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23 février 2018 5 23 /02 /février /2018 07:06

Traditionnellement en URSS et désormais en Russie, le 23 février est fêté comme le jour anniversaire de l’Armée rouge. La date choisie est celle du 23 février 1918 quand des troupes de volontaires ont affronté les forces allemandes à Pskov et à Narva. Cependant, les décrets qui donnent naissance à l’Armée rouge sont adoptés dès janvier. À ce moment-là, les bolcheviks qui ont pris le pouvoir début novembre 1917, affrontent un problème fondamental : la défense de leur révolution face à des ennemis intérieurs et extérieurs.

La naissance de l’Armée rouge

De l’armée tsariste à l’Armée rouge.

La destruction de l’armée tsariste commence dans les dernières années de l’Empire russe quand la fatigue morale et psychologique fissure la cohésion de troupes engluées dans une guerre qui dure depuis trois ans. Cela conduit à une chute de la discipline, des désertions massives, la multiplication des abandons de poste et le lâchage du tsar par ses principaux généraux en mars 1917. Cette désagrégation s’accélère sous le gouvernement provisoire quand la libéralisation et la démocratisation conduisent à la disparition de l’armée en tant que structure unifiée. Dans une période de trouble, d’agression extérieure, le jeune pouvoir soviétique à besoin d’une nouvelle armée pour protéger le pays et défendre le projet socialiste.

 

Aux lendemains de la Révolution d’Octobre, Lénine et les bolcheviks voient l’avenir dans la formation d’une armée de volontaires ayant des dirigeants élus. Cette vision s’appuie sur la thèse marxiste du remplacement de l’armée régulière par l’armement universel des travailleurs. À l’été 1917, quand il écrit L’État et la Révolution, Lénine préconise déjà le remplacement de l’armée régulière par « la nation armée ». Le 16 décembre 1917, le comité exécutif central du Soviet publie donc un décret sur l’élection et l’organisation du pouvoir dans l’armée et l’égalité des droits des militaires.

 

Pour protéger les acquis de la révolution, le nouveau pouvoir s’appuie alors principalement sur les détachements de garde rouge dirigé par le Comité militaire révolutionnaire et des unités de soldats et de marins révolutionnaire de l’ancienne armée. Le 26 novembre 1917, les anciens ministères s’occupant des forces armées sont remplacés par un Comité des affaires militaires et navales dirigé par Antonov-Ovseenko, Krylenko et Dybenko. En décembre, ce comité devient un commissariat du peuple dirigé par Podvoïski.

 

Le 26 décembre, devant l’organisation militaire du parti bolchevik, Lénine, qui veut créer une force armée de 300 000 hommes, décide de mettre en place un collège pour la formation et l’organisation de l’Armée rouge. Cette commission doit développer dans les plus brefs délais les principes d’organisation et de construction d’une nouvelle armée. Les travaux du collège sont approuvés par le 3e congrès des Soviets qui se réunit du 10 au 18 janvier 1918 et entérine ainsi la formation d’une armée de l’État soviétique qui prend le nom d’Armée rouge des ouvriers et paysans.

 

Le décret de création de cette armée est signé le 29 janvier (11 février du calendrier grégorien). Sa définition comme une armée des ouvriers et paysans souligne son caractère de classe, c’est l’armée de la dictature du prolétariat qui doit être composée principalement de travailleurs des villes et des campagnes. Cette armée, qui ne doit avoir dans ses rangs que des volontaires, est conçu comme une armée révolutionnaire. Vingt millions de rouble sont alors alloués à la formation des détachements de volontaires tandis que les départements des anciens ministères militaires sont réorganisés ou abolis.

 

La naissance de l’Armée rouge

Le 18 février 1918, les troupes allemandes et austro-hongroises, soit plus de 50 divisions, violent la trêve signée à Brest-Litovsk en décembre 1917 et lancent une offensive de la Baltique à la mer Noire. Dans le Caucase, l’armée ottomane a repris l’offensive le 12 février. Les restes de l’ancienne armée, complètement démoralisé et désorganisés, ne peut résister à l’adversaire et se débande. De l’ancienne armée, les seules unités qui conservent encore une discipline miliaire sont les régiments de tirailleurs lettons qui se sont ralliés aux bolcheviks.

 

Face à l’offensive austro-allemande, quelques généraux de l’armée tsariste propose de former des détachements avec les débris de l’ancienne armée. Mais les bolcheviks craignant que ces troupes ne se retournent contre le pouvoir soviétique refusent. Cependant, ils conservent à leurs côtés quelques généraux afin d’attirer à eux les anciens officiers. Le 20 février, un groupe d’une douzaine de généraux conduit par Bonch-Brouevich arrive de l’ancienne Stavka à Petrograd pour former la base du Conseil militaire suprême. De mars à août, Bonch-Brouevitch sera le chef militaire du Conseil militaire suprême et en 1919 chef de l’état-major. Durant la guerre civile, de nombreux généraux et officiers de l’armée tsariste servent dans l’Armée rouge. Sur les 150 000 anciens officiers, si environ 40 000 ne prennent pas part aux combats, 40 000 rejoignent les Blancs et 75 000 l’Armée rouge.

À la mi-février 1918, est mis sur pied à Petrograd le Premier corps de l’Armée rouge. Formé de 3 compagnies de 200 hommes chacune, il est composé d’ouvriers et d’anciens soldats. Au cours des deux premières semaines de son existence, ses effectifs montent à 15 000 hommes. Une partie du corps, environ 10 000 hommes sont formées et envoyés sur le front prés de Pskov, Narva, Vitebsk et Orcha. Vers le début de mars de 1918, le corps comprend 10 bataillons d’infanterie, un régiment de mitrailleuse, 2 régiments à cheval, des batteries d’artillerie, un groupe d’artillerie lourde, 2 bataillons blindés, 3 détachements aérien, un détachement aérostatique, des formations du génie, d’automobile de motocyclistes et l’équipe de projecteurs. En mai 1918, le corps est licencié et ses hommes rejoignent les 1-er 2-ème 3-ème et 4-ème divisions d’infanterie, formées dans la région militaire de Petrograd. À la fin février, ce sont 20 000 volontaires qui se sont enrôlés à Moscou.

 

Le 23 février, l’Armée rouge connaît son baptême du feu sous Narva et Pskov en repoussant des troupes allemandes. Malgré ce succès, les premiers pas de l’Armée rouge se font dans l’improvisation. Les détachements de volontaires forment des unités de combat à partir des possibilités et les besoins de chaque région. Les détachements comprennent ainsi de quelques dizaines d’hommes à plus 10 000 pour certains. Les bataillons, les compagnies et les régiments se révèlent dont très hétérogènes tandis que les tactiques des troupes sont définies à partir de l’héritage de l’armée russe, des conditions politiques, géographiques et économiques des régions où se déroulent les combats mais reflètent également les personnalités de leurs commandants, tels que Frounze, Chtchors, Boudenni, Tchapaev, Kotovsky et les autres.

La construction d’un outil militaire efficace.

Le 3 mars 1918 est fondé le Conseil militaire suprême sous la direction du commissaire du peuple pour les Affaires militaires, Léon Trotski. Ce conseil coordonne l’activité des départements militaires, fixe les taches pour la défense de l’État et l’organisation des forces armées. Trotski met également en place l’Institut des commissaires militaires qui devient en 1919 l’administration politique de l’armée puis les nouvelles régions militaires sont établis le 25 mars. Le conseil militaire suprême examine également un projet d’organisation des divisions d’infanterie qui deviennent l’unité de combat principale de l’Armée rouge. La division se compose de 2 ou 3 brigades chacune formée de 2 ou 3 régiments. Chaque régiment comprend 3 bataillons divisés en 3 compagnies.

 

La marche des hostilités montre rapidement les limites du système du volontariat et de l’organisation « démocratique » à l’armée en excluant la possibilité d’une direction centralisée des troupes. Pour remédier au problème du manque d’effectif s’opère le passage graduel du principe du volontariat vers la construction d’une armée régulière sur la base du service militaire obligatoire général. Pour assurer cette transition, le 26 juillet 1918, Trotski présente au Conseil des commissaires du peuple un projet sur le service militaire obligatoire général des travailleurs et l’enrôlement des conscrits des classes bourgeoises dans les milices populaires de l’arrière. Peu de temps avant, le comité exécutif central du soviet a annoncé l’enrôlement de tous les ouvriers et également des paysans n’utilisant pas de salariés dans 51 districts des régions militaires du bassin de la Volga, de l’Oural et de Sibérie occidentale, ainsi que des ouvriers de Petrograd et de Moscou. Les mois suivant la conscription s’étend aux cadres de l’ancienne armée. Par le décret du 29 juillet 1918 toute la population masculine de 18 à 40 ans est soumise aux obligations militaires et enregistrée établissant de fait le service militaire obligatoire. Ces décrets permettent la croissance considérable des forces armées de la république soviétique.

 

Le 2 septembre 1918, le conseil militaire suprême est supprimé et ses attributions dévolues au conseil militaire révolutionnaire de la république (CMR), présidé par Trotski. Il concentre l’essentiel des fonctions administratives et opérationnelles pour la gestion des forces armées. C’est lui qui, par exemple, prend la décision de créer un corps de cavalerie au sein de l’Armée rouge. Le 1er novembre 1918, il se dote d’une structure opérationnelle, l’état-major de campagne. Les membres du CMR sont désignés par le comité central du Parti bolchevik et approuvés par le Conseil des commissaires du peuple. La composition du CMR est fluctuante puisqu’il peut comprendre, outre son président, ses assistants et le commandant en chef, de 2 à 13 personnes. En outre dès l’été 1918 se forme des Conseils militaires révolutionnaires dans les différents échelons de l’Armée rouge et de la Flotte : les fronts, les armées, les flottes, les flottilles et certains groupes de troupes.

 

En raison de l’accroissement de l’effort de guerre est apparue la nécessité de coordonner les structures qui y participent. Le 30 novembre 1918, un décret met en place le Conseil de défense des ouvriers et paysans dont la présidence est confiée à Lénine. Le Conseil de défense devient le principal centre de planification militaire et économique d’urgence de la République soviétique durant la guerre civile, contrôlant de fait les activités du CMR. En conséquence, il a tous les pouvoirs pour mobiliser et coordonner le travail de tous les organismes travaillant pour la défense du pays que ce soit dans le domaine industriel, celui des transports ou de l’approvisionnement.

 

Un travail considérable est également accompli pour rendre plus efficace l’Armée rouge avec la rédaction de nouvelles instructions sur l’emploi tactique des grandes unités pour toutes les armes et leur coopération en s’appuyant sur l’expérience de trois ans de la guerre mondiale. Un nouveau système de mobilisation est mis en place avec les bureaux de recrutement tandis que l’encadrement de l’armée est assurée par l’organisation des commissaires politiques. L’Armée rouge est alors commandée par certains des meilleurs généraux de l’ancienne armée et par 100 000 officiers de combat, y compris des anciens commandants de l’armée impériale.

À la fin de 1918, l’Armée rouge possède ainsi une structure d’organisation et un appareil de commandement. Pour consolider un système encore fragile, le pouvoir bolchevik envoie des militants communistes sur les principaux fronts. Ils sont 35 000 dans l’Armée rouge en octobre 1918, 120 000 en 1919 et 300 000 en août 1920, soit la moitié des effectifs du Parti bolchevik à cette époque. En juin 1919, une alliance militaire est conclue entre les différentes républiques soviétiques existantes alors : Russie, Ukraine, Biélorussie, Lituanie, Lettonie et Estonie. Elle permet un commandement militaire commun, une centralisation des finances, de l’industrie et des transports.

 

À la fin de 1920, l’Armée rouge compte 5 millions d’homme, mais en raison du manque d’équipements et d’armements sa force de combat n’excède pas 700 000 hommes répartie dans 22 armées, 174 divisions (dont 35 de cavalerie), 61 détachements aériens (300-400 avions), des unités d’artillerie et de blindées. Durant la guerre civile 6 académies militaires et plus de 150 cours ont formés environ 60 000 ouvriers et paysans à des fonctions de commandement dans toutes les spécialités.

 

 

Au final, la Russie soviétique a réussi à se doter d’une nouvelle armée assez puissante pour remporter la victoire dans la guerre civile à la fois sur les armées blanches, les différentes armées nationalistes et séparatistes et contre les révoltes agraires. Les grandes puissances à l’Ouest et à l’Est du nouvel État soviétique ont été aussi contraintes de se retirer de Russie et d’abandonner pour un certain temps toute idées d’intervention directe.

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21 juillet 2017 5 21 /07 /juillet /2017 07:50

Guerres et Histoire, n° 37, juin-juillet 2017.

Prolétaires, à cheval !

Le dernier numéro du très populaire magazine Guerres et Histoire recèle un article particulièrement intéressant de Laurent Henninger qui se penche sur l’histoire de la Première armée de cavalerie de l’Armée rouge. Cette troupe entrée dans la légende grâce au livre d’Isaac Babel mais aussi à la toile de Malevitch mérite mieux que les images d’Épinal qui l’entourent et toujours présentes comme le montre le film polonais de 2011, la Bataille de Varsovie.

Laurent Henninger montre les conditions dans lesquelles naît la Konarmiya, une armée de cavalerie dans une Europe où la Première Guerre mondiale a sonné le glas de cette arme. Mais, à l’image de la Révolution russe, mélange d’archaïsme et de modernité, la Konarmiya n’est par un corps de cavalerie à l’ancienne. Armée de choc soutenue par les célèbres tatchankas, de l’infanterie, de l’artillerie mais également des avions lors de la campagne de Pologne, elle est l’instrument des opérations en profondeur et trace les voies de l’art opératif qui fera les succès soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale.

Bien documenté et complet, l’article de Laurent Henninger éclaire un aspect peu connu des débuts de l’Armée rouge et montre ainsi tout l’intérêt de se pencher sur la guerre civile russe pour comprendre le destin de ce qui fut l’une des plus puissantes forces militaires du 20e siècle.

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2 juin 2017 5 02 /06 /juin /2017 07:00

Dés sa naissance, la Russie soviétique eut à se battre contre des adversaires de différentes natures. Dans la guerre civile qui dura de 1918 à 1920 apparurent donc des chefs militaires de talent comme Toukhatchevski et Frounzé et de nombreux autres qui laissèrent une place plus ou moins grande dans l’historiographie de l’ Armée rouge. Pourtant, le premier de ces commandants, le vainqueur de l’Ukraine et de la Bessarabie, celui à qui Lénine confia la direction du front le plus important est un peu tombé dans l’oubli. Il est vrai que ce soldat impitoyable, adoré par la troupe en raison de ses origines paysannes et de sa propension au pillage, fut un critique des « dictateurs du Kremlin » qu’il finit par trahir. Mikhaïl Mouraviev, puisqu’il s’agit de lui, se rêva en Napoléon rouge avant de mourir tragiquement en prenant les armes contre Lénine.

 

 

 

Officier de l’armée du tsar au service des bolcheviks.

Mikhaïl Artemevitch Mouraviev voit le jour le 13 septembre 1880 dans une famille de paysans du petit village de Bourdoukovo dans district de Vetlouchski qu’arrose la Vetlouga au cœur de la province de Nijni-Novgorod entre Moscou et l’Oural. Remarqué par l’instituteur du village qui l’aide a terminé sa scolarité à l’école du district le jeune Mouraviev s’inscrit dans un séminaire d’enseignement, un établissement secondaire destiné à former les instituteurs. Mais au lieu de devenir maître d’école, ce dernier s’engage dans l’armée en 1898. Après deux ans à l’école d’infanterie de Kazan pour devenir officier, il rejoint la ville de Roslav, dans la province de Smolensk, où il se fait remarquer par ses qualités, notamment par le général Kouropatkine.

 

La carrière du jeune sous-lieutenant est pourtant largement compromise à la suite d’un duel où Mouraviev tue un officier qui avait offensé sa bien-aimée. Il est alors dégradé et condamné à passer un an et demi dans une compagnie disciplinaire. Mais grâce à l’intervention de protecteurs, il ne passe finalement que quelques mois en prison avant de retrouver son grade.

 

En 1904, au moment où commence la guerre contre le Japon, le lieutenant Mouraviev commande une compagnie du 122e régiment de Tambov. En février 1905, il est grièvement blessé à la tête et se fait soigner à l’étranger. Selon certains, il passe quelque temps à Paris où il aurait suivi des cours à l’École de guerre tandis que d’autres affirment qu’il se serait lié aux socialiste-révolutionnaires proposant d’organiser pour eux des opérations militaires en Russie. Cette dernière affirmation semble ressortir du domaine de la légende puisque Azef, le chef de l’organisation militaire des SR, étant également un agent de l’Okhrana, la police secrète tsariste, Mouraviev aurait été inévitablement arrêté à son retour au pays s’il avait proposé ses services aux révolutionnaires. Au lieu de cela, il sert pendant un an au Caucase avant de rejoindre l’école d’infanterie de Kazan où il enseigne pendant sept ans et épouse la fille du commandant de réserve Skopinski.

 

Quand débute la Première Guerre mondiale, Mouraviev est capitaine. Envoyé sur le front, il se bat bravement, recevant décorations et blessures, mais sa carrière stagne néanmoins. Reconnu inapte au front en raison de son état de santé, il est affecté, toujours comme capitaine, comme professeur de tactique à l’école militaire d’Odessa.

Mouraviev, officier de l'armée du tsar

Mouraviev, officier de l'armée du tsar

La révolution de février 1917 bouscule le capitaine Mouraviev qui devient un révolutionnaire actif et éloquent avant de rejoindre les rangs du Parti socialiste-révolutionnaire. Durant cette période il apparaît comme un soutien du Gouvernement provisoire et de la poursuite de la guerre. Ainsi en mai 1917 lors d’un congrès d’officiers, Mouraviev avance l’idée de créer des bataillons de choc et procède ensuite à leur organisation. À l’automne 1917, il est enfin lieutenant-colonel en poste à Petrograd.

 

Deux jours après la prise du pouvoir par les bolcheviks, Mouraviev se rend à Smolny, quartier-général de ces derniers où il rencontre Yakov Sverdlov puis Lénine pour leur proposer ses services. À Petrograd, l’anarchie règne, les caves du Palais d’Hiver ont été pillés et de nombreux soldats, ivres, errent dans la ville où les pilleurs sévissent. Mouraviev qui se présente comme SR de gauche se propose de ramener l’ordre. Il le fait en deux jours de manière particulièrement énergique. Les foules de maraudeurs sont dispersées par la force, les barils d’alcool vidés dans les égouts. Au Palais d’Hiver où des milliers de bouteilles ont été cassés dans les caves, l’alcool est pompé par le croiseur Aurore et rejeté dans la Néva. Fort de cette prompte remise en ordre, Mouraviev est nommé commandant de la région militaire de Petrograd avec les pleins pouvoirs.

 

Dans le même temps, marchent sur Petrograd les troupes de Krasnov, fidèles à Kerenski. Pour leur faire face, les bolcheviks ne disposent que des gardes rouges, des ouvriers armés, incapables de faire face aux cosaques et aux canons. Il est donc nécessaire de mobiliser des militaires et pour cela de convaincre les officiers de la garnison de défendre la révolution. Vladimir Antonov-Ovseenko raconte dans ses mémoires, comment Mouraviev, après trois heures de discussions, parvient à convaincre des officiers, restés jusque-là neutres, de conduire leurs hommes au combat. Les unités de Krasnov sont finalement repoussées tandis que Kerensky prend le chemin de l’exil.

 

Mouraviev apparaît alors aux yeux des bolcheviks comme une autorité militaire indispensable pour défendre le pouvoir soviétique. Mais ce dernier se retrouve vite dans une situation inconfortable lorsqu’un conflit éclate entre bolcheviks et SR de gauche, ces derniers demandant à leurs militants de quitter leurs fonctions au sein du pouvoir soviétique. Mouraviev obtempère et démissionne le 21 novembre. À la suite d’un nouveau rapprochement entre les deux partis, Mouraviev est nommé, le 22 décembre, chef d’état-major du commissaire du peuple pour la lutte contre la contre-révolution en Ukraine, Antonov-Ovseenko.

 

 

La conquête de l’Ukraine.

En Ukraine, l’annonce de la chute du tsarisme ne parvient à Kiev que le 3 mars 1917. Le 7 mars, des partis et mouvements locaux mettent sur pied une assemblée représentative, la Rada centrale, qui doit gérer la région dans le cadre d’une certaine autonomie au sein de l’ensemble russe. Pourtant le gouvernement provisoire de Petrograd ne reconnaît pas cet organisme qui continue néanmoins à se développer intégrant des représentants des minorités nationales et des différents partis dont des bolcheviks. Ces derniers se retirent de la Rada quand en octobre celle-ci refuse de reconnaître la prise du pouvoir par les bolcheviks à Petrograd. Le 20 novembre, la Rada annonce la création de la République populaire ukrainienne au sein d’un État fédéral russe. En réponse, les bolcheviks réunissent le 25 décembre à Kharkov le premier congrès des soviets d’Ukraine qui proclame la formation d’une république socialiste soviétique d’Ukraine et met hors la loi la Rada. Afin de renverser cette dernière, Antonov-Ovseenko et Mouraviev sont envoyés en Ukraine.

 

Mouraviev inaugure alors la tactique militaire dite de « la guerre des échelons » qui repose sur les trains blindés. Cette tactique est à la fois simple et d’une certaine efficacité. Un train rempli d’un échelon de soldats fait irruption dans une gare, ces derniers débarquent rapidement et attaquent précipitamment leurs adversaires. La méthode est efficace puisque pour prendre la gare de Poltava, Mouraviev ne perd qu’un soldat. Cette tactique montre à tous les belligérants l’importance des chemins de fer dans un pays vaste comme la Russie où les forces mobilisées sont encore faibles, Mouraviev ne disposant que de 3 000 combattants pour conquérir l’Ukraine.

Les troupes rouges en marche sur Kiev

Les troupes rouges en marche sur Kiev

En cinq semaines, les troupes de la Rada dirigées par Simon Petlioura sont vaincues et les Soviétiques ne cessent d’avancer en Ukraine. Les forces ukrainiennes manquent d’unités et d’un commandement capable. Le territoire de la République populaire ukrainienne ne cesse de rétrécir tandis qu’à Kiev, le 18 janvier 1918, les ouvriers de l’Arsenal se lancent dans une insurrection armée. Le 24 janvier, la Rada proclame l’indépendance totale de l’Ukraine.

 

Le 27 janvier, Mouraviev approche de Kiev. Son armée compte alors 7 000 hommes, 26 canons, 3 auto-blindés et 2 trains blindés. Il fait bombarder les quartiers bourgeois de la ville. Kiev est touché par prés de 2 000 obus qui causent d’importants dégâts et font de nombreuses victimes civiles. Cette action, alors que la Rada est en pleine déroute, provoque la colère chez les Ukrainiens, une colère qui prend pour cible les bolcheviks et notamment Mouraviev d’autant qu’il est aussi reproché à ce dernier de livrer les villes prises au pillage de ces soldats. Les autorités soviétiques en Ukraine demandent donc à Moscou son rappel. Le 14 février, Mouraviev est nommé à la tête des troupes qui doivent s’opposer à l’avance des armées roumaines, qui après s’être emparées de la Bessarabie, avancent vers Odessa.

 

 

La guerre contre la Roumanie.

La Roumanie s’est engagée dans la Première Guerre mondiale en 1916 aux côtés des puissances de l’Entente. Mais l’armée roumaine est battue par les troupes allemandes et bulgares qui occupent Bucarest et une grande partie du pays. La Roumanie n’évite la défaite totale que grâce au soutien et à l’intervention russes. Ses troupes tiennent le front en Bessarabie tandis que le gouvernement et le parlement s’installent à Iasi. À la fin de 1917, au moment de la désagrégation de l’armée russe, les Roumains s’emparent des stocks d’armes et d’approvisionnements russes. Le 7 décembre, deux régiments roumains traversent le Prout qui marque la frontière avec la Russie et occupent quelques villages. Début janvier, la conquête commence. Le 13 janvier, après avoir désarmé les gardes rouges, les Roumains prennent Chisinau. Des combats embrassent le nord de la Bessarabie. Bendery résiste du 29 janvier au 7 février, défendue par des milices municipales, des détachements ouvriers et des soldats des 5e et 6e régiments Zamourski. Pour prix de cette résistance, les Roumains fusillent prés de 500 personnes.

 

Le 26 janvier, la Russie soviétique rompt ses relations diplomatiques avec Bucarest et confisque l’or que les Roumains avaient mis à l’abri en Russie. Pour résister à cette dernière se forme le 18 janvier la République soviétique d’Odessa (RSO) qui comprend des territoires des provinces de Kherson et de Bessarabie. Pour se défendre, elle ne dispose que d’unités éparses des 4e et 6e armées du front roumain. Concentrées dans le district de Tiraspol, ces forces forment une « armée spéciale » avec un commandement élu. Avec les troupes de la République soviétique d’Odessa, elle ne rassemble que de 5 000 à 6 000 hommes dont seulement 1 200 cavaliers et 1 500 fantassins véritablement en état de combattre. Pour organiser la défense de la région il existe également un comité central exécutif des soviets du front roumain, de la flotte de la mer Noire et de la région d’Odessa (Roumtcherod) dont l’autorité s’étend sur les provinces de Kherson, de Bessarabie, de Tauride et une partie des provinces de Podolsk et de Volhynie.

 

Ce sont les commissaires du Roumtcherod qui organisent concrètement la défense contre les troupes roumaines. À la suite d’accrochages sur le Dniestr, il propose au commandement roumain de signer un armistice afin d’entamer des négociations, armistice finalement conclu le 8 février. Les Roumains ont accepté la proposition car ils ont sous-estimé la résistance des Soviétiques tandis que leurs soldats rechignent à combattre les Russes. Pendant ce temps, Mouraviev et sa petite armée ne cessent de progresser en Ukraine élargissant le territoire sous contrôle soviétique. A Odessa, le conseil des commissaires du peuple de la RSO forme un collège spécial pour la lutte contre la contre-révolution roumaine et bessarabienne qui s’immisce dans les négociations entre les Roumains et le Roumtcherod qui sont finalement interrompues le 15 février.

Gardes rouges

Gardes rouges

Le 14 février, Mouraviev est officiellement chargé de chasser les Roumains du territoire russe avec comme consigne de Lénine d’agir « on ne peut plus énergiquement sur le front roumain ». Ce dernier lui indique qu’il reste en Bessarabie quelques unités de la 8e armée ralliées aux bolcheviks qu’il peut donc intégrer aux troupes rouges. Mais à Kiev Mouraviev rencontre des difficultés avec les hommes qu’il commande déjà. Les gardes rouges estiment en effet avoir rempli leur mission en « libérant » l’Ukraine et ne veulent pas suivre Mouraviev en Bessarabie. La colère de ce dernier ne change rien à cette situation et il ne parvient à rassembler que 2 000 combattants qu’il lance en direction du Dniestr vers Bendery et Odessa où il installe son état-major. Arrivé sur place, il envoie un télégramme à Lénine : « La situation est extrêmement grave. Les troupes de l’ancien front sont désorganisées, en réalité ce front n’existe plus, il n’en reste seulement que les état-majors dont les emplacements sont inconnus. Le seul espoir repose sur l’arrivée de renforts extérieurs. Le prolétariat d’Odessa est désorganisé et politiquement analphabète. Ignorant que l’ennemi se rapproche d’Odessa, il ne s’en soucie pas. »

 

Le 20 février, les troupes de Mouraviev lancent une offensive sur Bendery, détruisant un régiment roumain et s’emparant de trois canons tandis que les soldats du Roumtcherod contiennent les Roumains sur le Dniestr. Plus au nord, directement sous les ordres de Mouraviev, les gardes rouges infligent également une défaite aux Roumains prés de Rybnitsa le 23 février. Les combats se poursuivent pendant six jours avec la victoire des Soviétiques à Slobozia, dans la région de Kitskany. Les Roumains proposent alors de négocier et les pourparlers s’engagent à Odessa et Iasi. Un accord est trouvé le 5 mars mettant fin au conflit entre la Russie soviétique et la Roumanie qui s’engage à évacuer ses troupes de Bessarabie dans les deux mois et à n’entreprendre aucune action militaire contre le pouvoir soviétique. Cet accord est rapidement rendu caduc par l’invasion allemande et austro-hongroise.

 

Le 9 février 1918, les représentants de la Rada ukrainienne signent un accord avec les Allemands à Brest-Litovsk. Ils acceptent que les troupes du Kaiser envahissent l’Ukraine mais aussi de fournir des vivres au Reich qui souffre cruellement du blocus allié. Près de 450 000 soldats allemands et austro-hongrois s’avancent alors en Ukraine qui devient le grenier à blé d’une Allemagne où la famine menace. Pendant que Mouraviev combat en Bessarabie, les troupes allemandes progressent rapidement en Ukraine où quelques milliers de gardes rouges sont incapables de les arrêter. Le 1er mars, les Allemands entrent dans Kiev, obligeant Mouraviev à quitter Odessa par crainte de se retrouver coupé du reste de la Russie.

 

 

La fin de Mouraviev.

Mouraviev arrive à Moscou le 1er avril où il est fêté par les SR de gauche qui voient en lui le chef militaire de la révolution. Il se voit alors confier le poste de commandant de l’armée du Caucase, une décision à laquelle s’oppose les bolcheviks de Transcaucasie qui craignent que les excès dont Mouraviev est prodigue ne soulèvent la population contre le pouvoir soviétique. Deux semaines après son arrivée dans la région, ils font donc arrêter le nouveau commandant en l’accusant d’avoir livré des armes aux anarchistes de Moscou et surtout d’avoir ordonné des exécutions et des expropriations illégales en Ukraine. Mais Lénine ne veut pas se brouiller avec les SR de gauche sur cette question. Il croit toujours dans les talents militaires de Mouraviev et dans sa capacité à sauver la révolution. Il le fait donc libéré et le nomme commandant du front oriental qui comprend trois armés et doit affronter la légion tchécoslovaque. Cette dernière s’est révoltée en mai 1918 contre le pouvoir soviétique et en quelques semaines a pris le contrôle d’immenses territoires dans l’Oural et la Sibérie. Pour le pouvoir soviétique, la menace tchécoslovaque apparaît comme mortelle et la nomination de Mouraviev pour l’écraser montre la confiance que Lénine place en lui.

 

Cette confiance disparaît quand le 6 juillet, les SR de gauche organisent un soulèvement à Moscou dans le but d’annuler le traité de Brest-Litovsk pour reprendre la guerre contre l’Allemagne. Lénine demande alors de faire surveiller étroitement Mouraviev. Les craintes du leader bolchevik sont fondées puisque Mouraviev reste toujours fidèle au SR de gauche. Pourtant le 6 juillet, il demeure à travailler au sein de son état-major et assure qu’il reste loyal au pouvoir soviétique.

 

Ce n’est que le 10 juillet que Mouraviev passe à l’action. Si l’historiographie soviétique a longtemps soutenu qu’il avait agi sur ordre et en liaison avec la direction des SR de gauche, aucun document ne corrobore cette version. Il semble plus juste qu’il a agi seul, certainement dans l’espoir d’échapper à une probable arrestation due aux soupçons sur sa loyauté.

 

De Kazan où est installé l’état-major du front oriental, il embarque avec deux régiments sur un navire et descend la Volga jusqu’à Simbirsk. Pour protester contre le traité de paix de Brest-Litovsk, il se proclame commandant en chef de l’armée en lutte contre l’Allemagne. À ce titre, il télégraphie au conseil des commissaires du peuple, à l’ambassadeur d’Allemagne et au commandant du corps tchécoslovaque une déclaration de guerre au Reich. Aux Tchécoslovaques il demande également de marcher sur la Volga pour ensuite se diriger de concert vers l’ouest afin d’affronter les troupes allemandes.

 

À Simbirsk, Mouraviev fait arrêter les dirigeants bolcheviks locaux ainsi que le commandant de la 1ere armée rouge, Toukhatchevski. Il appelle à nouveau les Tchécoslovaques et les officiers russes à marcher sur Moscou pour renverser les bolcheviks tandis qu’il rallie des commandants SR de gauche de Simbirsk et Kazan. Alors que Mouraviev commence à installer un pouvoir SR sur la Volga, Moscou envoie à Simbirsk des fusiliers lettons et un détachement spécial de la Tchéka. Le 11 juillet, au moment où les tchékistes viennent pour l’arrêter, Mouraviev sort une arme. Un coup de feu est alors tiré et il s’effondre, tué. Selon les Izvestia du 12 juillet, il se serait donné lui-même la mort.

 

La trahison de Mouraviev n’est pas sans conséquence pour la jeune Armée rouge. Elle ne fait ainsi qu’accroître la méfiance des commissaires et des soldats contre les anciens officiers de l’armée impériale qui servent au sein des forces soviétiques. Elle a surtout de graves conséquences militaires sur le front oriental. La troupe est en effet démoralisée et décontenancée par les télégrammes de Mouraviev, que ce soit celui qui déclare la guerre à l’Allemagne ou celui demandant la paix aux Tchécoslovaques puis par la disparition du commandant en chef et la reprise des hostilités contre les Tchécoslovaques. Le général Kappel en profite pour lancer une offensive s’emparant de Bougoulma et Kazan puis de Simbirsk en août. Face à l’effondrement du front, Trotski doit se rendre personnellement en train blindé à Sviajsk pour reprendre la situation en main.

 

 

Les jugements des contemporains et des historiens sont sévères concernant celui qui fut considéré comme le Napoléon rouge. Animé par une ambition dévorante, il apparaît comme un piètre stratège ne remportant des victoires qu’avec des effectifs trois fois supérieur à ses adversaires. Pour assurer sa popularité parmi la troupe il autorise les pillages et instaure un régime de terreur en Ukraine et à Odessa. Sa réputation de cruauté est telle qu’elle lui aliène de nombreux chefs bolcheviks dont le patron de la Tchéka, Felix Dzerjinski, pourtant peu suspect de complaisance humaniste. Plus sûrement, Mouraviev appartient à cette catégorie d’aventuriers qui n’émerge dans l’histoire que lors des périodes de troubles et d’effondrements des sociétés humaines.

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18 juillet 2016 1 18 /07 /juillet /2016 07:00

Philippe Sidos, La guerre soviétique en Afghanistan, Economica, 2016.

La dernière guerre de l’Armée rouge

L’invasion de l’Afghanistan par les troupes soviétiques en 1979 est un tournant majeur, aussi bien pour l’Union soviétique que pour le développement de l’islamisme radical, dont les effets se font encore sentir de nos jours. Si le contexte géopolitique de cette intervention est bien connu, il manquait une étude précise sur son aspect proprement militaire. Le livre de Philippe Sidos comble ce manque.

 

L’auteur, ancien attaché militaire en Russie, dresse d’abord l’historique des relations entre l’URSS et l’Afghanistan et les mécanismes de l’engrenage qui conduit à l’intervention de décembre 1979. Sur ce point il montre les hésitations au sein de la direction soviétique quant à son bien-fondé et les éléments qui firent pencher la balance en sa faveur. Il retrace ensuite les différentes phases du conflit tant sur le plan militaire que politique, les difficultés du retrait soviétique, le rôle du Pakistan ainsi que les péripéties de la guerre civile qui déchire le pays jusqu’à l’intervention de la coalition alliée en 2001.

 

Dans un second temps, Philippe Sidos décrit l’adaptation de l’armée soviétique à un conflit asymétrique. Si les débuts furent difficiles, les Soviétiques surent adapter leurs méthodes, utilisant des moyens puissants, notamment aériens, afin de porter des coups sévères aux insurgés et de maintenir ouverte les lignes de communication avec l’URSS et entre les grandes villes d’Afghanistan. Les parachutistes et les forces spéciales, les spetsnatz, sont également largement utilisés dans le cadre d’opérations aéroportées et cela avec une grande efficacité.

 

Rapidement, les militaires soviétiques sont néanmoins conscients que les grandes opérations interarmes ne peuvent venir à bout d’un ennemi très mobile, connaissant parfaitement le terrain et bénéficiant d’un soutien dans la population. Lorsque les troupes soviétiques quittent une région dont elles ont pris le contrôle suite à une de ses opérations, les moudjahidines, dont les lignes d’approvisionnement depuis le Pakistan n’ont jamais été coupées, reprennent le terrain abandonné. Les Soviétiques sont vite conscients que la réponse militaire est insuffisante pour résoudre le conflit afghan. Ils cherchent donc à trouver une solution politique en consolidant le pouvoir afghan, notamment en créant et en développant le potentiel des forces de sécurité afghanes, mais également en cherchant un interlocuteur dans les rangs des moudjahidines. Des négociations et des trêves sont ainsi conclues avec le commandant Massoud, des liens qui perdureront puisque dans les années 1990, l’armée russe lui fournira des armes pour combattre les talibans.

 

Contrairement aux idées reçues, l’armée soviétique démontra en Afghanistan de véritables capacités opérationnelles et sut ainsi remarquablement s’adapter à une guerre contre-insurrectionnelle. Si sur le plan militaire, elle fut prés de remporter la victoire, ce fut sur le plan politique que l’intervention fut un désastre. L’image de l’URSS fut irrémédiablement dégradée sur la scène internationale tandis que la mauvaise gestion du conflit sur le plan intérieur lui aliéna l’opinion. Pour sortir de l’impasse, les Soviétiques décidèrent de se retirer d’Afghanistan dès 1985, avant l’utilisation par les moudjahidines des missiles sol-air Stinger livrés par les Américains.

 

Le livre de Philippe Sidos, extrêmement documenté, apporte un regard neuf, loin des lieux communs, sur le dernier conflit militaire mené par l’armée soviétique. Ce n’est pas là l’une de ses dernières qualités puisque l’auteur réussit avec brio à montrer l’écho et la proximité de l’intervention soviétique en 1979 avec les conflits les plus récents qui touchent l’Afghanistan et plus largement le Moyen Orient. 

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3 mars 2016 4 03 /03 /mars /2016 07:18

Les pilotes soviétiques au combat.

Les unités aériennes nationalistes volant sur des I-15 et I-16 ne peuvent entrer en action qu’après la formation des pilotes c’est-à-dire à partir de février-mars 1938. Ce délai et la situation militaire catastrophique des Chinois obligent les équipages soviétiques à entrer en action dés leur arrivée en Chine. Le premier groupe de chasse est ainsi engagé dès le 21 novembre lors d’un combat contre 20 appareils japonais. Les 7, I-16 engagés abattent ce jour-là au-dessus de Nankin deux chasseurs et un bombardier nippons. Le lendemain le groupe Prokoviev entre en action et subit sa première perte avec la mort du lieutenant Nejdanov. Peu à peu, les escadrilles soviétiques s’organisent et s’aguerrissent sous la direction du capitaine A. Blagoveschenski et sous la supervision du commandant Rychagov. Le 1er décembre 1937, 20 avions japonais sont abattus par 7 chasseurs soviétiques I-16 près de Nankin.

 

Les escadrilles de bombardiers entrent eux aussi rapidement en action. Au milieu de novembre, les SB sont largement déployés à l’intérieur de la Chine. Le 13 novembre, il y en a ainsi 13 à Xian et le 18 décembre, 18 appareils sont opérationnels. Parmi eux volent deux groupes de combat formés par des aviateurs soviétiques. Le groupe de Machine est déployé à Nankin et le 2 décembre, 9 de ces SB conduisent une attaque contre la base aérienne japonaise et le port de Shanghai. Depuis Nankin les appareils suivent la rive droite du Yang-Tsé-Kiang puis prennent la direction du nord-est pour voler 30 à 40 km au-dessus de la mer. Une douzaine d’avions ennemis sont ainsi détruits, 6 navires endommagés et un croiseur auxiliaire coulé. Peu après, le même groupe lance une attaque sur les navires japonais qui empruntent le Yang-Tsé-Kiang. Selon les sources soviétiques un croiseur aurait alors été coulé. C’est aussi dans les premiers jours de décembre que le groupe de Machine perd son premier appareil lors d’un raid japonais contre l’aérodrome d'Hankou.

 

En novembre 1937 un second groupe de 150 hommes à bord de bombardiers SB, sous les ordres de Polynine, arrive du district militaire de Transbaïkalie en inaugurant la voie Irkoutsk- Lanzhou-Hankou à travers les steppes de la Mongolie. Ce groupe ne commence à opérer qu’en janvier 1938.

Le commandant Polynine au centre

Le commandant Polynine au centre

Après la chute de Nankin.

Le 13 décembre 1937, les troupes japonaises s’emparent de Nankin, la capitale de la Chine nationaliste. Le gouvernement chinois, qui s’est réfugié à Hankou, demande alors à Moscou d’accroître son aide. Les livraisons soviétiques permettent de reconstituer la flotte aérienne chinoise qui compte au début 1938 prés de 400 appareils, la plupart de fabrication soviétique. Au printemps 1938, les pilotes chinois volent en majorité sur des avions soviétiques.

 

Sur le terrain, les pilotes soviétiques défendent Hankou en janvier 1938. Le groupe de bombardiers de Machine est déplacé à Nanchang et leur ancien aérodrome de Nankin devient une de ses nouvelles cibles. Le raid qu’il lance contre la base aérienne japonaise de Taïwan reçoit un grand retentissement. Il se déroule le 23 février, jour anniversaire de l’Armée rouge. Les aérodromes ennemis ne sont pas les seules cibles des bombardiers qui attaquent également les ponts, les gares, les postes militaires japonais. En février 1938, un groupe de 13 SB attaque l’une des grandes gares sur la voie ferrée Tianjin-Pukou et bombarde trois trains. Le jour suivant, un détachement japonais traversant le Huanghe est attaqué. Les radeaux et les bateaux sont bombardés tandis que l’infanterie est attaquée par des tirs de mitrailleuses.

 

Le 18 février 1938, les 3 groupes de chasseurs I-15 commandés par Blagoveschenski abattent 18 avions japonais, en majorité des bombardiers, près d'Uchan. Ils participent également à la plus grande bataille aérienne de la guerre sino-japonaise qui se déroule le 29 avril 1938 au-dessus de Wuhan. Face aux appareils japonais, se trouve aux côtés des Chinois 19 I-15 et 45 I-16 pilotés par des Soviétiques. Dans la journée, 11 chasseurs nippons et 10 bombardiers sont abattus. Chinois et Soviétiques perdent 12 pilotes. Après cette défaite les Japonais n’attaquent plus Wuhan pendant un mois. Le 31 mai, 36 chasseurs et 18 bombardiers nippons volent vers Whuhan. Pour les affronter, 31 appareils pilotés par des Soviétiques et 18 chasseurs chinois s’envolent. Au final 14 appareils japonais sont abattus alors que Chinois et Soviétiques ne perdent qu’un pilote chacun.

 

Jusqu’en juin 1938, les Soviétiques ne combattent que dans la zone des grandes villes de Nankin, Nanchang et Wuhan, délaissant la Chine du Sud et les régions du Nord près de la Mandchourie. À l’été, les Chinois craignant un débarquement japonais au sud près de Canton, des pilotes soviétiques sont envoyés dans cette région. Mis au courant, les Japonais prennent soin de bombarder les aérodromes ennemis. En réponse les Soviétiques bombardent le port d'Aomyn à Macao. Le débarquement japonais ne venant pas, une partie du groupe demeure néanmoins sur place tandis que le reste retourne à Nanchang.

Pilotes soviétiques sur la base de Wuhan

Pilotes soviétiques sur la base de Wuhan

Les Soviétiques participent alors aux combats de l’été lors de l’offensive nippone contre Wuhan. Le bilan des combats aériens de juillet est lourd pour les Soviétiques. Durant ce mois 11 pilotes et membres d’équipage sont tués, soit plus de 10% des pertes au combat pour la période 1937 à 1939. Mais les Soviétiques infligent aussi des pertes sévères aux Japonais. Ainsi le 18 juillet, Dadonov abat l’as japonais Nango dont la mort provoque un choc au Japon. Le 12 août, à Wuhan, 40 chasseurs soviétiques dirigés par Nikolaenko affrontent 120 appareils japonais perdant 5 avions et abattant 16 appareils adverses.

 

Les principales missions des pilotes soviétiques lors de ces combats consistent dans le soutien des troupes au sol et le bombardement des aérodromes japonais, des gares, des routes et des transports. Les combats les plus féroces ont lieu dans le cadre de l’opération défensive d'Uchan en juillet-octobre 1938 40 chasseurs soviétiques I-15 et I-16 commandés par le capitaine E. Nikolaenko affrontent prés de 200 avions japonais.


 

Le turn-over des équipages soviétiques.

L’Armée rouge organise à l’été 1938 le remplacement des équipages épuisés par prés de six mois de combats tout en renforçant sa présence en Chine. Le premier groupe de pilotes de chasse retourne alors en URSS. Mais dès le printemps précédent sont arrivés en Chine 73 volontaires dont 26 pilotes sous les ordres du capitaine Nikolaenko puis en juin le groupe du capitaine Yakouchine avec 10 I-15bis. Pour les bombardiers, le groupe de Polynine retourne à Lanzhou en juin pour effectuer une révision des appareils. Là il est remplacé par un nouveau groupe sous les ordres de T. Khryoukine qui est arrivé par la route du sud. De nouvelles unités arrivent également par la route du nord. Le 3 juin, le colonel Tkhor, qui a déjà combattu en Espagne, conduit 13 SB arrivant d’Oulan-Bator et un autre groupe de 15 appareils arrive le 7 juin. Le capitaine S. Sliousarev prend le commandement du groupe formé avec ces nouveaux arrivants. À travers la Mongolie est acheminée également un autre groupe dirigé par G. Titov pour être déployé à Wanxian alors qu'Hankou est victime de sévères attaques aériennes japonaises.

 

La principale activité de ces groupes de bombardiers est l’attaque du trafic fluvial sur le Yang-Tsé-Kiang, une artère vitale pour le ravitaillement des troupes nippones. Les Japonais notent ainsi une forte augmentation des bombardements du 14 juin au 28 juillet sur cet axe avec 49 attaques contre des navires et des troupes le long des rives. Les chasseurs japonais sont alors principalement occupés à escorter les bombardiers attaquant Hankou, Wuchang et Nanchang et ne peuvent donc qu’en de rares occasions intercepter les SB volant au-dessus du fleuve. Les Soviétiques endommagent ainsi 16 navires nippons et en coulent 92, obligeant les Japonais à prendre des mesures de défense antiaériennes : des batteries sont installées sur les berges, les navires de transports sont armés de mitrailleuses et des aérodromes sont construits le long du fleuve. Les équipages soviétiques commencent alors à subir des pertes importantes notamment avec l’arrivée des nouveaux chasseurs japonais Nakajima Ki-27 plus rapides.

 

En novembre 1938, les volontaires soviétiques reçoivent l’ordre de cesser temporairement leur participation au combat. Les pilotes sont en effet épuisés. Tous les avions sont envoyés à Lanzhou pour subir une révision. Au début de 1939, les Chinois n’ont plus qu’une centaine d’appareils en état de combattre. Grâce à l’aide soviétique ce nombre atteint les 200 et le 18 juillet 1939 arrive à Lanzhou 30 I-15bis puis le 3 août 30 I-16.

 

Après la chute de Wuhan, le 25 octobre 1938, les bases aériennes chinoises se concentrent autour de Chengdu et Chongqing qui deviennent alors les cibles de l’aviation japonaises. Fin 1938 et début 1939, les Japonais lancent également des attaques sur Lanzhou défendue par les pilotes soviétiques. Le groupe de S. Souproune composé d’environ 50 pilotes devient rapidement l’une des principales forces contenant les Japonais. En décembre 1939 ce groupe est transféré dans le sud où la bataille pour la province du Yunnan devient plus intense, se déplaçant le long de ce qui sera nommé la « route de la Birmanie ». Les pilotes soviétiques protègent alors les aérodromes et les lignes de communications contre les attaques aériennes.

 

En 1939, l’aviation soviétique en Chine a accumulé de nombreuses victoires malgré la supériorité numérique des Japonais qui sont capables de lancer des attaques aériennes sur les villes chinoises et les installations militaires mal défendues. En réponse à ces attaques aériennes mais également pour remonter le moral aux troupes chinoises, les pilotes soviétiques organisent un raid sur le territoire japonais. Il s’agit aussi de tester les capacités de la défense antiaérienne nippone. Après une mission de reconnaissance le 21 février 1939, le 23, un groupe de 28 bombardiers SB dirigé par Polynine attaque la base aérienne japonaise prés de Taipei sur l’île de Formose détruisant 40 appareils japonais au sol mais également les dépôts de carburants et les défenses antiaériennes. Les Soviétiques ne perdent aucun appareil lors de ce raid. Le lendemain, un petit groupe de bombardiers soviétiques revient attaquer des cibles secondaires sur Formose et ne rencontre qu’une résistance sporadique de la chasse japonaise et de la défense antiaérienne. Le 20 mai 1939, les Soviétiques lancent une nouvelle attaque aérienne sur l'île japonaise avant de retourner, sans avoir subi de pertes, en territoire chinois.

 

Le groupe de bombardiers dirigé par Sliousarev participe quant à lui à la contre-offensive chinoise de Laoshang. Maintenant protégé par une couverture aérienne composée de I-16 chinois, il bombarde principalement l’infanterie et l’artillerie nippones. Par la suite les équipages sous les ordres de Sliousarev transportent de nouveaux bombardiers depuis Irkoutsk. Au printemps 1939, ils ont en livrés environ 60 qui sont remis à l’armée de l’air chinoise.

Stepan Souproune

Stepan Souproune

Le baptême du feu des Iliouchine DB-3.

Dans l’été 1939, le DB-3, un nouveau bombardier longue portée reçoit son baptême du feu en Chine. Il n’a pas eu en effet l’occasion d’être essayé en Espagne, car il n’était pas alors suffisamment au point et seules quelques appareils étaient sortis des usines de fabrication. Il est donc décidé de le tester dans le ciel chinois. Cet envoi répond aussi à une nécessité sur le terrain. Les opérations des pilotes soviétiques puis chinois contre les aérodromes japonais ont forcé l’ennemi à les déplacer loin derrière les lignes de front ce qui a pour conséquence de réduire l’efficacité des attaques avec des bombardiers SB.

 

Le premier groupe de 12 DB-3 sous les ordres du capitaine G. Koulichenko prend la route Moscou-Orenbourg-Alma Ata en juin. Un second groupe de 12 DB-3 commandés par N. Kozlov le suit peu après. Le plus grand succès de Koulichenko est l’attaque de l’aérodrome d'Hankou, loin derrière les lignes japonaises, le 3 octobre 1939. Les SB ne pouvant atteindre une cible si lointaine, la surprise des Japonais est totale. Le jour de l’attaque la base japonaise se préparent à recevoir de nouveaux avions venus du Japon et pour l’occasion sont présents des représentants du commandement de la flotte et des autorités de la ville. Neuf DB-3 volent en formation serrée et maintiennent le silence radio. Ils attaquent alors que la cérémonie officielle est en cours. Depuis une altitude de 8 700 mètres, ils larguent des bombes explosives et des bombes incendiaires. La DCA nippone reste silencieuse et un seul chasseur japonais réussit à décoller mais sans parvenir à intercepter les bombardiers soviétiques.

Bombardier soviétique DB-3

Bombardier soviétique DB-3

Sur l’aérodrome, 64 appareils japonais sont détruits ou endommagés, il y a 130 morts et 300 blessés. Parmi les victimes on compte 7 officiers supérieurs tués et 12 blessés dont le contre-amiral Tsukahara commandant de la flottille aérienne. Les réserves de carburant de l’aérodrome brûlent durant plus de trois heures. Une période de deuil est déclarée tandis que le commandant de l’aérodrome est exécuté.

 

L’attaque est répétée le 14 octobre avec 12 DB-3, à nouveau dirigés par Koulichenko. Mais peu après avoir largué leurs bombes, causant la destruction de 36 appareils ennemis, le groupe est attaqué par des chasseurs japonais. Trois bombardiers sont endommagés. Blessé, Koulichenko parvient à rejoindre Wangxian, mais son avion s’abat dans le Yang-Tsé-Kiang où il est finalement repêché. Le commandant soviétique décède néanmoins peu après de ses blessures.

 

Si les opérations contre Hankou sont des succès, l’attaque contre l’aérodrome de Yuncheng le 31 octobre est un échec complet. Cette base est située à environ 25 kilomètres derrière la ligne de front mais à la limite du rayon d’action des DB-3 stationnés à Chengdu. Selon le renseignement chinois, la base japonaise abrite alors une centaine d’appareils ce qui en fait une cible de choix. Le conseiller militaire soviétique pour l’aviation, Anisimov prend la décision d’engager tous les DB-3 disponibles dans ce raid et il y participe personnellement en remplaçant le canonnier dans l’appareil que pilote Kozlov. Les conditions météorologiques sont mauvaises et les navigateurs des deux groupes engagés ne parviennent pas à trouver leur chemin. Aucun bombardier n’atteint finalement l’aérodrome de Yuncheng. Les appareils, à court de carburant, atterrissent où ils peuvent le long du trajet de retour. Environ une dizaine sont ainsi perdues.

La tombe du pilote de bombardier Koulichenko.

La tombe du pilote de bombardier Koulichenko.

Le retrait soviétique.

Le nombre d’équipages soviétiques luttant sur des SB chute fortement à la fin de 1939 même si les derniers d’entre eux restent en Chine jusqu’en mai 1940. Parallèlement le nombre d’unités chinoises volant sur des appareils soviétiques ne cesse de croître. Pour former ces équipages, un centre de formation est créé sur l’aérodrome de Chengdu avec un pilote instructeur soviétique et du personnel technique. Au milieu de 1939, ce centre a déjà formé 120 équipages chinois. En septembre 1939, le 19e escadron du 6e groupe aérien chinois est totalement composé de SB qui sont jetés dans la bataille de Guinang. À l’été 1939, les combats entre Soviétiques et Japonais à la frontière de la Mongolie entraînent un déplacement du centre de gravité de l’aviation japonaise ce qui permet à l’armée de l’air chinoise de souffler et de se réorganiser.

 

À la fin de 1939 et au début de 1940, les relations entre l’URSS et Tchang-Kaï-chek se détériorent. La raison officielle avancée est la fin de l’approvisionnement militaire fourni par les nationalistes à la 8e armée et à la 4e armée communistes qui s’accompagne également d’escarmouches armées entre nationalistes et communistes. Il s’agit plus certainement d’une conséquence de la signature du pacte germano-soviétique du 23 août 1939. La proposition allemande d’intégrer Moscou dans l’axe Berlin-Rome-Tokyo dépend de la signature d’un traité de non-agression entre le Japon et l’URSS. Dans ces circonstances, Moscou cesse temporairement l’envoi d’armes et de matériels militaires à la Chine. À l’été 1940, l'ensemble des aviateurs soviétiques sont rappelés. Pourtant quelques conseillers, des instructeurs et une unité technique restent en Chine jusqu’en 1942-1943. La livraison d’avions par l’URSS est reprise par la suite et continue jusqu’au début de la guerre avec l’Allemagne puisque les derniers appareils sont remis aux Chinois en juin 1941. Pour faire face à l’arrivée des Mitsubishi A6M japonais, les fameux Zeros, l’URSS envoie ainsi aux Chinois en novembre 1940 des I-153. Parmi les avions livrés au début de 1941 figurent également des bombardiers SB de la dernière série avec des moteurs M-103 et des tourelles MV-3.


 

Conclusion.

De 1937 à 1939, ce sont près de 200 pilotes soviétiques qui sont tués en Chine dont le lieutenant Gubenko qui le 31 mai 1938 écrase volontairement son appareil sur un chasseur japonais Mitsubishi A5M2. Sur ce total, 111 sont morts lors d’accidents causés par les conditions météorologiques difficiles et l’inexpérience de jeunes pilotes dans un environnement mal connu. Environ 80 appareils japonais ont été abattus par les Soviétiques lors de combats aériens. Parmi les pilotes soviétiques en Chine, 14 reçoivent le titre de Héros de l’Union soviétique et prés de 400 militaires sont décorés. En janvier 1940 la majorité des équipages a finalement quitté la Chine après avoir formé une génération de pilotes chinois et en leur laissant le matériel expédié depuis 1937.

 

L’efficacité du soutien soviétique se mesure à la réaction japonaise qui demande officiellement dés avril 1938 à l’URSS de retirer ses pilotes de Chine. La demande est rejetée par Moscou sous le prétexte que les pilotes soviétique servants en Chine sont des volontaires. Comme en Espagne, si l’aide de Moscou, ne permet pas de modifier le rapport de forces en Chine, elle donne néanmoins aux Chinois les moyens de résister et d’éviter un effondrement militaire. L’URSS profite aussi de son intervention pour à la fois tester son matériel militaire en situation de combat et aguerrir ses officiers, notamment les pilotes dont certains joueront un rôle important durant le conflit avec l’Allemagne. Elle en profite également pour approfondir ses connaissances sur le matériel ennemi. Ainsi quand les Soviétiques capturent 2 A5M2, ces appareils sont immédiatement envoyés en URSS et étudiés à l’Institut scientifique de l’armée de l’air.

 

De 1937 à 1941, l’URSS aura livré à la Chine 563 chasseurs (I-15, I-15 bis, I-16 et I-153) et 322 bombardiers (292 SB, 24 DB-3 et 6 TB-3) ce qui représente 1/3 des bombardiers et la moitié des chasseurs reçus par les Chinois durant l’ensemble de la guerre contre le Japon. Le relais sera pris ensuite par les Américains qui jusqu’en 1945, dans le cadre du Lend-lease, fourniront les nationalistes chinois en matériel militaire livrant ainsi par exemple 1038 chasseurs.


 

Bibliographie.

-Ray Wagner, Prelude to Pearl Harbor: The Air War in China, 1937–1941, San Diego Aerospace Museum, 1991.

-John Erickson, The Soviet High Command: A Military-Political History, 1918–1941, Routledge, 2001.

-Tomas Polak, Christhoper Shores, Stalin's Falcons : The Aces of the Red Star, 1999 Grub Street, 1999.

-Mikhail Maslov, Polikarpov I-15, I-16 and I-153 Aces, Osprey Publishing, 2010.

-Dmitry Shevchuk, « Soviet Planes and Pilots in China », Small Air Forces Observer, 3, octobre 1997.

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1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 07:18

Le 31 juillet 1937, l’armée impériale japonaise se lance à la conquête de la Chine et débute une guerre qui ne s’achève qu’en 1945 à la suite des bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Malgré la création d’un front uni entre les communistes de Mao Tsé-toung et les nationalistes de Tchang Kaï-chek, les Chinois sont en position de faiblesse devant la supériorité technique des troupes nippones. Pour résister, ils ont besoin d’une aide extérieure. À partir de 1942, cette aide est essentiellement américaine, mais dès les premiers mois de la guerre et jusqu’en 1941, la Chine reçoit principalement l’aide de l’Union soviétique, une aide qui privilégie paradoxalement les nationalistes plutôt que les communistes chinois.

 

 

L'occupation japonaise en Chine en 1940

L'occupation japonaise en Chine en 1940

Retournement d’alliances.

Tout au long des années 1930, la politique étrangère de l’URSS est marquée par la crainte devant les ambitions japonaises en Extrême-Orient. La conquête de la Mandchourie en 1931 par l'armée impériale inquiète à Moscou qui n’a pas oublié l’intervention japonaise en Sibérie durant la guerre civile russe. L’Empire du Japon demeure donc une menace sérieuse pour l’URSS comme elle le fut jadis pour l’Empire tsariste.

 

Quand les Japonais attaquent la Chine en juillet 1937, l’Union soviétique décide d’apporter son aide aux Chinois. Mais Staline qui se méfie des communistes chinois et de Mao Tsé-toung en particulier se tourne vers les nationalistes de Tchang Kaï-chek. Privilégiant l’intérêt national russe, il cherche ainsi à affaiblir le Japon, mais surtout, conscient des faiblesses militaires chinoises, il veut éviter un effondrement rapide de la Chine qui laisserait à l’armée japonaise les mains libres pour se tourner vers la Sibérie.

 

Ce rapprochement avec Tchang Kaï-chek représente un tournant dans la politique étrangère soviétique puisque à la suite de la rupture entre le parti nationaliste du Kuomintang et le Parti communiste chinois en 1927, les relations sino-soviétiques sont rompues. Elles ne recommencent officiellement qu’en décembre 1932 après des années d’hostilité marquées par le conflit armé de 1929. L’invasion japonaise accélère le processus. La Chine et l’URSS signent un pacte de non-agression le 21 août 1937 et mettent en place une coopération militaire. Les premières négociations entre militaires des deux pays débutent à Moscou en septembre 1937 et dès octobre les Soviétiques acceptent de fournir 225 avions de combat aux Chinois. Alors que les accords sur l’aide militaire ne sont officiellement signés que le 1er mars 1938, à cette date, les Soviétiques ont déjà livré 282 appareils aux troupes de Tchang Kaï-chek. Le poids de cette aide est loin d’être insignifiante puisque si à la fin de 1937 les Chinois ne disposent que de 20 avions en état de vol, ils en possèdent, grâce aux Soviétiques, près de 500 au début 1938.

 

L’aide militaire soviétique aux nationalistes chinois marque aussi un tournant dans la politique militaire chinoise. Depuis le début des années 1930, l’armée chinoise nationaliste bénéficie en effet de l’expérience d’experts militaires allemands comme les généraux Hans von Seekt ou Alexander von Falkenhausen. Ces derniers sont d’abord venus individuellement en Chine mais en 1937 ils sont officiellement reconnus comme appartenant à la mission militaire de la Wehrmacht à Pékin qui comprend alors prés de 70 militaires. Par la suite, le rapprochement entre l’Allemagne et le Japon et surtout la reconnaissance par Hitler de l’État du Mandchoukouo, un satellite du Japon installé en Mandchourie, enveniment rapidement les relations entre la Chine et le Reich. Au début de 1938, prenant comme prétexte l’arrivée en Chine d’experts soviétiques, l’Allemagne rappelle sa mission militaire. La place est désormais libre pour que les Soviétiques deviennent les tuteurs de l’armée nationaliste chinoise.

 

 

Conseillers militaires et blindés soviétiques en Chine.

En 1937-1938 ce sont prés de 300 experts et 5 000 techniciens soviétiques qui se succèdent en Chine. Il y a des pilotes, des tankistes, des spécialistes en armement, des médecins, des officiers d’État-major. Parmi les experts les plus importants se trouvent des généraux comme Pavel Rybalko, Vassili Kazakov, Vassili Tchouïkov ou Andreï Vlassov. Le poste de conseiller militaire en chef auprès du commandement chinois est confié au général Mikhaïl Dratvine qui est également de novembre 1937 à août 1938 attaché militaire à l’ambassade soviétique. Par la suite, lui succède le général Alexandre Cherepanov d’août 1938 à août 1939, Kouzma Kachanov de septembre 1939 à février 1941 et Tchouïkov de février 1941 à février 1942. Au poste d’attaché militaire se retrouve en 1938-1940, Nikolaï Ivanov et Rybalko et en 1940-1942 le général Tchouïkov.

Le général Vlassov, conseiller soviétique en Chine en 1938-1939

Le général Vlassov, conseiller soviétique en Chine en 1938-1939

L’aide soviétique est acheminée vers les ports chinois via l’Indochine et la Birmanie, c'est la route dite du sud, ainsi que par voie aérienne depuis Alma-Ata, la route du nord. Les deux premiers navires de matériel quittent Sébastopol à la mi-novembre et n’atteignent Haïphong et Hong-Kong que fin janvier. L’URSS expédie ainsi à la Chine nationaliste 985 avions, 82 chars de type T-26, 1 317 pièces d’artillerie, 1 550 camions, 30 tracteurs, 14 000 mitrailleuses, 164 millions de cartouches, près de 2 millions d’obus et plus de 80 000 bombes. Avant 1941, ce sont prés de 265 avions et d’autres matériels militaires qui sont livrés à la Chine, un soutien indispensable pour maintenir les capacités de combat de l’armée chinoise, notamment dans l’aviation ou les unités mécanisées.

 

En août 1938, les 82 chars T-26 livrés par Moscou permettent la formation de la 1ere division mécanisée dirigée par le major Chesnokov. Cette division se transforme par la suite en 5e armée mécanisée, renforcée par des véhicules blindés de type BA de fabrication soviétique, qui participent aux combats dés octobre 1938 sous les ordres du major Belov. Les instructeurs soviétiques jouent également un rôle important dans la formation technique des officiers d’artillerie chinois et l’entraînement des officiers d’infanterie. Ils sont aussi nombreux à participer aux combats surtout dans les unités blindées et l’artillerie. Mais c’est dans le domaine aérien que l’aide soviétique se révèle d’une grande importance.

T-26 soviétiques livrés à la Chine

T-26 soviétiques livrés à la Chine

L’opération Z.

L’industrie aéronautique chinoise est embryonnaire dans les années 1930 et les appareils en service dans l’armée nationaliste sont de différents modèles étrangers et le plus souvent obsolètes. À l’été 1937, les Chinois possèdent 600 appareils dont 300 chasseurs mais seulement la moitié est en état de combattre. Si les pilotes chinois se battent courageusement, leurs pertes sont très élevées face à des Japonais dont les appareils sont techniquement largement supérieurs. Ainsi, durant les premières semaines de guerre, les Chinois perdent la plupart de leurs bombardiers. En octobre, ils n’ont plus que 130 appareils en état de marche et moins d’une cinquantaine en novembre.

 

C’est dans cette période critique pour l’aviation nationaliste que l’opération Z, l’envoi de volontaires soviétiques en Chine, débute. Le commissaire du peuple à la Défense, Kliment Vorochilov, réunit alors les meilleurs pilotes volontaires et envoie en Chine une escadrille de 62 Polikarpov I-16 et une escadrille de 31 bombardiers Tupolev SB. La plupart des volontaires pensent alors qu’ils vont partir pour l’Espagne. Le 21 octobre, ils quittent Moscou en train, habillés en civil, pour se rendre à Alma-Ata.

 

Les Soviétiques vont livrer aux Chinois dans les années à venir des bombardiers rapides SB, des chasseurs Polikarpov I-15 et I-16, des bombardiers lourds Tupolev TB-3, des bombardiers à longue distance Iliouchine DB-3. Ces appareils permettent de contrer et de répondre aux attaques aériennes japonaises avec du matériel de qualité et des équipages expérimentés, composés de pilotes soviétiques ayant servi en Espagne et possédant donc une expérience du combat supérieurs à celle des Japonais.

 

Le 23 septembre 1937, Vorochilov ordonne d’organiser le convoyage des bombardiers par une « route spéciale » depuis Irkoutsk en passant par Oulan-Bator et Dalandzadagad en Mongolie jusqu’à Lanzhou en territoire chinois. Trente et un SB sont dispersés depuis Irkoutsk le long du Transsibérien, où l’usine d’aviation n° 125 est chargé de leur assemblage. L’ensemble de ce groupe doit être acheminé en Chine par la 64e brigade aérienne sous les ordres du colonel Tkhor. La liaison entre Alma-Ata et la Chine est particulièrement difficile dans les régions montagneuses et désertiques du nord-ouest chinois. Les quelques terrains d’aviation improvisés qui s’y trouvent, incapables d’accueillir les bombardiers lourds SB, manquent de moyens de communication et sont dépourvus de services météorologiques pour aider les pilotes.

 

Une fois arrivée en Chine, les avions soviétiques, le plus souvent chargés à l’excès de personnels et de matériels, font face au manque d’installation technique nécessaire pour les réparations ou l’approvisionnement. Ainsi les bombardiers DB-3 qui ont besoin de 1 500 litres de carburant nécessitent la mobilisation de 200 à 300 paysans locaux pour porter les bidons d’essence nécessaire à leur ravitaillement. Les conditions climatiques posent également des problèmes entre les fortes pluies sur des terrains non drainés qui se transforment en marécages ou les chutes de neige qui empêchent les atterrissages normaux. Les bases chinoises disposant de pistes en dur, de hangars, de dépôts d’essences et d’ateliers de réparation sont connus des Japonais qui ont pris soin de les bombarder pour les rendre inutilisables.

Chasseurs I-16 soviétiques

Chasseurs I-16 soviétiques

Les 10 premiers SB partent de Moscou le 17 septembre suivis par 16 autres appareils le 24 et 5 le 27. Les conseillers soviétiques dans le domaine aérien envoyés en Chine sont alors les colonels Grigori Tkhor, Pavel Rychagov et Fiodor Polynine. Ils dirigent une mission qui se compose de 447 militaires : des pilotes, des techniciens, des ingénieurs, des mécaniciens, des opérateurs radio, des météorologues, du personnel au sol, des médecins. En février 1939 ce sont près de 700 pilotes soviétiques qui servent en Chine avec le statut de volontaire.

 

L’aide aérienne soviétique ne cesse de se renforcer jusqu’à la fin de 1937. Fin octobre, 4 TB3 partent pour la Chine. Au 7 novembre, 27 SB et 6 TB3 quittent Alma-Ata. L’escadrille d'I-15 sous les ordres du capitaine Blagoveschenski rejoint la Chine en trois groupes de novembre à décembre. À son arrivée, elle est intégrée dans le 4e groupe aérien chinois stationné à Shanghaï puis à Nankin. Les pilotes chinois du 4e groupes abandonnent quant à eux leur vieux Curtiss Hawk 3 américains au profit de I-16 à la fin septembre 1937. La formation de ces pilotes ne débute à Lanzhou que début décembre. Dans d’autres villes chinoises s’ouvrent également des écoles d’aviation et de mécanique où enseignent les spécialistes soviétiques. Parfois ce sont des pilotes de chasse eux-mêmes qui dans les périodes de calme assurent l’enseignement sur des I-16. Au printemps 1938, 200 pilotes chinois se rendent également en URSS pour être formé dans des écoles de pilotage. Les Soviétiques forment aussi des communistes depuis l’hiver 1937. Zhu De, commandant des troupes communistes, envoie ainsi 43 soldats de la 8e armée rouge à l’école de pilotage du Xinjiang. Ces derniers formeront à partir de 1949, les cadres des forces aériennes de l’Armée populaire de libération.

Bombardiers TB-3

Bombardiers TB-3

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19 janvier 2016 2 19 /01 /janvier /2016 07:00

Militant politique et commandant militaire, Mikhaïl Frounze fut l'un des principaux chefs de l’Armée rouge durant la guerre civile russe et la première moitié des années 1920. Vainqueur de Koltchak, de Wrangel, des cosaques de l’Oural, des rebelles du Turkestan, de Petlioura et de Makhno, il succède à Trotski à la tête de l’Armée rouge en 1924. Frounze, qui n’appartient pas au groupe proche de Staline, est un personnage largement méconnu mais dont le rôle fut pourtant décisif à la fois dans la victoire soviétique durant la guerre civile, la construction de l’Armée rouge et l'élaboration de la doctrine militaire soviétique en vigueur jusqu’aux années 1980.

Mikhaïl Frounze, bâtisseur de l’Armée rouge

Le militant bolchevik.

Mikhaïl Frounze est né en 1885 à Pichpek (actuelle Bichkek au Kirghizistan) aux confins de l’Empire russe, dans une région, le Turkestan, à peine conquise par les armées du tsar et où domine un ordre colonial. Son père, officier de santé, s’est établi dans la région après y avoir servi comme militaire tandis que sa mère est la fille de paysans, venus comme colons dans l’espoir d’une vie meilleure.

 

Brillant élève au lycée de Verniy (actuelle Alma-Ata), Frounze rejoint en 1904 Saint-Pétersbourg pour suivre des études d’économie à l'Institut polytechnique. C’est alors un jeune étudiant romantique et idéaliste qui veut améliorer le sort des déshérités. À la fin de 1904, il rejoint le Parti ouvrier social-démocrate russe et prend part à la manifestation du 9 janvier 1905, le célèbre Dimanche sanglant, dont la répression marque le début de la première révolution russe.

 

En 1905, il est envoyé à Ivanovo-Voznesensk et Chouïa, le cœur de l’industrie textile russe, la troisième plus grande zone industrielle du pays. Il y anime la grève des ouvriers du textile, publie des tracts, récupère des armes et forme des détachements armés. C’est à Ivanovo-Voznesensk que naît le premier soviet de Russie dont Frounze est membre. En décembre 1905, quand une insurrection ouvrière éclate à Moscou, il rejoint les insurgés avec un groupe de combattants d'Ivanovo-Voznesensk. Il est alors remarqué par les bolcheviks pour son activisme politique et rencontre Lénine lors du congrès du POSDR à Stockholm en 1906 dont il est le plus jeune délégué.

 

De retour en Russie, il organise le 17 janvier 1907 un coup de main, armée, contre une imprimerie afin de faire publier des tracts pour une campagne électorale. Il participe également à une attaque armée contre un policier. C’est cette action qui lui vaut deux condamnations à mort après son arrestation à la fin de 1907. Mais sous la pression de l’opinion libérale, sa peine est commuée en travaux forcés puis en exil en Sibérie en 1914. En 1916, il fuit sa région d’exil pour s’installer clandestinement à Minsk prés du front afin de faire de la propagande auprès des soldats et de mettre en place une organisation bolchevique.

Frounze étudiant

Frounze étudiant

Après la révolution de février 1917, Frounze dirige la milice de Minsk, une organisation de volontaires armés dépendant du soviet de la ville plutôt que des autorités gouvernementales. Peu avant la Révolution d’Octobre, il est envoyé préparer la prise du pouvoir à Ivanovo-Voznesensk. Si les bolcheviks s’emparent facilement de la capitale, Petrograd, leur situation est plus difficile à Moscou où des troupes fidèles au gouvernement provisoire résistent. Avec un détachement armé, Frounze se rend à Moscou et participe à la prise de contrôle de la ville par les bolcheviks. En raison de son expérience au sein des groupes de combat bolcheviks en 1905 et 1917 et à la tête de la milice de Minsk, il apparaît déjà comme un spécialiste des questions militaires au sein du parti bolchevik.

 

Au début de 1918, Frounze est élu président du comité provincial du parti bolchevik et nommé commissaire militaire de la province d'Ivanovo-Voznessensk. En août, il est nommé commissaire du district militaire de Iaroslav qui comprend huit provinces. Il est alors chargé de mobiliser les ressources de ce secteur, après le soulèvement de Iaroslav, afin de former le plus rapidement possible des divisions pour l’Armée rouge naissante.

 

Il montre alors un vrai talent d’organisateur par sa capacité à comprendre rapidement les problèmes, à distinguer l’essentiel de l’accessoire et à utiliser au mieux les compétences de chacun. S’il ne possède pas de connaissances techniques précises dans le domaine militaire, notamment sur l’organisation d’une armée régulière ou la conduite des opérations militaires, il sait s’appuyer sur des militaires professionnels, anciens officiers du tsar et s’entoure d’un état-major expérimenté. Ses victoires, par la suite reposeront en grande partie sur ces experts militaires issus de l’ancienne armée dont il supervisera le travail. Néanmoins, conscient de son manque de connaissances militaires, Frounze prend soin également de se former à l’art de la guerre, en se plongeant dans la littérature militaire. Trotski lui reprochera d’ailleurs sa fascination pour les « schémas abstraits » et l’influence trop forte des anciens officiers sur lui.

 

Frounze compense surtout son manque de formation militaire par un véritable charisme et sa capacité à diriger les masses de l’Armée rouge tout en faisant preuve de courage personnel et de détermination. Il n’hésite pas ainsi à se retrouver en première ligne et sera même blessé en juin 1919 près d'Oufa. Il sait surtout organiser le travail de son état-major en cas d’urgence tout en réussissant à mobiliser l’ensemble des ressources locales pour les besoins de la guerre.

Mikhaïl Frounze, bâtisseur de l’Armée rouge

Commandant de la guerre civile.

Le premier commandement militaire de Frounze, qu’il reçoit en 1919, est celui de commandant de la 4e armée rouge du front oriental puis de commandant du groupe sud de ce front alors que les armées blanches de l’amiral Koltchak mènent une offensive victorieuse. Il revient à Frounze, dans cette situation délicate, de frapper le flanc occidental de l’armée blanche dans la région de Bouzoulouk. Le succès de l’opération casse l’offensive blanche et fait repasser l’initiative stratégique dans le camp soviétique. Frounze conduit alors une série d’opérations, de Bourougouslan à Oufa entre avril et juin 1919 qui repoussent les armées de Koltchak de la Volga à l’Oural puis en Sibérie. Frounze prend alors la direction de l'armée du Turkestan et de l’ensemble du front oriental.

 

D’août 1919 à septembre 1920, Frounze commande le front du Turkestan. Natif de la région, il connaît bien le terrain où ses troupes opèrent. Sa première mission est de briser l’encerclement des troupes rouges déjà présente dans la région. Le 13 septembre 1919, au sud d'Aktiobe, les soldats de la 1ere armée rouge font donc leur jonction avec les unités rouges du Turkestan. Ensuite, Frounze nettoie la région au sud de l’Oural des armées blanches qui s’y trouvent, les cosaques d'Orenbourg et de Semiretchie. La conquête de l’émirat de Boukhara et la victoire sur les rebelles musulmans, les Basmachis, parachèvent la mission de Frounze et le contrôle soviétique sur le Turkestan.

Frounze avec Boudienny et Vorochilov

Frounze avec Boudienny et Vorochilov

Fort de ces succès militaires, Frounze est nommé en septembre 1920 à la tête du front sud avec pour mission d’écraser l’armée blanche de Wrangel qui tient encore la Crimée. L’opération sur Perekop-Chongar et la traversée simultanée de la Syvach qui permettent de briser les défenses blanches ont été conçues par le groupe d’officiers de l’état-major du front sud qu’il a formé. Le succès de l’opération oblige Wrangel à évacuer la Crimée mettant fin à la guerre civile dans la partie occidentale de la Russie soviétique.

 

Après son succès en Crimée, Frounze se voit confier le commandement des forces armées en Ukraine. Son objectif principal est alors d’éliminer l’armée insurrectionnelle de l’anarchiste Makhno ainsi que les bandes armées nationalistes ou autres qui fourmillent dans la région. Là encore, Frounze rencontre le succès, payant de sa personne puisqu’il est blessé à l’été 1921 dans une fusillade avec des partisans de Makhno. À la fin de 1921, il est envoyé en Turquie pour une mission à la fois diplomatique et militaire. Il s’agit d’établir une alliance avec Mustafa Kemal et de lui fournir des armes pour l’aider à remporter la guerre d’indépendance turque.

 

Dans ses différents commandements, Frounze se distingue des autres dirigeants bolcheviks par son manque de cruauté. Ainsi, durant la guerre civile, il signe des instructions afin que les prisonniers soient traités humainement ce qui provoque un certain mécontentement au sein du Parti, notamment de la part de Lénine. S’il est un excellent militaire, il fait néanmoins preuve de peu de sens politique et ce n’est pas un hasard si plus tard Molotov notera que beaucoup de bolcheviks considéraient que Frounze n’était pas vraiment l’un des leurs.

Frounze passe des troupes en revue

Frounze passe des troupes en revue

Le chef de l’Armée rouge.

Au moment de la lutte au sein de la direction entre Staline et Trotski, Frounze devient en 1924 chef de l’état-major de l’Armée rouge et vice-président du conseil militaire révolutionnaire tout en prenant la tête de l’Académie militaire de l’Armée rouge. En 1925, il poursuit son ascension puisqu’il est nommé président du conseil militaire révolutionnaire et qu’il succède à Trotski comme commissaire du peuple aux Affaires militaires et navales. Contrairement à une vision largement répandue par la suite, Frounze poursuit les réformes entamées par Trotski afin de créer une armée régulière, d’organiser un système territorial de défense, d’améliorer la formation et la qualité des unités de l’armée. Il introduit de nouveaux équipements au sein de l’armée et renforce l’unité du commandement.

 

Frounze se lance également dans la rédaction d’ouvrages sur la théorie militaire afin de développer une doctrine propre à l’Armée rouge qu’il nomme « doctrine militaire prolétarienne ». Il y prône la primauté de l’offensive et préconise la mobilité et la manœuvre dans les opérations militaires posant ainsi les jalons de l’art opératif.

 

Si Frounze fait remplacer les proches de Trotski au sein de la direction de l’Armée rouge, il n’appartient pas au groupe stalinien. Il garde une certaine indépendance qui s’appuie à la fois sur son prestige militaire et sur son autorité dans l’armée. Cette situation particulière a pu engendrer des suspicions à son égard même si Frounze n’a jamais fait preuve de velléités « bonapartistes ». Elle est néanmoins au fondement des accusations portées contre Staline à la suite de la mort de Frounze en octobre 1925 lors d’une banale intervention chirurgicale à l’âge de 40 ans. Selon cette version, diffusée dés 1926, notamment par le biais du petit roman de Boris Pilniak, Conte de la lune non éteinte, Staline se serait débarrassé d’un possible rival, d’autant plus dangereux qu’il est populaire dans l’armée, comme il le fera en 1937, de manière plus expéditive, avec Toukhatchevski. À l’heure actuelle, aucun document ne permet cependant d’engager la responsabilité de Staline dans la mort de Frounze.

Frounze avec Trotski

Frounze avec Trotski

Après sa mort, la figure de Frounze est mythifiée et idéalisée par la propagande officielle. Il est présenté comme le véritable créateur et dirigeant de l’Armée rouge durant la guerre civile permettant ainsi de faire disparaître la figure de Trotski. Un culte posthume se développe en Union soviétique autour de Frounze dont le nom est donné à de nombreux villages, quartiers, stations de métro, entreprises. Sa ville natale, Pichpek est rebaptisée Frounze, tandis que son nom est attribué à un sommet du Pamir et à un cap sur l’archipel des Terres du nord dans l’Arctique. Durant toute l’ère soviétique, des monuments sont érigés à sa gloire, tandis que son image est largement diffusée au cinéma, dans les livres et aussi par la philatélie.

 

La propagande soviétique autour de la figure de Frounze pendant prés de 65 ans a largement fabriqué une légende derrière laquelle l’homme, avec ses qualités et ses défauts, a disparu pour se transformer en icône, en saint révolutionnaire. Il n’en reste pas moins que Frounze, comme Toukhatchevski et Joukov, fut un des meilleurs commandants soviétiques.

Statut équestre de Frounze dans sa ville natale de Bichkek

Statut équestre de Frounze dans sa ville natale de Bichkek

Bibliographie

-M. A Gareev, M. V. Frunze, Military Theorist, Pergamon-Brassey's, 1987.

-Walter Darnell Jacobs, Frunze : The Soviet Clausewitz, 1885-1925, Martinus Nijhoff, 1969.

-Collectif, Фрунзе : Военная и политическая деятельность [Frounze : activités politiques et militaires], Воениздат, 1984.

-B. A. Рунов, Фрунзе. Тайна жизни и смерти [V. A. Rounov, Frounze. Le mystère de sa vie et de sa mort], Вече, 2011.

-Л. Млечин, Фрунзе [L. Mlechine, Frounze], Молодая гвардия, 2014.

-Boris Pilniak, Le conte de la lune non éteinte, Interférences, 2008.

Les funérailles de Frounze

Les funérailles de Frounze

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23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 11:28
Sergueï Kamenev, commandant en chef de l’Armée rouge.

Figure largement méconnue, Sergueï Kamenev, à ne pas confondre avec le dirigeant communiste Lev Kamenev, fut un des créateurs de l’Armée rouge qu’il commanda à différents postes durant la guerre civile. Ce spécialiste militaire, ancien officier du tsar, fut en effet commandant de l’Armée rouge, une des plus hautes fonctions au sein de la Russie soviétique pour un homme qui n’était pas membre du Parti bolchevik.

 

Noble et officier du Tsar.

Sergueï Sergueïevitch Kamenev est né à Kiev le 4 avril 1881 dans une famille noble. Son père est ingénieur à l’Arsenal de la ville mais également colonel d’artillerie. Si, enfant, Kamenev rêve de devenir chirurgien, il choisit finalement la voie militaire. Il intègre alors le corps des cadets de Vladimir à Kiev puis en 1898 le collège militaire Alexandrov dont il termine troisième en 1900. Il entre ensuite à la prestigieuse Académie d’état-major Nikolaevski qu’il termine en 1907. Parallèlement à ces études, Kamenev sert dans l’armée dès 1900 au sein du 165e régiment d’infanterie de Loutsk qui stationne à Kiev. Ce n’est qu’après avoir terminé sa formation à l’Académie qu’il part servir au sein de l’état-major général.

 

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, Kamenev sert comme adjoint de l’aide de camp principal de l’état-major de la région militaire d'Irkoutsk puis comme aide de camp principal à l’état-major de la 2e division de cavalerie et enfin comme adjoint de l’aide de camp principal de l’état-major de la région militaire de Vilnius. Dans le même temps, il enseigne également la tactique et la topographie dans une école militaire. Durant ces années, il participe à de nombreuses manœuvres et voyagent beaucoup. Il visite ainsi les forteresses de Kaunas et Grodno, ce qui lui permet d’élargir ses horizons et de se former en tant qu’officier d’état-major. Il prend également soin d’étudier les erreurs commises de l’armée russe lors de la guerre contre le Japon en 1904-1905.

Kamenev, officier du tsar

Kamenev, officier du tsar

Entre Grande Guerre et Révolution

Avec le déclenchement de la Grande Guerre, Kamenev, qui est alors capitaine, sert comme aide de camp principal à l’état-major de la 1ere armée et commande le 30e régiment d’infanterie de Poltava. Ses chefs sont élogieux à son égard et le proposent au grade supérieur.

 

À la tête de son régiment, Kamenev sait faire preuve tout à la fois de courage, d’habileté et de sang-froid tout en se souciant du quotidien des officiers et des soldats. Cette attention portée aux conditions de vie de la troupe explique qu’en 1917, après la révolution de février, il soit élu commandant du régiment.

 

À l’époque du gouvernement provisoire, Kamenev se retrouve chef d’état-major du 15e corps d’armée, poste qu’il occupe au moment de la Révolution d’Octobre, puis chef d’état-major de la 3e armée. Durant cette période, il s’occupe principalement de la démobilisation des troupes de l’ancienne armée tsariste. Le siège de son état-major se trouvant à Podolsk, Kamenev doit fuir devant l’avance des troupes allemandes et replier sur Nijni-Novgorod où s’achève son service dans l’ancienne armée qui est alors dissoute par le gouvernement bolchevik.

 

Son expérience, plutôt positive, des soviets dans l’armée facilite le passage de Kamenev dans le camp bolchevik assez tôt. Au début de 1918, il s’engage donc comme volontaire dans l’Armée rouge en tant que spécialiste militaire. Ce choix s’explique certainement par sa volonté de continuer le combat contre les Allemands car il ne cherche pas à s’impliquer dans la guerre civile qui débute.

 

Dés avril 1918, Kamenev sert parmi le mince rideau de troupes qui fait face aux troupes allemandes en cas de reprise des combats. Il se retrouve alors adjoint du commandant du détachement de Nevelsk et doit faire face aux débuts difficiles de l’Armée rouge où sévissent la désobéissance, la désertion, la présence d’éléments criminels et une mentalité de partisans.

Kamenev, commandant de l'Armée rouge

Kamenev, commandant de l'Armée rouge

Commandant en chef de l’Armée rouge

En août 1918, Kamenev est nommé adjoint du chef militaire du front occidental et instructeur militaire de la région de Smolensk, son autorité s’étend aussi aux secteurs de Nevelsk, Vitebsk et Roslavl. L’objectif de Kamenev est alors de protéger ces régions contre les Allemands et de former des unités de l’Armée rouge. Il parvient ainsi à mettre sur pied la division de Vitebsk et le détachement de Roslavl qui sont envoyés dans l’Oural renforcer le front oriental contre les troupes blanches.

 

L’ascension de Kamenev au sein de l’Armée rouge débute réellement à l’automne 1918. En septembre, il reçoit un poste clef, celui de commandant du front oriental. Ce front est encore en formation et Kamenev doit bâtir un état-major, l’ancien ayant suivi Vatsetis nommé commandant en chef de l’Armée rouge. Il dirige les combats qui se déroulent dans la région de la Volga et en octobre, il parvient à repousser ses adversaires à l’est du grand fleuve. À la fin de l’année et au début de 1919, il réussit à reprendre Oufa et Orenbourg. Mais l’apparition, au printemps, des armées de Koltchak, l’oblige à abandonner ces conquêtes pour se replier sur la région de la Volga.

 

Durant la campagne de 1919, Kamenev contribue à la victoire soviétique sur les armées de l’amiral Koltchak. Cependant, au milieu des opérations, à la suite d’un conflit avec le commandant en chef Vatsetis, il est démis de son poste et remplacé par Alexandre Samoïlo qui arrive du front nord. Mais ce dernier entre rapidement en conflit avec le conseil militaire révolutionnaire du front ainsi qu’avec ses subordonnés. Il ne reste donc que peu de temps à son poste et Kamenev retrouve son commandement avec l’appui de Lénine.

 

Si Kamenev est un militaire talentueux, il n’a guère de sens politique et ne sait pas s’orienter dans les affrontements politiques qui touchent également la direction l’Armée rouge. Il bénéficie néanmoins sur ce point de l’appui de Sergueï Gousev, un vieux bolchevik membre du conseil militaire révolutionnaire du front oriental, qui l’aide à atteindre le sommet de la hiérarchie militaire. En juillet 1919, à la suite de la destitution et de l’arrestation de Vatsetis et de ses plus proches collaborateurs accusés de complots dans le cadre de luttes politiques au sommet du pouvoir soviétique, Kamenev est nommé commandant en chef de l’Armée rouge. C’est Gousev qui a attiré l’attention de Lénine sur lui pour cette nomination, la plus haute obtenue par un spécialiste militaire non-membre du Parti.

 

Kamenev prend ses nouvelles fonctions au moment où les armées de Denikine, venant du sud, marchent sur Moscou. Alors qu’il était encore commandant du front oriental, Kamenev a établi un plan pour empêcher la jonction entre les forces de Denikine et celles de Koltchak. Quand il est nommé commandant en chef, ce plan se révèle dépassé puisque Koltchak a été vaincu et que sa jonction avec Denikine semble alors improbable. Mais Kamenev continue à défendre son plan initial qui prévoit une offensive sur la région du Don où les Soviétiques attendent une résistance farouche des cosaques. Il reçoit le soutien d’un Lénine dont les connaissances en matère stratégique sont limitées. Le plan de Kamenev tourne au fiasco, l’offensive rouge dans le Don en août est un échec tandis que les Blancs percent le front plus à l’ouest et atteignent Orel et Mtsensk, menaçant Toula et mettant en péril l’existence même de la Russie soviétique. Les plans soviétiques doivent dès lors être changés en toute urgence pour sauver la situation par des actions coordonnées des différents fronts.

 

Par la suite, Kamenev mène la lutte sur différents fronts, prés de Petrograd contre le général Ioudenitch puis contre les Polonais et enfin en Crimée contre le général Wrangel. Sur ce front, il participe à l’élaboration du plan de l’opération Perekop qui ouvre les portes de la Crimée à l’Armée rouge. Après la fin des grandes opérations de la guerre civile, Kamenev dirige la lutte contre les révoltes paysannes, il réprime le soulèvement de la Carélie et combat les Basmatchis au Turkestan.

 

Kamenev fait l’objet d’appréciations divergentes de la part de ses contemporains. Ses détracteurs parlent de lui comme de « l’homme avec une grosse moustache et de petites capacités ». Trotski en donne une vue moins partiale, pour lui Kamenev se distingue par « son optimisme et son imagination stratégique rapide. Mais sa compréhension des facteurs sociaux sur le front sud était relativement étroite : les ouvriers, les paysans ukrainiens, les cosaques, ce n’était pas clair pour lui. » Ensuite, l’ancien commissaire du peuple à la Guerre compare Kamenev et Vatsetis : « Il est difficile de dire lequel des deux colonels était le plus doué. Les deux avaient d’incontestables qualités stratégiques, tous deux avaient l’expérience de la Grande Guerre, les deux se distinguaient par un caractère optimiste sans lequel il est impossible de commander. Vatsetis était têtu, volontaire et subissait l’influence d’éléments hostiles à la révolution. Kamenev était incomparablement plus souple et subissait facilement l’influence des communistes travaillant avec lui S.S. Kamenev était certainement un chef capable avec de l’imagination et la capacité à prendre des risques. Il lui manquait de la profondeur et de la fermeté. Lénine a été fortement déçu par lui et qualifiait durement ses rapports : « un compte rendu stupide et parfois analphabète. »

 

Malgré ses défauts et ses faiblesses, Kamenev est fidèle à Lénine et c’est sous ses ordres que l’Armée rouge a vaincu ses ennemis et a remporté la guerre civile. Il a en effet compris que seule une stratégie offensive pouvait permettre de remporter la victoire dans les conditions de la guerre civile. Il fut également un grand administrateur et sut se montrer extrêmement prudent dans ses rapports avec la direction du Parti afin de gagner ses faveurs.

Kamenev et Trotski

Kamenev et Trotski

Après la guerre civile

Pour son rôle dans la guerre civile, Kamenev reçoit l’Ordre du Drapeau rouge. En avril 1920, le comité exécutif central lui remet une épée en or pour sa victoire sur le front oriental et en janvier 1921 il reçoit un pistolet d’honneur Mauser. Pour son action dans le Turkestan, il est décoré de l’Ordre de l’Étoile rouge par la république de Boukhara et de l’Ordre du Drapeau rouge par la république autonome de Khorezm.

 

Après la guerre civile, Kamenev continue à servir dans l’Armée rouge. Dans ses écrits et des conférences, il repense l’expérience de la Grande Guerre et de la guerre civile. Il participe également à la rédaction des nouveaux règlements pour l’Armée rouge. Après son éviction du poste de commandant en chef en mars 1924, il sert comme inspecteur de l’armée en 1924-125, chef d’état-major en 1925, sous-secrétaire au commissariat du peuple pour les Affaires militaires et navales et président du conseil militaire révolutionnaire de 1927 à 1934, dirigeant de l’Académie militaire et finalement chef du département de la défense antiaérienne de 1934 à 1936. Dans ce dernier poste il joue un rôle important pour améliorer la protection du pays en dotant la défense antiaérienne de nouveaux équipements. Kamenev est également l’un des fondateurs de l’Ossoaviakhim, une organisation de préparation militaire pour les civils, et contribue à l’exploration et à la mise en valeur de l’Arctique en tant que président de la commission gouvernementale pour l’Arctique.

 

Colonel dans l’armée tsariste, Kamenev termine sa carrière dans l’Armée rouge avec le grade de commandant de 1er rang. Il adhère au Parti communiste tardivement, en 1930, et échappe au destin funeste qui s’abat par la suite sur ses compagnons d’armes. Kamenev décède en effet d’une crise cardiaque le 25 août 1936, évitant les tourments de la Grande Terreur. Ses cendres sont placées dans une urne dans le mur du Kremlin. Malgré sa mort, Kamenev n’échappera pas aux calomnies et sera déclaré « ennemi du peuple », son nom et son œuvre tombant dans l’oubli avant d’être réhabilité après la mort de Staline.

Sergueï Kamenev, commandant en chef de l’Armée rouge.

Bibliographie :

-Léon Trotski, Staline, Grasset, 1948.

-Ю. Галич, Красный хоровод, [Galitch, Le cercle rouge], Вече, 2008.

-Митюрин Д. В., Гражданская война: белые и красные, [D.V. Mitourine, La guerre civile : blancs et rouges],Полигон, 2004.

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 07:14

Maréchal de l’Union soviétique, figure militaire majeure de l’entre-deux guerres, commandant durant la guerre civile puis dirigeant des forces soviétiques d’Extrême-Orient, Vassili Blücher fut le premier titulaire de l’ordre du Drapeau rouge et de l’Étoile rouge. Un certain nombre d’opérations militaires ont fait sa légende avant qu’il n’incarne la puissance soviétique en Extrême-Orient. Le maréchal Joukov a admis qu’il fut pour lui un modèle tandis que Tchang Kaï-Shek déclara qu’il était l’équivalent d’une armée de 100 000 hommes.

 

 

 

Soldat dans l’armée du tsar

Vassili Kontantinovitch Blücher est né dans une famille paysanne du village de Barchinska dans la province de Iaroslav le 1er décembre 1889. Son nom si particulier lui vient de son aïeul serf à qui il fut donné durant la guerre de Crimée par son propriétaire en l’honneur du maréchal prussien Blücher.

 

Après avoir reçu une instruction primaire à l’école paroissiale, Blücher commence à travailler. Son père le conduit en 1904 à Saint-Pétersbourg où il devient garçon dans la boutique du marchand Klochkova puis ouvrier à l’usine de machines-outils Byrd. En 1906, il rentre finalement dans son village pour reprendre ses études. À l’automne 1909, il se rend à Moscou pour travailler dans un atelier de serrurerie puis comme mécanicien dans une usine de wagons à Mytichtchi. C’est là qu’il prend part à une grève en 1910 qui le fait condamner à trois ans de prison. Libéré, il trouve du travail aux ateliers de chemins de fer de la ligne Moscou-Kazan.

 

Avec le début de la Première Guerre mondiale, Blücher est incorporé au 56e bataillon de réserve puis rejoint le front en novembre 1914 au sein du 19e régiment d’infanterie de Kostroma. Soldat courageux, il devient sous-officier puis officier et reçoit la médaille de Saint-Georges. Il est grièvement blessé par une grande en janvier 1915 et passe plus d’un an en convalescence dans différents hôpitaux du pays. Finalement, en mars 1916, il est démobilisé et trouve du travail dans une usine de construction navale prés de Nijni-Novgorod puis dans une usine de mécanique à Kazan.

 

Vassili Blücher en 1915

Vassili Blücher en 1915

Héros de la guerre civile

En juin 1916, il rejoint le Parti bolchevik qui lui donne en mai 1917 l’ordre de réintégrer l’armée. Blücher intègre le 102e régiment de réserve où il est élu vice-président du soviet du régiment. En novembre 1917, au moment de la Révolution d’Octobre, il est membre du comité militaire révolutionnaire de Samara et participe à la prise de contrôle de la province. Il devient alors commissaire politique de la garnison de Samara.

 

Blücher participe à la formation de l’Armée rouge. À la fin de 1917, il est commissaire d’un détachement de Garde rouge envoyé à Tcheliabinsk pour participer à la lutte contre les cosaques d’Orenbourg commandés par l’ataman Doutov. Blücher agit dans la région de Tcheliabinsk entre janvier et mars 1918 et se voit également chargé de former les organes du nouveau pouvoir soviétique. En mars 1918 il est donc élu président du soviet de Tcheliabinsk et chef de l’état-major de la garde rouge.

 

La lutte contre les cosaques d'Orenbourg connaît des succès divers. L'ataman Doutov se retrouve dans l'Oural où il est pratiquement encerclé. Il parvient néanmoins à percer pour rejoindre la steppe Tourgaï tandis qu’au printemps débute un vaste soulèvement cosaques que les bolcheviks combattent en lançant des expéditions punitives contre les villages. Blücher participe à ses actions et acquiert une certaine notoriété en raison des mesures drastiques qu’il prend. Dans le même temps il rencontre des représentants cosaques et mène des négociations avec eux. En mai 1918, il dirige un détachement sous Orenbourg où la croissance graduelle des rébellions cosaques favorise en mai 1918 le soulèvement du corps tchécoslovaque contre les bolcheviks.

 

Blücher assoit sa réputation en 1918 quand il mène un raid de 150 km dans les arrières des Blancs. À la suite du soulèvement des cosaques d’Orenbourg, les bolcheviks qui tiennent la ville se retrouvent cernés. Les dirigeants de la Garde rouge décident à la fin juin de briser cet encerclement, une partie doit se diriger vers le Turkestan et une autre sous les ordres de Blücher et des cosaques rouges de Tomine et des frères Kashirine doit prendre la direction du nord afin de trouver du soutien dans leurs villages d’origine. Mais la majorité des villageois cosaques étant hostile aux bolcheviks, ces derniers ne peuvent rester dans leur territoire et doivent trouver refuge dans l’Oural industriel. Durant la marche, des groupes disparates sont réunis sous les ordres de Blücher qui se retrouve élu, le 2 août, commandant de l’unité des partisans du sud de l’Oural doit une force de 10 000 hommes. Il révèle alors ses dons d’organisateurs et de commandant ainsi que son savoir-faire manœuvrier. Régulièrement les hommes de Blücher affrontent les Blancs qu’ils parviennent à neutraliser et réussissent à franchir l’Oural et à rejoindre les lignes de la 3e armée rouge du front oriental, le 12 septembre après une marche de 54 jours. À la suite de cet exploit, Blücher devient, le 28 septembre, le premier récipiendaire de l’Ordre du Drapeau rouge.

Blücher en 1919

Blücher en 1919

Le 20 septembre 1918, Blücher se voit confier le commandement de la 4e division de l’Oural de l’Armée rouge qu’il commande jusqu’en novembre 1918 avant de prendre la tête de la 30e division d’infanterie. À la fin janvier 1919, il est nommé adjoint du commandant de la 3e armée du front oriental et organise la défense de Viatka face à l’offensive des troupes de l’amiral Koltchak. En avril 1919, il se voit confier la tache de former et de diriger la 51e division d’infanterie dans la région de Tioumen et du lac Baïkal. C’est à la tête de cette unité qu’il prend part à l’offensive soviétique à travers l’Oural contre les armées de Koltchak. Sa division s’empare ainsi de Tioumen le 6 août puis de Tobolsk. L’armée blanche est définitivement vaincue à l’automne 1919 et en mars 1920, fait prisonnier, l’amiral Koltchak est fusillé.

 

En août 1920, la division de Blücher est transféré dans le sud de la Russie pour lutter contre les troupes du Wrangel. Blücher défend ainsi la tête de pont de Kakhovka contre laquelle les Blancs utilisent des chars d’assaut britanniques. En octobre, une fois renforcée par des brigades de choc, sa division devient le fer de lance de l’offensive soviétique contre Wrangel en Crimée. Elle atteint Perekop puis le 9 novembre se lance à l’assaut des fortifications blanches qui défendent l’isthme, porte d’entrée de la Crimée. Le 11 novembre le front blanc s’effondre. Le 15, la division de Bulcher s’empare de Sébastopol puis de Yalta le lendemain. Malgré les lourdes pertes dans les rangs de sa division, Blücher reçoit alors un deuxième Ordre du Drapeau rouge puis le commandement en chef de la province d’Odessa.

 

Blücher est ensuite envoyé en Extrême-orient où la guerre civile n’est pas terminée. Là, il occupe le poste clef de ministre de la Guerre de la République d’Extrême-Orient, une entité territoriale créée spécialement afin d’éviter les affrontements directs entre les unités de l’Armée rouge et les troupes japonaises présentes dans la région. Sous la direction de Blücher se forme alors une armée révolutionnaire populaire de la République d’Extrême-Orient qui libère la région des dernières troupes blanches en 1922. Blücher commande ainsi les troupes lors de la bataille de Volochaevska près de Khabarovsk, les 10-12 février 1922, l’une des plus célèbres batailles menées par l’armée de la République d’Extrême-Orient. Cette bataille signe la victoire totale des Soviétiques contre les restes des armées blanches. Mais Blücher quitte l’Extrême-Orient en juillet avant la bataille de Spassk-Dalni en octobre qui met définitivement fin à la guerre civile.

Commandant durant la guerre civile

Commandant durant la guerre civile

Conseiller militaire en Chine

À la fin de la guerre civile, malgré son manque de formation militaire académique, Blücher appartient à l’élite militaire de la Russie soviétique. Il est nommé, en 1922, commandant du 1er corps d’infanterie, puis de la zone fortifiée de Petrograd. En 1924, il est détaché auprès du conseil militaire révolutionnaire de l’URSS pour accomplir des missions délicates.

 

À ce titre il est envoyé de 1924 à 1927 en Chine comme conseiller militaire du gouvernement nationaliste de Sun Yat-Sen, sous le pseudonyme de Galen. Durant cette période, il dirige un groupe de conseillers militaires et politiques qui atteint la centaine de personnes au milieu de 1927 et supervise la réforme de l’armée du Kuomintang. Il organise en 1926-1927, l’expédition du Nord, menée par l’armée révolutionnaire nationale chinoise et qui aboutit à la réunification du pays. Par son talent, Blücher gagne le respect des autorités chinoises et en 1927, quand les nationalistes se retournent contre les communistes, Tchang Kaï-Chek le laisse s’échapper, lui évitant le sort funeste que connaissent certains conseillers soviétiques. Plus tard dans les années 1930, alors qu’il lutte contre le Japon, le chef du Kuomintang n’hésitera pas à déclarer que Blücher vaut à lui seul une armée de 100 000 hommes. Son talent est aussi reconnu par les militaires soviétiques. Le futur maréchal Joukov, qui l’a connu au milieu des années 1920 dira : « J’étais fasciné par la sincérité de cet homme. Combattant intrépide contre les ennemis de la République soviétique, héros légendaire, Blücher était pour beaucoup un idéal. Franchement, j’ai toujours voulu être comme ce grand bolchevik, un ami merveilleux et un commandant de talent. »

Portrait de Blücher

Portrait de Blücher

Commandant de l’armée d’Extrême-Orient

À son retour en URSS, après un commandement en Ukraine, Blücher est nommé en 1929 à la tête du district militaire d’Extrême-Orient, un secteur vital pour la défense soviétique. À peine arrivé à son nouveau poste, il doit lutter contre les seigneurs de la guerre chinois alliés à des Russes blancs pour le contrôle du chemin de fer de l’Est chinois. Victorieux, il signe en décembre 1929 un accord avec le seigneur de la guerre Zhang Zueliang pour résoudre les conflits autours du chemin de fer avant qu’un accord de paix soit signé à Khabarovsk en décembre 1930.

 

En 1930, Blücher est élu membre du comité exécutif central du soviet de l’URSS. Il devient également député au 1er soviet suprême de l’URSS et membre suppléant du comité central du PCUS en 1934 et 1937. Il symbolise la puissance soviétique en Extrême-Orient, étendant son pouvoir au-delà de la sphère militaire pour s’occuper d’économie, participant à la création de kolkhozes ou à l'approvisionnement des villes. Blücher devient alors une légende dans l’Armée rouge. Dans les années 1930 des milliers de parents de conscrits lui écrivent pour lui demander d’incorporer leurs enfants dans l'armée d’Extrême-Orient. Il est le premier récipiendaire de l’Ordre du Drapeau rouge et de l’Ordre de l’Étoile rouge. Il reçoit ainsi deux Ordres de Lénine et cinq Ordres du Drapeau rouge. En 1935 il reçoit le grade le plus prestigieux celui de maréchal de l’Union soviétique.

Les cinq premiers maréchaux de l'URSS en 1935 (Blücher, debout à droite)

Les cinq premiers maréchaux de l'URSS en 1935 (Blücher, debout à droite)

Blücher s’intéresse au développement de la pensée militaire, il cherche à améliorer la formation des commandants. Durant les années 1930, grâce à la direction du renseignement de l’Armée rouge, il se procure des revues militaires étrangères qu’il étudie.

 

Au milieu des années 1930 les tensions avec le Japon s’accroissent suite à l’invasion de la Mandchourie par l’armée nippone. Finalement, en juillet-août 1938, Blücher montre à nouveau ses capacités lors de la bataille du lac Khasan en écrasant les Japonais, préservant ainsi l’intégrité de la frontière soviétique. Il est rappelé à l’automne à Moscou où il arrive le 22 octobre 1938 alors que la Grande Terreur bat son plein.

L'Extrême-Orient soviétique dans les années 1930

L'Extrême-Orient soviétique dans les années 1930

Victime de Staline

Blücher participe activement aux purges qui frappent le commandement de l’Armée rouge en Extrême-Orient. En juin 1937, il est également membre du Tribunal militaire qui condamne à mort le maréchal Toukhatchevsky ouvrant la voie à l’épuration de l’armée. À l’automne 1938, quand il arrive à Moscou sa position est précaire. La victoire au lac Khasan éloigne la menace japonaise et rend donc la présence de Blücher sur ce front moins utile. Surtout, Staline tient alors un prétexte pour l’éliminer. S’il lui reproche d’abord les pertes subies au lac Khasan où il a fallu 10 jours de combats pour l’emporter, son sort a été scellé en juin quand le chef du NKVD en Extrême-Orient, Guenrikh Liouchkov, a fait défection et livrait des documents militaires aux Japonais.

Blücher à Khabarovsk en 1937

Blücher à Khabarovsk en 1937

Blücher est arrêté par le NKVD le 24 octobre 1938, accusé d’espionnage au profit du Japon. Refusant d’avouer, il est torturé pendant 18 jours d’affilée lors d’une instruction où s’implique personnellement Beria. Il meurt sous la torture sans n’avoir rien confessé le 9 novembre 1938. Son corps est incinéré tandis que le NKVD fabrique un faux procès-verbal d’aveux dans lequel Blücher s’accuse d’être le chef d’une organisation anti-soviétique et d’un complot militaire.

 

Sa famille n’est pas épargnée par la répression. Sa fille adoptive est fusillée le 10 mars 1939, sa seconde épouse le 14 mars 1939, sa troisième épouse est condamnée à 8 ans de camps. Le frère de Blücher, Pavel, officier dans l’aviation, est fusillé le 26 février 1939. Le maréchal Blücher est officiellement réhabilité à titre posthume le 12 mars 1956.

Fresque en l'honneur de Blücher

Fresque en l'honneur de Blücher

Bibliographie

-Блюхер В.К. Статьи и речи, [ Blücher V.K, Articles et discours] Воениздат, 1963.

-Великанов Н.Т. Блюхер, [Velikanov N., Blücher] Молодая гвардия, 2010.

-Картунова А.И.В.К, В.К. Блюхер в Китае 1924-1927 гг. Новые документы главного военного советника, [Kartounova A, Blücher en Chine 1924-1927. Nouveaux documents du chef des conseillers militaires] Наталис, 2003.

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 13:07

 

Sur le blog L'autre coté de la colline nous publions un article sur les dernières années de l'armée soviétique: "L'impossible réforme, l'armée soviétique sous l'ère Gorbatchev, 1986-1991"

 

 

 

 

La fin de l'armée soviétique
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9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

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