divisions d’infanterie qui deviennent l’unité de combat principale de l’Armée rouge. La division se compose de 2 ou 3 brigades chacune formée de 2 ou 3 régiments. Chaque régiment comprend 3 bataillons divisés en 3 compagnies.

 

La marche des hostilités montre rapidement les limites du système du volontariat et de l’organisation « démocratique » à l’armée en excluant la possibilité d’une direction centralisée des troupes. Pour remédier au problème du manque d’effectif s’opère le passage graduel du principe du volontariat vers la construction d’une armée régulière sur la base du service militaire obligatoire général. Pour assurer cette transition, le 26 juillet 1918, Trotski présente au Conseil des commissaires du peuple un projet sur le service militaire obligatoire général des travailleurs et l’enrôlement des conscrits des classes bourgeoises dans les milices populaires de l’arrière. Peu de temps avant, le comité exécutif central du soviet a annoncé l’enrôlement de tous les ouvriers et également des paysans n’utilisant pas de salariés dans 51 districts des régions militaires du bassin de la Volga, de l’Oural et de Sibérie occidentale, ainsi que des ouvriers de Petrograd et de Moscou. Les mois suivant la conscription s’étend aux cadres de l’ancienne armée. Par le décret du 29 juillet 1918 toute la population masculine de 18 à 40 ans est soumise aux obligations militaires et enregistrée établissant de fait le service militaire obligatoire. Ces décrets permettent la croissance considérable des forces armées de la république soviétique.

 

Le 2 septembre 1918, le conseil militaire suprême est supprimé et ses attributions dévolues au conseil militaire révolutionnaire de la république (CMR), présidé par Trotski. Il concentre l’essentiel des fonctions administratives et opérationnelles pour la gestion des forces armées. C’est lui qui, par exemple, prend la décision de créer un corps de cavalerie au sein de l’Armée rouge. Le 1er novembre 1918, il se dote d’une structure opérationnelle, l’état-major de campagne. Les membres du CMR sont désignés par le comité central du Parti bolchevik et approuvés par le Conseil des commissaires du peuple. La composition du CMR est fluctuante puisqu’il peut comprendre, outre son président, ses assistants et le commandant en chef, de 2 à 13 personnes. En outre dès l’été 1918 se forme des Conseils militaires révolutionnaires dans les différents échelons de l’Armée rouge et de la Flotte : les fronts, les armées, les flottes, les flottilles et certains groupes de troupes.

 

En raison de l’accroissement de l’effort de guerre est apparue la nécessité de coordonner les structures qui y participent. Le 30 novembre 1918, un décret met en place le Conseil de défense des ouvriers et paysans dont la présidence est confiée à Lénine. Le Conseil de défense devient le principal centre de planification militaire et économique d’urgence de la République soviétique durant la guerre civile, contrôlant de fait les activités du CMR. En conséquence, il a tous les pouvoirs pour mobiliser et coordonner le travail de tous les organismes travaillant pour la défense du pays que ce soit dans le domaine industriel, celui des transports ou de l’approvisionnement.

 

Un travail considérable est également accompli pour rendre plus efficace l’Armée rouge avec la rédaction de nouvelles instructions sur l’emploi tactique des grandes unités pour toutes les armes et leur coopération en s’appuyant sur l’expérience de trois ans de la guerre mondiale. Un nouveau système de mobilisation est mis en place avec les bureaux de recrutement tandis que l’encadrement de l’armée est assurée par l’organisation des commissaires politiques. L’Armée rouge est alors commandée par certains des meilleurs généraux de l’ancienne armée et par 100 000 officiers de combat, y compris des anciens commandants de l’armée impériale.

À la fin de 1918, l’Armée rouge possède ainsi une structure d’organisation et un appareil de commandement. Pour consolider un système encore fragile, le pouvoir bolchevik envoie des militants communistes sur les principaux fronts. Ils sont 35 000 dans l’Armée rouge en octobre 1918, 120 000 en 1919 et 300 000 en août 1920, soit la moitié des effectifs du Parti bolchevik à cette époque. En juin 1919, une alliance militaire est conclue entre les différentes républiques soviétiques existantes alors : Russie, Ukraine, Biélorussie, Lituanie, Lettonie et Estonie. Elle permet un commandement militaire commun, une centralisation des finances, de l’industrie et des transports.

 

À la fin de 1920, l’Armée rouge compte 5 millions d’homme, mais en raison du manque d’équipements et d’armements sa force de combat n’excède pas 700 000 hommes répartie dans 22 armées, 174 divisions (dont 35 de cavalerie), 61 détachements aériens (300-400 avions), des unités d’artillerie et de blindées. Durant la guerre civile 6 académies militaires et plus de 150 cours ont formés environ 60 000 ouvriers et paysans à des fonctions de commandement dans toutes les spécialités.

 

 

Au final, la Russie soviétique a réussi à se doter d’une nouvelle armée assez puissante pour remporter la victoire dans la guerre civile à la fois sur les armées blanches, les différentes armées nationalistes et séparatistes et contre les révoltes agraires. Les grandes puissances à l’Ouest et à l’Est du nouvel État soviétique ont été aussi contraintes de se retirer de Russie et d’abandonner pour un certain temps toute idées d’intervention directe.

Partager cet article
Repost0
19 septembre 2017 2 19 /09 /septembre /2017 07:32

Christian Salmon, Le projet Blumkine, La Découverte, 2017.

À la recherche de Blumkine

Dans son dernier roman, Christian Salmon, conduit ses lecteurs sur les traces d’un personnage fascinant dont la vie, pleine d’ombres et de mystères, et la fin tragique symbolise les fulgurances et le destin de la Révolution russe. Tous ceux qui s’intéressent à l’histoire soviétique ont croisé à un moment ou un autre, au détour d’une lecture, la figure de Iakov Blumkine. Si le personnage est bien réel, les traces qu’il a laissées sont si éparses et fragmentaires qu’il est souvent difficile de faire la part entre la réalité et le mythe parmi celles-ci. Christian Salmon, reprenant un projet abandonné pendant les années 1980, s’emploie néanmoins à reconstituer ce parcours et à combler ses trous biographiques.

 

Si les doutes entourent son lieu et sa date de naissance, le milieu dans lequel grandit Blumkine est celui du Yiddishland russe marquée par les discriminations antisémites et la pauvreté. A Odessa, le jeune Blumkine, spectateur de pogroms, se lance dans l’action révolutionnaire au sein des socialiste-révolutionnaires. C’est l’occasion pour l’auteur de fournir une description picaresque du monde juif d’Odessa à la veille de 1914 où se croisent idéalistes, génies de la littérature yiddish et bandits populaires. Un monde qui sera bouleversé par la Révolution russe puis disparaîtra dans l’horreur de la Shoah.

 

La Révolution de 1917 marque un tournant pour Blumkine. Il choisit alors les SR de gauche, les seuls alliés des bolcheviks, puis il s’engage dans la Tchéka sous les ordres de Dzerjinski, Félix de Fer. C’est en 1918 que Blumkine fait son apparition dans la grande histoire en assassinant l’ambassadeur d’Allemagne à Moscou pour protester contre la signature de la paix honteuse de Brest-Litovsk et dans l’espoir de déclencher une guerre révolutionnaire contre l’Empire de Guillaume II. Condamné à mort par les bolcheviks, Blumkine parcourt la Russie en guerre civile en essayant d’échapper à la fois aux Blancs et aux Rouges. Finalement, il fait allégeance aux bolcheviks qui lui pardonnent l’assassinat de l’ambassadeur allemand et le réintègrent au sein de la Tchéka. Policier, Blumkine participe à la Terreur rouge tout en fréquentant la bohème littéraire qui profite encore de la relative liberté d’expression que laisse la jeune Russie soviétique.

 

Blumkine est aussi un commis-voyageur de la Révolution mondiale comme le montre l’épisode de la République soviétique du Gilan cette tentative de bolcheviser une province du nord de l’Iran ou son passage par la Mongolie de Soukhe Bator. À la fin des années 1920, il se retrouve résident de la Guépéou à Istanbul, un poste clef puisque la métropole turque est à la fois un nid d’espions, un refuge pour les Russes blancs et une porte d’entrée vers le Proche-Orient. C’est dans cette ville qu’il retrouve Trotski dont il fut un proche lors de la guerre civile. L’espion soviétique renoue avec l’ancien chef de l’Armée rouge et accepte de servir de messager entre l’exilé et ses partisans en URSS. Il signe ainsi sa perte, puisque démasqué, il est exécuté en 1929 à Moscou par ses collègues du Guépéou.

 

À travers ce parcours foisonnant, Christian Salmon fait revivre l’atmosphère de la Russie révolutionnaire naissante entre idéalisme, répression, liberté artistique et mise au pas. Une situation qui n’est pas d’ailleurs sans rappeler celle de la Russie contemporaine. Il présente surtout un personnage au destin si extraordinaire qu’il peut sembler finalement être un personnage de fiction mais dont le parcours comme les origines rappellent étrangement ceux d’Ignace Reiss ou de Walter Krivitski.

Partager cet article
Repost0
27 juillet 2017 4 27 /07 /juillet /2017 07:53

L’Humanité, « Que reste-t-il de la révolution d’Octobre? », Hors-série, juin 2017.

Dix jours qui ébranlèrent le 20e siècle

L’Humanité, le journal du PCF, ne pouvait éviter en cette année de centenaire de la Révolution russe de consacrer un de ces hors-séries à cet événement. Mais au-delà de l’épisode révolutionnaire russe, ce hors-série se penche surtout sur sa résonance dans l’espace et le temps jusqu’au moment où selon l’expression d’Enrico Berlinguer, la révolution d’Octobre perd de sa force propulsive.

Ce hors-série se divise en sept parties de tailles inégales mais qui ont toutes leur cohérence. La première, la plus courte, trace un portrait de la Russie à la veille de la Révolution avec un très bon article d’Alexandre Sumpf sur l’impact de la Première Guerre mondiale sur l’Empire du tsar. La seconde partie plonge le lecteur au cœur de la Révolution russe. Un article de Nicolas Werth retrace les grands traits du processus révolutionnaire avant une série d’articles sur des sujets plus spécifiques, celui de Florian Gulli sur la stratégie léniniste, de Sophie Coeuré sur les Français en Russie qui choisirent le camp bolchevik, d’Alexandre Courban sur les réactions de L’Humanité devant la révolution russe, de Jean-Numa Ducange sur la comparaison entre les Jacobins français et les bolcheviks. Un bel article de Jean-Jacques Marie sur la guerre civile russe clôt cette partie.

Les répercussions de la Révolution d’Octobre dans le monde sont au cœur de la troisième partie du hors-série. Jean Vigreux se penche sur la vague révolutionnaire qui touche l’Europe, particulièrement l’Allemagne mais également l’Espagne comme il le rappelle fort justement, tandis que Serge Wolikow retrace la naissance de l’Internationale communiste en 1919. Marco Di Maggio se penche sur le cas italien, Bernard Pudal sur les raisons de l’engagement communiste en France et que Maud Chirio, dans un article particulièrement intéressant, brosse les grands traits de l’histoire du communisme brésilien.

Une partie est entièrement consacrée à la création artistique aux lendemains de la Révolution. Un article retrace l’effervescence dans les arts en Russie soviétique durant les années 1920, avant que deux autres se penchent sur le cinéma dont celui d’Alexandre Sumpf sur les films d’actualité russes en 1917. Cette partie comprend plusieurs pages reproduisant des affiches de propagande, certaines connues, d’autres moins.

Les deux parties suivantes s’éloignent de la Révolution de 1917 malgré un entretien avec Marc Ferro, très sollicité en cette année, pour explorer dans l’une, sa force propulsive au 20e siècle avec un article de Bertrand Badie sur le bouleversement géopolitique qu’elle engendre et un autre de Françoise Vergès sur son écho dans le monde colonial. L’autre retrace son épuisement en interrogeant la continuité entre Lénine et Staline par Frédérick Genevée, les raisons du déclin du PCF par Roger Martelli, l’anticommunisme par Jean-François Fayet et la chute finale de l’URSS par Andreï Gratchev. La dernière partie de ce numéro quitte le domaine de l’histoire pour questionner l’actualité et l’avenir du phénomène révolution.

Ce hors-série est d’une grande richesse même s’il est possible de regretter parfois la brièveté des articles. La tonalité de l’ensemble est plus au questionnement sur la révolution russe et ses impacts dans l’espace et dans le temps qu’à une description proprement dite de l’événement. Il offre matière à réflexion sans jamais tomber dans la facilité ou le déni des impasses et des erreurs du communisme. Un seul regret néanmoins, l’absence d’une bibliographie.

Partager cet article
Repost0
21 juillet 2017 5 21 /07 /juillet /2017 07:50

Guerres et Histoire, n° 37, juin-juillet 2017.

Prolétaires, à cheval !

Le dernier numéro du très populaire magazine Guerres et Histoire recèle un article particulièrement intéressant de Laurent Henninger qui se penche sur l’histoire de la Première armée de cavalerie de l’Armée rouge. Cette troupe entrée dans la légende grâce au livre d’Isaac Babel mais aussi à la toile de Malevitch mérite mieux que les images d’Épinal qui l’entourent et toujours présentes comme le montre le film polonais de 2011, la Bataille de Varsovie.

Laurent Henninger montre les conditions dans lesquelles naît la Konarmiya, une armée de cavalerie dans une Europe où la Première Guerre mondiale a sonné le glas de cette arme. Mais, à l’image de la Révolution russe, mélange d’archaïsme et de modernité, la Konarmiya n’est par un corps de cavalerie à l’ancienne. Armée de choc soutenue par les célèbres tatchankas, de l’infanterie, de l’artillerie mais également des avions lors de la campagne de Pologne, elle est l’instrument des opérations en profondeur et trace les voies de l’art opératif qui fera les succès soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale.

Bien documenté et complet, l’article de Laurent Henninger éclaire un aspect peu connu des débuts de l’Armée rouge et montre ainsi tout l’intérêt de se pencher sur la guerre civile russe pour comprendre le destin de ce qui fut l’une des plus puissantes forces militaires du 20e siècle.

Partager cet article
Repost0
7 juillet 2017 5 07 /07 /juillet /2017 07:46

2e Guerre mondiale, n° 72, juillet-août 2017

German bias et arme blindée soviétique

Le dernier numéro du magasine 2e Guerre mondiale est une bonne surprise. Délaissant le cadre strict de l’histoire-bataille, ce numéro offre un panel d’articles qui explore différents aspects de la Seconde Guerre mondiale peu connus et pour certains relativement originaux.

Dans un article qui est une sorte de tribune libre, Benoît Rondeau revient sur le German bias, un défaut qui est largement reproché aux magazines grand public traitant de l’histoire militaire. S’il est conscient que ce Gernam bias est le fruit d’une lecture de la guerre vue à travers le prisme de la Guerre froide mais également pour certain d’une certaine fascination pour le nazisme, il le défend néanmoins. Certains arguments avancés peuvent faire sourire, même s’ils touchent juste, notamment concernant « l’esthétisme » du matériel et des uniformes allemands. D’autres sont plus pertinents et touchent au rôle central que joue l’Allemagne dans la guerre mondiale. Un article qui ne manque pas de susciter la discussion ou l’interrogation et où l’auteur prend garde à mettre des limites à ce German bias.

A l’occasion de la réédition de Mein Kampf, François Delpla revient sur la genèse de ce livre et en donne une critique serrée et argumentée. Benoît Rondeau livre un article sur l’aspect psychologique de la guerre notamment par le biais de la perception de l’adversaire. Un article transversal, original et qui ne manque pas d’interet. Plus classiques sont les études de Vincent Bernard sur la tactique utilisée par les Américains dans la guerre du Pacifique et sur la légion arabe de Transjordanie, loin du German bias.

Le dossier central de ce numéro est constitué par la première partie d’une étude de Nicolas Pontic de l’arme blindée soviétique. Il analyse ici la naissance et le développement de cette arme avant 1941. Origine, matériel, doctrine d’emploi, production industrielle, personnels, l’auteur fait le point sur les différents aspects du développement de l’armée blindée soviétique durant l’Entre-deux guerres. Un article intéressant et bien documenté qui montre tout l’intérêt de se pencher sur les années 1920-1930 pour mieux appréhender le second conflit mondial.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits - dans Union soviétique et Russie 2e Guerre mondiale
28 juin 2017 3 28 /06 /juin /2017 07:15

Jean-Jacques Marie, La guerre des Russes blancs, 1917-1920, Tallandier, 2017.

L’aventure blanche

La guerre civile russe est un événement majeur qui conditionne fortement la structure et la mentalité du communisme soviétique. Remercions Jean-Jacques Marie, déjà auteur d’une petite synthèse sur le sujet, d’offrir au lecteur un ouvrage plus complet, même s’il n’étudie que l’un des camps de ce conflit, celui des Blancs. En effet, si l’auteur concentre son attention sur ces derniers, à travers eux c’est un panorama de la guerre civile qu’il retrace avec précision et esprit de synthèse.

 

Jean-Jacques Marie montre d’abord l’extrême hétérogénéité de ceux qui furent appelés les blancs. En effet, des menchéviks aux monarchistes, des SR aux libéraux, la lutte contre les bolcheviks regroupe des courants que presque tout oppose. Mais rapidement l’ascendant des militaires s’impose aux politiques comme le montre le coup d’État d’Omsk organisé par l’amiral Koltchak contre le gouvernement SR. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement dans une guerre civile où le plus petit dénominateur commun entre les adversaires du bolchevisme était la nécessité de le combattre par les armes ?

 

Ces militaires, anciens généraux de l’armée du tsar, représentent une menace terrible pour le nouveau pouvoir soviétique qu’ils sont à plusieurs reprises sur le point de renverser notamment à la suite de la prise de Perm en 1918, lors de la tentative de Ioudenitch de prendre Petrograd en juin 1919 ou au moment de la grande offensive de Denikine qui atteignit Orel à l’automne. Malgré ces succès, les Blancs sont finalement les vaincus de la guerre civile. Plus qu’une chronique politique et militaire de ce conflit, vue du côté blanc, Jean-Jacques Marie cherche d’abord à cerner les raisons de cette défaite finale.

 

L’auteur montre ainsi l’extrême confusion qui règne chez les Blancs où les hiérarchies sont plus formelles que réelles, un phénomène qu’accentue les rivalités entre les différents chefs militaires. Il en résulte essentiellement un manque de coordination entre les différents fronts, ce qui permet à l’Armée rouge de déplacer ses troupes d’une zone à l’autre selon les besoins et d’appliquer le principe, essentiel dans l’art de la guerre, de la concentration des forces. L’organisation des armées blanches est également défectueuse notamment en raison de l’absence d’une chaîne logistique efficace. La troupe, sans ravitaillement, doit donc vivre sur le pays ce qui conduit à des rapines où la soif du butin l’emporte sur celle de combattre. Cette situation mine la discipline des troupes blanches qui s’adonnent également aux pogroms. Si ces derniers ne choquent pas véritablement les généraux, ils finissent néanmoins par s’en inquiéter essentiellement en raison de la mauvaise image qu’elle donne à la cause blanche en Occident.

 

Jean-Jacques Marie démontre surtout que plus qu’une lutte militaire, la guerre civile est essentiellement un combat politique où les Blancs sont largement surclassés par leurs adversaires. Dominés par les militaires, ces derniers se préoccupent d’abord de gagner la guerre et repoussent les décisions politiques et sociales à la convocation d’une Assemblée constituante une fois les bolcheviks vaincus. Ils s’aliènent ainsi la paysannerie qui craint qu’on lui retire les terres que lui a donné la révolution mais également les minorités nationales qui aspirent à l’indépendance ou à l’autonomie et dont l’appui leur manquera aux moments décisifs du conflit.

 

L’auteur retrace également le destin des blancs défaits et exilés de par le monde, la poursuite de leur combat contre l’URSS, leur divisions durant la Seconde Guerre mondiale entre les partisans d’une collaboration avec l’Allemagne et ceux qui restent avant tout des patriotes russes. Il n’oublie pas non plus d’explorer l’image de l’aventure blanche dans la Russie contemporaine. S’appuyant sur un impressionnant matériel documentaire, il nous offre ainsi un livre de référence sur un sujet incontournable pour comprendre le 20e siècle russe.

Partager cet article
Repost0
2 juin 2017 5 02 /06 /juin /2017 07:00

Dés sa naissance, la Russie soviétique eut à se battre contre des adversaires de différentes natures. Dans la guerre civile qui dura de 1918 à 1920 apparurent donc des chefs militaires de talent comme Toukhatchevski et Frounzé et de nombreux autres qui laissèrent une place plus ou moins grande dans l’historiographie de l’ Armée rouge. Pourtant, le premier de ces commandants, le vainqueur de l’Ukraine et de la Bessarabie, celui à qui Lénine confia la direction du front le plus important est un peu tombé dans l’oubli. Il est vrai que ce soldat impitoyable, adoré par la troupe en raison de ses origines paysannes et de sa propension au pillage, fut un critique des « dictateurs du Kremlin » qu’il finit par trahir. Mikhaïl Mouraviev, puisqu’il s’agit de lui, se rêva en Napoléon rouge avant de mourir tragiquement en prenant les armes contre Lénine.

 

 

 

Officier de l’armée du tsar au service des bolcheviks.

Mikhaïl Artemevitch Mouraviev voit le jour le 13 septembre 1880 dans une famille de paysans du petit village de Bourdoukovo dans district de Vetlouchski qu’arrose la Vetlouga au cœur de la province de Nijni-Novgorod entre Moscou et l’Oural. Remarqué par l’instituteur du village qui l’aide a terminé sa scolarité à l’école du district le jeune Mouraviev s’inscrit dans un séminaire d’enseignement, un établissement secondaire destiné à former les instituteurs. Mais au lieu de devenir maître d’école, ce dernier s’engage dans l’armée en 1898. Après deux ans à l’école d’infanterie de Kazan pour devenir officier, il rejoint la ville de Roslav, dans la province de Smolensk, où il se fait remarquer par ses qualités, notamment par le général Kouropatkine.

 

La carrière du jeune sous-lieutenant est pourtant largement compromise à la suite d’un duel où Mouraviev tue un officier qui avait offensé sa bien-aimée. Il est alors dégradé et condamné à passer un an et demi dans une compagnie disciplinaire. Mais grâce à l’intervention de protecteurs, il ne passe finalement que quelques mois en prison avant de retrouver son grade.

 

En 1904, au moment où commence la guerre contre le Japon, le lieutenant Mouraviev commande une compagnie du 122e régiment de Tambov. En février 1905, il est grièvement blessé à la tête et se fait soigner à l’étranger. Selon certains, il passe quelque temps à Paris où il aurait suivi des cours à l’École de guerre tandis que d’autres affirment qu’il se serait lié aux socialiste-révolutionnaires proposant d’organiser pour eux des opérations militaires en Russie. Cette dernière affirmation semble ressortir du domaine de la légende puisque Azef, le chef de l’organisation militaire des SR, étant également un agent de l’Okhrana, la police secrète tsariste, Mouraviev aurait été inévitablement arrêté à son retour au pays s’il avait proposé ses services aux révolutionnaires. Au lieu de cela, il sert pendant un an au Caucase avant de rejoindre l’école d’infanterie de Kazan où il enseigne pendant sept ans et épouse la fille du commandant de réserve Skopinski.

 

Quand débute la Première Guerre mondiale, Mouraviev est capitaine. Envoyé sur le front, il se bat bravement, recevant décorations et blessures, mais sa carrière stagne néanmoins. Reconnu inapte au front en raison de son état de santé, il est affecté, toujours comme capitaine, comme professeur de tactique à l’école militaire d’Odessa.

Mouraviev, officier de l'armée du tsar

Mouraviev, officier de l'armée du tsar

La révolution de février 1917 bouscule le capitaine Mouraviev qui devient un révolutionnaire actif et éloquent avant de rejoindre les rangs du Parti socialiste-révolutionnaire. Durant cette période il apparaît comme un soutien du Gouvernement provisoire et de la poursuite de la guerre. Ainsi en mai 1917 lors d’un congrès d’officiers, Mouraviev avance l’idée de créer des bataillons de choc et procède ensuite à leur organisation. À l’automne 1917, il est enfin lieutenant-colonel en poste à Petrograd.

 

Deux jours après la prise du pouvoir par les bolcheviks, Mouraviev se rend à Smolny, quartier-général de ces derniers où il rencontre Yakov Sverdlov puis Lénine pour leur proposer ses services. À Petrograd, l’anarchie règne, les caves du Palais d’Hiver ont été pillés et de nombreux soldats, ivres, errent dans la ville où les pilleurs sévissent. Mouraviev qui se présente comme SR de gauche se propose de ramener l’ordre. Il le fait en deux jours de manière particulièrement énergique. Les foules de maraudeurs sont dispersées par la force, les barils d’alcool vidés dans les égouts. Au Palais d’Hiver où des milliers de bouteilles ont été cassés dans les caves, l’alcool est pompé par le croiseur Aurore et rejeté dans la Néva. Fort de cette prompte remise en ordre, Mouraviev est nommé commandant de la région militaire de Petrograd avec les pleins pouvoirs.

 

Dans le même temps, marchent sur Petrograd les troupes de Krasnov, fidèles à Kerenski. Pour leur faire face, les bolcheviks ne disposent que des gardes rouges, des ouvriers armés, incapables de faire face aux cosaques et aux canons. Il est donc nécessaire de mobiliser des militaires et pour cela de convaincre les officiers de la garnison de défendre la révolution. Vladimir Antonov-Ovseenko raconte dans ses mémoires, comment Mouraviev, après trois heures de discussions, parvient à convaincre des officiers, restés jusque-là neutres, de conduire leurs hommes au combat. Les unités de Krasnov sont finalement repoussées tandis que Kerensky prend le chemin de l’exil.

 

Mouraviev apparaît alors aux yeux des bolcheviks comme une autorité militaire indispensable pour défendre le pouvoir soviétique. Mais ce dernier se retrouve vite dans une situation inconfortable lorsqu’un conflit éclate entre bolcheviks et SR de gauche, ces derniers demandant à leurs militants de quitter leurs fonctions au sein du pouvoir soviétique. Mouraviev obtempère et démissionne le 21 novembre. À la suite d’un nouveau rapprochement entre les deux partis, Mouraviev est nommé, le 22 décembre, chef d’état-major du commissaire du peuple pour la lutte contre la contre-révolution en Ukraine, Antonov-Ovseenko.

 

 

La conquête de l’Ukraine.

En Ukraine, l’annonce de la chute du tsarisme ne parvient à Kiev que le 3 mars 1917. Le 7 mars, des partis et mouvements locaux mettent sur pied une assemblée représentative, la Rada centrale, qui doit gérer la région dans le cadre d’une certaine autonomie au sein de l’ensemble russe. Pourtant le gouvernement provisoire de Petrograd ne reconnaît pas cet organisme qui continue néanmoins à se développer intégrant des représentants des minorités nationales et des différents partis dont des bolcheviks. Ces derniers se retirent de la Rada quand en octobre celle-ci refuse de reconnaître la prise du pouvoir par les bolcheviks à Petrograd. Le 20 novembre, la Rada annonce la création de la République populaire ukrainienne au sein d’un État fédéral russe. En réponse, les bolcheviks réunissent le 25 décembre à Kharkov le premier congrès des soviets d’Ukraine qui proclame la formation d’une république socialiste soviétique d’Ukraine et met hors la loi la Rada. Afin de renverser cette dernière, Antonov-Ovseenko et Mouraviev sont envoyés en Ukraine.

 

Mouraviev inaugure alors la tactique militaire dite de « la guerre des échelons » qui repose sur les trains blindés. Cette tactique est à la fois simple et d’une certaine efficacité. Un train rempli d’un échelon de soldats fait irruption dans une gare, ces derniers débarquent rapidement et attaquent précipitamment leurs adversaires. La méthode est efficace puisque pour prendre la gare de Poltava, Mouraviev ne perd qu’un soldat. Cette tactique montre à tous les belligérants l’importance des chemins de fer dans un pays vaste comme la Russie où les forces mobilisées sont encore faibles, Mouraviev ne disposant que de 3 000 combattants pour conquérir l’Ukraine.

Les troupes rouges en marche sur Kiev

Les troupes rouges en marche sur Kiev

En cinq semaines, les troupes de la Rada dirigées par Simon Petlioura sont vaincues et les Soviétiques ne cessent d’avancer en Ukraine. Les forces ukrainiennes manquent d’unités et d’un commandement capable. Le territoire de la République populaire ukrainienne ne cesse de rétrécir tandis qu’à Kiev, le 18 janvier 1918, les ouvriers de l’Arsenal se lancent dans une insurrection armée. Le 24 janvier, la Rada proclame l’indépendance totale de l’Ukraine.

 

Le 27 janvier, Mouraviev approche de Kiev. Son armée compte alors 7 000 hommes, 26 canons, 3 auto-blindés et 2 trains blindés. Il fait bombarder les quartiers bourgeois de la ville. Kiev est touché par prés de 2 000 obus qui causent d’importants dégâts et font de nombreuses victimes civiles. Cette action, alors que la Rada est en pleine déroute, provoque la colère chez les Ukrainiens, une colère qui prend pour cible les bolcheviks et notamment Mouraviev d’autant qu’il est aussi reproché à ce dernier de livrer les villes prises au pillage de ces soldats. Les autorités soviétiques en Ukraine demandent donc à Moscou son rappel. Le 14 février, Mouraviev est nommé à la tête des troupes qui doivent s’opposer à l’avance des armées roumaines, qui après s’être emparées de la Bessarabie, avancent vers Odessa.

 

 

La guerre contre la Roumanie.

La Roumanie s’est engagée dans la Première Guerre mondiale en 1916 aux côtés des puissances de l’Entente. Mais l’armée roumaine est battue par les troupes allemandes et bulgares qui occupent Bucarest et une grande partie du pays. La Roumanie n’évite la défaite totale que grâce au soutien et à l’intervention russes. Ses troupes tiennent le front en Bessarabie tandis que le gouvernement et le parlement s’installent à Iasi. À la fin de 1917, au moment de la désagrégation de l’armée russe, les Roumains s’emparent des stocks d’armes et d’approvisionnements russes. Le 7 décembre, deux régiments roumains traversent le Prout qui marque la frontière avec la Russie et occupent quelques villages. Début janvier, la conquête commence. Le 13 janvier, après avoir désarmé les gardes rouges, les Roumains prennent Chisinau. Des combats embrassent le nord de la Bessarabie. Bendery résiste du 29 janvier au 7 février, défendue par des milices municipales, des détachements ouvriers et des soldats des 5e et 6e régiments Zamourski. Pour prix de cette résistance, les Roumains fusillent prés de 500 personnes.

 

Le 26 janvier, la Russie soviétique rompt ses relations diplomatiques avec Bucarest et confisque l’or que les Roumains avaient mis à l’abri en Russie. Pour résister à cette dernière se forme le 18 janvier la République soviétique d’Odessa (RSO) qui comprend des territoires des provinces de Kherson et de Bessarabie. Pour se défendre, elle ne dispose que d’unités éparses des 4e et 6e armées du front roumain. Concentrées dans le district de Tiraspol, ces forces forment une « armée spéciale » avec un commandement élu. Avec les troupes de la République soviétique d’Odessa, elle ne rassemble que de 5 000 à 6 000 hommes dont seulement 1 200 cavaliers et 1 500 fantassins véritablement en état de combattre. Pour organiser la défense de la région il existe également un comité central exécutif des soviets du front roumain, de la flotte de la mer Noire et de la région d’Odessa (Roumtcherod) dont l’autorité s’étend sur les provinces de Kherson, de Bessarabie, de Tauride et une partie des provinces de Podolsk et de Volhynie.

 

Ce sont les commissaires du Roumtcherod qui organisent concrètement la défense contre les troupes roumaines. À la suite d’accrochages sur le Dniestr, il propose au commandement roumain de signer un armistice afin d’entamer des négociations, armistice finalement conclu le 8 février. Les Roumains ont accepté la proposition car ils ont sous-estimé la résistance des Soviétiques tandis que leurs soldats rechignent à combattre les Russes. Pendant ce temps, Mouraviev et sa petite armée ne cessent de progresser en Ukraine élargissant le territoire sous contrôle soviétique. A Odessa, le conseil des commissaires du peuple de la RSO forme un collège spécial pour la lutte contre la contre-révolution roumaine et bessarabienne qui s’immisce dans les négociations entre les Roumains et le Roumtcherod qui sont finalement interrompues le 15 février.

Gardes rouges

Gardes rouges

Le 14 février, Mouraviev est officiellement chargé de chasser les Roumains du territoire russe avec comme consigne de Lénine d’agir « on ne peut plus énergiquement sur le front roumain ». Ce dernier lui indique qu’il reste en Bessarabie quelques unités de la 8e armée ralliées aux bolcheviks qu’il peut donc intégrer aux troupes rouges. Mais à Kiev Mouraviev rencontre des difficultés avec les hommes qu’il commande déjà. Les gardes rouges estiment en effet avoir rempli leur mission en « libérant » l’Ukraine et ne veulent pas suivre Mouraviev en Bessarabie. La colère de ce dernier ne change rien à cette situation et il ne parvient à rassembler que 2 000 combattants qu’il lance en direction du Dniestr vers Bendery et Odessa où il installe son état-major. Arrivé sur place, il envoie un télégramme à Lénine : « La situation est extrêmement grave. Les troupes de l’ancien front sont désorganisées, en réalité ce front n’existe plus, il n’en reste seulement que les état-majors dont les emplacements sont inconnus. Le seul espoir repose sur l’arrivée de renforts extérieurs. Le prolétariat d’Odessa est désorganisé et politiquement analphabète. Ignorant que l’ennemi se rapproche d’Odessa, il ne s’en soucie pas. »

 

Le 20 février, les troupes de Mouraviev lancent une offensive sur Bendery, détruisant un régiment roumain et s’emparant de trois canons tandis que les soldats du Roumtcherod contiennent les Roumains sur le Dniestr. Plus au nord, directement sous les ordres de Mouraviev, les gardes rouges infligent également une défaite aux Roumains prés de Rybnitsa le 23 février. Les combats se poursuivent pendant six jours avec la victoire des Soviétiques à Slobozia, dans la région de Kitskany. Les Roumains proposent alors de négocier et les pourparlers s’engagent à Odessa et Iasi. Un accord est trouvé le 5 mars mettant fin au conflit entre la Russie soviétique et la Roumanie qui s’engage à évacuer ses troupes de Bessarabie dans les deux mois et à n’entreprendre aucune action militaire contre le pouvoir soviétique. Cet accord est rapidement rendu caduc par l’invasion allemande et austro-hongroise.

 

Le 9 février 1918, les représentants de la Rada ukrainienne signent un accord avec les Allemands à Brest-Litovsk. Ils acceptent que les troupes du Kaiser envahissent l’Ukraine mais aussi de fournir des vivres au Reich qui souffre cruellement du blocus allié. Près de 450 000 soldats allemands et austro-hongrois s’avancent alors en Ukraine qui devient le grenier à blé d’une Allemagne où la famine menace. Pendant que Mouraviev combat en Bessarabie, les troupes allemandes progressent rapidement en Ukraine où quelques milliers de gardes rouges sont incapables de les arrêter. Le 1er mars, les Allemands entrent dans Kiev, obligeant Mouraviev à quitter Odessa par crainte de se retrouver coupé du reste de la Russie.

 

 

La fin de Mouraviev.

Mouraviev arrive à Moscou le 1er avril où il est fêté par les SR de gauche qui voient en lui le chef militaire de la révolution. Il se voit alors confier le poste de commandant de l’armée du Caucase, une décision à laquelle s’oppose les bolcheviks de Transcaucasie qui craignent que les excès dont Mouraviev est prodigue ne soulèvent la population contre le pouvoir soviétique. Deux semaines après son arrivée dans la région, ils font donc arrêter le nouveau commandant en l’accusant d’avoir livré des armes aux anarchistes de Moscou et surtout d’avoir ordonné des exécutions et des expropriations illégales en Ukraine. Mais Lénine ne veut pas se brouiller avec les SR de gauche sur cette question. Il croit toujours dans les talents militaires de Mouraviev et dans sa capacité à sauver la révolution. Il le fait donc libéré et le nomme commandant du front oriental qui comprend trois armés et doit affronter la légion tchécoslovaque. Cette dernière s’est révoltée en mai 1918 contre le pouvoir soviétique et en quelques semaines a pris le contrôle d’immenses territoires dans l’Oural et la Sibérie. Pour le pouvoir soviétique, la menace tchécoslovaque apparaît comme mortelle et la nomination de Mouraviev pour l’écraser montre la confiance que Lénine place en lui.

 

Cette confiance disparaît quand le 6 juillet, les SR de gauche organisent un soulèvement à Moscou dans le but d’annuler le traité de Brest-Litovsk pour reprendre la guerre contre l’Allemagne. Lénine demande alors de faire surveiller étroitement Mouraviev. Les craintes du leader bolchevik sont fondées puisque Mouraviev reste toujours fidèle au SR de gauche. Pourtant le 6 juillet, il demeure à travailler au sein de son état-major et assure qu’il reste loyal au pouvoir soviétique.

 

Ce n’est que le 10 juillet que Mouraviev passe à l’action. Si l’historiographie soviétique a longtemps soutenu qu’il avait agi sur ordre et en liaison avec la direction des SR de gauche, aucun document ne corrobore cette version. Il semble plus juste qu’il a agi seul, certainement dans l’espoir d’échapper à une probable arrestation due aux soupçons sur sa loyauté.

 

De Kazan où est installé l’état-major du front oriental, il embarque avec deux régiments sur un navire et descend la Volga jusqu’à Simbirsk. Pour protester contre le traité de paix de Brest-Litovsk, il se proclame commandant en chef de l’armée en lutte contre l’Allemagne. À ce titre, il télégraphie au conseil des commissaires du peuple, à l’ambassadeur d’Allemagne et au commandant du corps tchécoslovaque une déclaration de guerre au Reich. Aux Tchécoslovaques il demande également de marcher sur la Volga pour ensuite se diriger de concert vers l’ouest afin d’affronter les troupes allemandes.

 

À Simbirsk, Mouraviev fait arrêter les dirigeants bolcheviks locaux ainsi que le commandant de la 1ere armée rouge, Toukhatchevski. Il appelle à nouveau les Tchécoslovaques et les officiers russes à marcher sur Moscou pour renverser les bolcheviks tandis qu’il rallie des commandants SR de gauche de Simbirsk et Kazan. Alors que Mouraviev commence à installer un pouvoir SR sur la Volga, Moscou envoie à Simbirsk des fusiliers lettons et un détachement spécial de la Tchéka. Le 11 juillet, au moment où les tchékistes viennent pour l’arrêter, Mouraviev sort une arme. Un coup de feu est alors tiré et il s’effondre, tué. Selon les Izvestia du 12 juillet, il se serait donné lui-même la mort.

 

La trahison de Mouraviev n’est pas sans conséquence pour la jeune Armée rouge. Elle ne fait ainsi qu’accroître la méfiance des commissaires et des soldats contre les anciens officiers de l’armée impériale qui servent au sein des forces soviétiques. Elle a surtout de graves conséquences militaires sur le front oriental. La troupe est en effet démoralisée et décontenancée par les télégrammes de Mouraviev, que ce soit celui qui déclare la guerre à l’Allemagne ou celui demandant la paix aux Tchécoslovaques puis par la disparition du commandant en chef et la reprise des hostilités contre les Tchécoslovaques. Le général Kappel en profite pour lancer une offensive s’emparant de Bougoulma et Kazan puis de Simbirsk en août. Face à l’effondrement du front, Trotski doit se rendre personnellement en train blindé à Sviajsk pour reprendre la situation en main.

 

 

Les jugements des contemporains et des historiens sont sévères concernant celui qui fut considéré comme le Napoléon rouge. Animé par une ambition dévorante, il apparaît comme un piètre stratège ne remportant des victoires qu’avec des effectifs trois fois supérieur à ses adversaires. Pour assurer sa popularité parmi la troupe il autorise les pillages et instaure un régime de terreur en Ukraine et à Odessa. Sa réputation de cruauté est telle qu’elle lui aliène de nombreux chefs bolcheviks dont le patron de la Tchéka, Felix Dzerjinski, pourtant peu suspect de complaisance humaniste. Plus sûrement, Mouraviev appartient à cette catégorie d’aventuriers qui n’émerge dans l’histoire que lors des périodes de troubles et d’effondrements des sociétés humaines.

Partager cet article
Repost0
9 mai 2017 2 09 /05 /mai /2017 07:40

Catherine Merridale, Lénine, 1917 : le train de la révolution, Payot, 2017.

Le voyage de Lénine

Le 9 avril 1917, au milieu d’une Europe en guerre, un exilé russe, accompagné de son épouse et de trente camarades, monte dans un train à Zurich pour un voyage à travers le continent qui va rapidement entrer dans l’Histoire. Dans son livre, Catherine Merridale offre une description détaillée de ce célèbre voyage en train de Zurich à Petrograd. Il y a déjà bien longtemps que l’on sait que, contrairement à la légende, le wagon de Lénine ne fut pas plombé. Il s’agissait plus simplement de quelques wagons aux portes verrouillées même si le leader bolchevik a demandé un statut d’extraterritorialité pour les compartiments dévolus aux exilés de retour en Russie.

 

Des militaires allemands se trouvent néanmoins dans le wagon de queue mais Lénine prend soin de faire tracer une ligne à la craie qu’il leur interdit de franchir. Il n’hésite pas non plus à régenter la vie de ses compagnons, installant un système de ticket afin que les fumeurs puissent utiliser les toilettes, pour fumer, interdisant les chants et les discussions bruyantes durant certaines heures. Rapidement le lecteur se trouve ainsi plongé au cœur de l’atmosphère étouffante de ce train qui traverse d’abord une Allemagne qui lutte pour sa survie, puis la Suède et la Finlande.

 

Catherine Merridale ne manque pas de replacer le voyage de Lénine dans son contexte historique, la Révolution russe, dont elle retrace longuement les péripéties. Elle fait également plonger le lecteur dans les intrigues qui suivent la chute de la monarchie et dont l’enjeu est le destin de la Russie révolutionnaire et plus largement celui de la guerre mondiale. Si le rôle de Parvus, à la fois révolutionnaire et agent allemand amassant des fortunes, dans ce jeu d’intrigue est bien connu, l’auteur s’intéresse aussi aux multiples agents et espions qui cherchent à la fois à comprendre les événements russes et à en profiter.

 

Le voyage de Lénine s’insère en effet dans ce jeu à l’échelle internationale où l’Allemagne cherche à profiter des troubles russes pour prendre l’avantage dans la guerre. Le gouvernement du Reich n’accepte le passage de Lénine à travers l’Allemagne que dans l’unique but que le retour du chef bolchevik à Pétrograd provoque un chaos suffisant pour faire sortir la Russie du conflit. À ce moment-là, l’Allemagne pourra concentrer toutes ses forces sur le front occidental pour forcer la décision contre les Français et les Britanniques.

 

Le pari allemand est risqué mais il réussit au-delà de toute espérance au point de se retourner contre ses inspirateurs. Arrivé en Russie, Lénine, par sa force de persuasion et sa volonté implacable, reprend la direction d’un parti bolchevik prêt jusque-là à collaborer avec le gouvernement provisoire et le convainc de la nécessité de prendre le pouvoir. La traversée de l’Europe par Lénine et ses compagnons apparaît ainsi comme le prélude au détournement du cours de la Révolution russe et au bouleversement majeur que représente l’instauration du premier État communiste au monde.

Partager cet article
Repost0
21 mars 2017 2 21 /03 /mars /2017 07:42

Alexandre Jevakhoff, La Guerre civile russe, 1917-1922, Perrin, 2017.

Les Rouges contre les Blancs

Mal connue et parent pauvre de l’historiographie française concernant l’histoire de la Russie et de l’URSS, la guerre civile russe est pourtant un moment essentiel de l’histoire du 20e siècle. Le livre d’Alexandre Jevakhoff vient donc à point pour combler cette lacune d’autant que le pari est particulièrement risqué. En effet, outre que cet événement se déploie sur l’étendue immense de l’ancien Empire tsariste, de Vladivostok à Helsinki, de Samarcande à Varsovie, il met aux prises une quantité impressionnante d’acteurs politiques et sociaux : bolcheviks, socialistes-révolutionnaires, libéraux, monarchistes, Russes, Ukrainiens, Caucasiens, Baltes, Sibériens, nobles, bourgeois, paysans, ouvriers mais aussi Allemands, Français, Britanniques, Américains, Japonais. Les diverses interactions entre ces acteurs et cela sur un territoire démesuré font de la guerre civile un conflit particulièrement complexe à déchiffrer, à analyser et à mettre en récit.

Il serait donc facile de critiquer le travail d’Alexandre Jevakhoff pour lui reprocher d’avoir négligé tel ou tel aspect de la guerre civile russe. Il parle peu en effet des nationalismes qui désagrègent l’Empire russe, de la guerre civile dans le Caucase, en Asie centrale ou en Extrême-Orient, des révoltes paysannes. Les amateurs d’histoire militaire seront déçus car si l’auteur retrace dans ses grandes lignes l’évolution des principaux fronts de la guerre civile, il dit peu de choses sur l’organisation des armées, leurs tactiques, les combats, les batailles.

Malgré ces absences, ou plutôt grâce à elles, Alexandre Jevakhoff essaye de répondre à une question, qu’il ne pose jamais clairement mais qui forme le fil rouge de son livre : comment les bolcheviks, minoritaires en Russie aussi bien en février qu’en octobre 1917, réussissent-ils finalement à l’emporter contre une impressionnante série d’adversaires ? Comme le montre l’auteur, les partisans de Lénine font preuves d’un grand pragmatisme, n’hésitant pas à jouer la carte allemande ou alliée suivant les circonstances alors que les blancs refusent fermement toute aide germanique ainsi qu’une alliance avec les nationalités de l’ancien Empire au nom de la Russie une et indivisible.

Surtout les bolcheviks comprennent qu’une guerre civile ne se conduit pas comme une guerre classique et que l’objectif principal est de conquérir le soutien de la population. Une conquête qui se fait soit par la contrainte au travers de la répression et de la terreur rouge, soit par une propagande habile et massive. Sur ces points, les blancs ne se montrent pas à la hauteur, incapables de réprimer les rébellions et les infiltrations rouges et de fournir des réponses claires aux aspirations populaires qui ont conduit à la Révolution. Ils se retrouvent ainsi isolés, fragilisés comme le montre leur difficultés à enrôler la population dans leurs armées. Dans cette situation une aide extérieure s’avère indispensable. Mais dans ce domaine, les blancs se heurtent à la pusillanimité des Alliés, à leurs divisions, à leurs ambitions et querelles respectives. Au final, ce soutien s’avère décevant, à l’exception de celui des Tchécoslovaques qui forment l’ossature des armées blanches en Sibérie et dans l’Oural, et en tout cas incapable de donner l’avantage aux blancs.

S’appuyant sur une importante documentation, bien que curieusement il manque dans la bibliographie certains travaux anglo-saxons importants, et sur des fonds d’archives russes et occidentales, le livre d’Alexandre Jevakhoff retrace, dans un style clair et fluide, les grandes lignes de forces et les grandes étapes de la guerre civile russe. Même si, à notre goût, l’auteur fait un peu trop la part belle dans son récit aux blancs, un biais peut-être lié à sa documentation, ou aux intrigues personnelles, notamment autour des agents alliés en Russie, son ouvrage permet une meilleure connaissance de la guerre civile russe auprès d’un vaste public et, à ce titre, mérite toute l’attention de la part de ceux qui souhaitent découvrir ce moment essentiel de l’histoire russe contemporaine.

Partager cet article
Repost0
7 mars 2017 2 07 /03 /mars /2017 07:36

Géo Histoire, n° 31, « 1917. La Révolution russe »

Panorama de la Révolution russe

Le magazine Géo Histoire consacre l’essentiel de son dernier numéro au centenaire de la Révolution russe. Sur environ 120 pages, ils retracent les événements qui jalonnent cette année, ses conséquences et sa mémoire. Un très bon entretien avec Marc Ferro, très sollicité en ce moment, permet de retracer le cours des événements entre la révolution de février et celle d’octobre. Là encore, l’historien démontre la surprise que représenta le déclenchement de la révolution en février et surtout la difficulté à définir ce que fut la prise du pouvoir par les bolcheviks, à la fois putsch et révolution.

Les autres articles, de longueurs inégales, s’intéressent à certains moments ou personnages clefs de la Révolution russe. Les derniers jours de Nicolas II avant son abdication sont retracés avec soin tandis que Raspoutine, Kerensky et Lénine sont chacun l’objet d’un article, celui sur le chef des bolcheviks étant particulièrement consistant. De courts textes se penchent sur des aspects particuliers, parfois relativement secondaires, de la révolution, comme le sort de la grande-duchesse Anastasia, les mystères entourant le trésor du tsar ou les actes de cannibalisme lors de la grande famine de 1920-1921.

Plus intéressants à nos yeux sont les articles qui traitent de la Tchéka, de la politique soviétique en faveur des femmes ou des relations entre la révolution et le monde des avant-gardes artistiques tel que le futurisme ou le constructivisme. À cela s’ajoute un très bon texte sur le film « Octobre » d’Eisenstein qui fut loin d’être reconnu à l’époque comme un chef-d’œuvre et une évocation de l’intervention alliée à Mourmansk.

Bien qu’essentiellement narratifs et rédigés par des non-spécialistes, quelques erreurs ou imprécisions historiques se glissant çà et là, l’ensemble est d’un bon niveau et d’une lecture agréable. Mais l’intérêt de ce numéro réside également dans sa très belle et nombreuse iconographie qu’accompagnent une chronologie et une superbe carte sur la guerre civile. Le seul bémol concerne la bibliographie particulièrement succincte.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits - dans Union soviétique et Russie Révolution russe

Présentation

  • : Communisme, violence, conflits
  • : Blog destiné à publier des articles et travaux historiques concernant les relations entre communisme et violence au XX°siècle. Ce blog est ouvert à ceux qui voudront publier articles, notes, annonces de publications, de colloques ou autres concernant ce champs d'étude historique.
  • Contact

L'autre coté de la colline

bannerfans 6509167

Rigueur historienne et clarté du propos. A ne pas manquer !

Recherche

Publications de David FRANCOIS

GuideICSerge Wolikow, Alexandre Courban, David François, Christian Oppetit, Guide des archives de l'Internationale communiste, 1919-1943, Archives nationales-MSH Dijon, Paris-Dijon, 2009. 

9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

Archives