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2 mars 2018 5 02 /03 /mars /2018 07:32

Le 23 septembre 1923, débute en Bulgarie, un grand soulèvement armé contre le gouvernement. Vaincu de la Première Guerre mondiale, la Bulgarie vit un après-guerre agité. De 1919 à 1923, le pays est dirigé par le premier ministre Alexandre Stambouliski, dirigeant de l’aile gauche de l’Union nationale agraire bulgare. Ce parti veut représenter et améliorer les conditions de vie de la paysannerie qui représente alors la grande majorité de la population. Stambouliski prône ainsi une troisième voie politique et économique entre le capitalisme et le socialisme marxiste pour répondre aux intérêts des paysans. L’Union agraire préconise ainsi le développement de la propriété coopérative et la réforme agraire. Cette dernière voit finalement le jour en 1921 et vise à accorder des terres aux petits exploitants et aux paysans sans terres par la saisie des terres incultes et inexploitées des grands propriétaires.

Cette politique se heurte rapidement à l’hostilité des grands propriétaires terriens mais également des officiers de l’armée. Conscient de ne pouvoir s’appuyer sur l’élite militaire, Stambouliski forme ses propres troupes, la Garde orange qui rassemble des jeunes partisans de l’Union agraire dont beaucoup sont des vétérans de la Grande Guerre. Outre l’opposition des milieux conservateurs, de l’armée et de l’élite politique, Stambouliski doit également affronter l’hostilité des grandes puissances occidentales qui craignent les aspirations socialistes de l’Union agraire et un possible rapprochement de la Bulgarie avec la Russie soviétique. Des intellectuels libéraux commencent à leur tout à critiquer l’autoritarisme du premier ministre.

Finalement, le 9 juin 1923, un coup d’État militaire renverse le gouvernement de Stambouliski. Mais ce dernier tente d’organiser la résistance contre les rebelles notamment autour de la Garde orange dirigé par le capitaine Vasil Ionovski. Le 11 juin, lors d’affrontements contre l’armée, les partisans de Stambouliski sont vaincus à Topolnitsa. Trois jours plus tard, le 14 juin, Stambouliski est arrêté et exécuté. Le pouvoir passe aux mains de l’économiste Alexandre Tsankov.

Une fois maître de la situation, Tsankov commence à réprimer les communistes qui organisent une résistance armée. Du 1er au 6 juillet a lieu à Sofia une réunion des dirigeants du Parti communiste bulgare (PCB) où les membres du comité central, Todor Petrov et Georgi Dimitrov demandent de soutenir les insurrections paysannes des régions de Pleven et Nikopol. Mais rapidement ces soulèvements sont réprimés. Le 7 août, il est finalement décidé de mobiliser toutes les forces du Parti pour préparer un soulèvement de masse contre le gouvernement. Mais la direction du Parti est consciente que pour obtenir le succès, il est nécessaire d’impliquer l’ensemble des militants communistes mais également ceux d’autres organisations de gauche. De nombreux militants de L’Union agraire sont en effet désireux de venger Stambouliski tandis que les anarchistes, qui jouissent d’une grande influence, s’activent également.

Le gouvernement, informé des préparatifs de soulèvement, prend les devant et déclenche de grandes vagues d’arrestations dés le 12 septembre 1923. Parmi les dirigeants arrêtés se trouve Hristo Kabakchiev l’un des introducteurs du marxisme en Bulgarie. Face à ces arrestations de masse, le 15 septembre, le PCB décide de lancer l’insurrection armée et en fixe la date, le 22 septembre. La responsabilité de sa direction revient à Vasil Kolarov, Georgi Dimitrov, Todor Lukanov et Todor Petrov. La police prend des mesures et le 21 septembre, elle arrête Nikola Atynsky, officier d’artillerie, militaire expérimenté et membre de l’Union agraire qui devait prendre le poste de chef d’état-major des troupes révolutionnaires.

L’Insurrection bulgare de 1923

Malgré les mesures policières, le soulèvement débute à la date prévue. Il touche en premier les régions de Stara Zafora, Novozagorsk, Kazanlak et Chirpanskoy et son épicentre se trouve dans le nord-ouest du pays. Dans la nuit du 23 septembre, les rebelles attaquent le village de Varshet avant de s’emparer de la ville de Ferdinandovo. Le 25, un détachement rebelle met en déroute des troupes gouvernementales à Boychinovtsi laissant augurer une réelle possibilité de prendre le contrôle d’une partie du pays. Débute une guerre civile à grande échelle où s’affrontent d’un côté les unités fidèles au gouvernement et de l’autre les troupes rebelles composés de communistes, d’anarchistes et d’ancien de la Garde orange.

Dans les premiers jours du soulèvement les villes d’Oryahovo, de Byala Slatina, Kneja, Berkowitz, Vidin tombent sous le contrôle des rebelles et dans certains endroits des gouvernements locaux ouvriers et paysans se mettent en place. Cependant la faiblesse des forces insurgées dans certaines régions et le manque de coordination entre elles sont mises à profit par le gouvernement. Dès le 26 et 27 septembre les troupes loyalistes remportent des succès et prennent le dessus. Dans la région de Sofia où se concentrent de nombreuses unités militaires, les rebelles sont rapidement écrasés. Dans la capitale, il n’y a eu aucune agitation, les services spéciaux ayant réussi à neutraliser les principaux dirigeants avant le début de l’insurrection.

L’Insurrection bulgare de 1923

Après l’écrasement des rebelles dans les régions de Sofia et Plovdiv, les troupes marchent vers les régions du nord-ouest, devenues les foyers de l’insurrection. Elles sont le théâtre de violents combats entre les insurgés et l’armée bulgare qui reprend le 26 septembre la ville de Berkowitz puis, le 27, Ferdinandovo, quartier-général de l’insurrection. Face à la défaite, le comité militaire révolutionnaire ordonne aux troupes insurgées de se replier vers la frontière yougoslave. Le 30 septembre, les principaux centres rebelles sont tombés. En Bulgarie, dans les zones rurales, se poursuivent néanmoins des actions de guérillas.

Le gouvernement Tsankov, à la suite de sa victoire, réprime les rebelles qui n’ont pas pris la fuite mais également la population rurale soupçonnée d’avoir sympathisé avec les insurgés. La répression est sévère, 5 000 personnes trouvent la mort, 10 000 sont arrêtés et condamnés tandis que 2 000 doivent fuir le pays. Les exilés trouvent refuge dans tous les pays d’Europe mais également en Union soviétique. Un rôle majeur dans l’organisation de l’assistance aux réfugiés est fourni par le PC yougoslave qui centralisent les fonds destinés à cette tache.

L’Insurrection bulgare de 1923

Tsankov accuse les communistes d’être les organisateurs de l’insurrection qui regroupe en réalité de nombreuses forces politiques recevant un soutien important dans la paysannerie mécontente de la fin de la réforme agraire. En novembre 1923, Tsankov organise des élections parlementaires, notamment afin d’obtenir le soutien des Britanniques et des Américains. Les résultats sont un succès pour les candidats de son camp. Le PC est alors interdit mais les communistes créent le Parti du Travail qui malgré son respect de la légalité est lui aussi interdit. En 1924, le gouvernement Tsankov interdit la totalité des organisations politique du pays afin d’établir un régime autoritaire.

Le calme ne revient pas immédiatement dans le pays. La répression violente qui suit l’insurrection de septembre 1923 entraîne une partie de la gauche à l’action clandestine et terroriste. Les communistes, notamment les militants de son organisation militaire, anime des foyers de guérillas. Ces militants ont des positions plus radicales que la direction en exil et ne se contentent pas d’organiser des manifestations de masses mais également des sabotages et des attentats contre les représentants du pouvoir.

Le 13 avril, un commando anarchiste dirigé par Vasil Ikonomov s’attaque au tsar Boris III lors d’une partie de chasse. Dans l’embuscade l’un des gardes du corps du souverain et un employé du Musée d’histoire naturelle sont tués tandis que le roi parvient de justesse à s’échapper. L’action la plus spectaculaire est néanmoins l’explosion souterraine qui touche la cathédrale de Sofia le 16 avril. Un bombe placé dans une voie de métro passant sous l’édifice explose lors de l’enterrement du général Georgiev. L’attentat est meurtrier : 12 généraux et 15 colonels et lieutenants-colonels sont tués dont un ex-ministre de la Guerre. À la suite de cet attentat, la loi martiale est proclamée dans tous le pays.

En réaction à ces attaques, le gouvernement intensifie la répression contre la gauche. La militante Tsolu Dragoycheva est ainsi arrêté et condamné à mort. Sa peine est néanmoins commuée en raison de sa grossesse. Certains militants communistes qui ont la chance de pouvoir quitté la Bulgarie joueront par la suite un rôle important dans le mouvement communiste international. Certains serviront dans l’Armée rouge durant la Seconde Guerre mondiale ou dans les groupes de partisans opérant dans différents pays d’Europe orientale.

À la suite de la défaite de l’insurrection de septembre 1923, la Bulgarie voit se succéder des gouvernements de droite qui se rapproche de l’Italie fasciste puis du IIIe Reich. En 1944, Tsankov est à Vienne où il essaye de créer un gouvernement bulgare en exil favorable à Hitler. Il échappe à la justice des vainqueurs et parvient en 1949 à trouver refuge en Argentine où il meurt à 80 ans en 1959.

L’Insurrection bulgare de 1923
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communismeetconflits - dans Bulgarie Communisme en Europe Entre-deux-guerres
23 février 2018 5 23 /02 /février /2018 07:06

Traditionnellement en URSS et désormais en Russie, le 23 février est fêté comme le jour anniversaire de l’Armée rouge. La date choisie est celle du 23 février 1918 quand des troupes de volontaires ont affronté les forces allemandes à Pskov et à Narva. Cependant, les décrets qui donnent naissance à l’Armée rouge sont adoptés dès janvier. À ce moment-là, les bolcheviks qui ont pris le pouvoir début novembre 1917, affrontent un problème fondamental : la défense de leur révolution face à des ennemis intérieurs et extérieurs.

La naissance de l’Armée rouge

De l’armée tsariste à l’Armée rouge.

La destruction de l’armée tsariste commence dans les dernières années de l’Empire russe quand la fatigue morale et psychologique fissure la cohésion de troupes engluées dans une guerre qui dure depuis trois ans. Cela conduit à une chute de la discipline, des désertions massives, la multiplication des abandons de poste et le lâchage du tsar par ses principaux généraux en mars 1917. Cette désagrégation s’accélère sous le gouvernement provisoire quand la libéralisation et la démocratisation conduisent à la disparition de l’armée en tant que structure unifiée. Dans une période de trouble, d’agression extérieure, le jeune pouvoir soviétique à besoin d’une nouvelle armée pour protéger le pays et défendre le projet socialiste.

 

Aux lendemains de la Révolution d’Octobre, Lénine et les bolcheviks voient l’avenir dans la formation d’une armée de volontaires ayant des dirigeants élus. Cette vision s’appuie sur la thèse marxiste du remplacement de l’armée régulière par l’armement universel des travailleurs. À l’été 1917, quand il écrit L’État et la Révolution, Lénine préconise déjà le remplacement de l’armée régulière par « la nation armée ». Le 16 décembre 1917, le comité exécutif central du Soviet publie donc un décret sur l’élection et l’organisation du pouvoir dans l’armée et l’égalité des droits des militaires.

 

Pour protéger les acquis de la révolution, le nouveau pouvoir s’appuie alors principalement sur les détachements de garde rouge dirigé par le Comité militaire révolutionnaire et des unités de soldats et de marins révolutionnaire de l’ancienne armée. Le 26 novembre 1917, les anciens ministères s’occupant des forces armées sont remplacés par un Comité des affaires militaires et navales dirigé par Antonov-Ovseenko, Krylenko et Dybenko. En décembre, ce comité devient un commissariat du peuple dirigé par Podvoïski.

 

Le 26 décembre, devant l’organisation militaire du parti bolchevik, Lénine, qui veut créer une force armée de 300 000 hommes, décide de mettre en place un collège pour la formation et l’organisation de l’Armée rouge. Cette commission doit développer dans les plus brefs délais les principes d’organisation et de construction d’une nouvelle armée. Les travaux du collège sont approuvés par le 3e congrès des Soviets qui se réunit du 10 au 18 janvier 1918 et entérine ainsi la formation d’une armée de l’État soviétique qui prend le nom d’Armée rouge des ouvriers et paysans.

 

Le décret de création de cette armée est signé le 29 janvier (11 février du calendrier grégorien). Sa définition comme une armée des ouvriers et paysans souligne son caractère de classe, c’est l’armée de la dictature du prolétariat qui doit être composée principalement de travailleurs des villes et des campagnes. Cette armée, qui ne doit avoir dans ses rangs que des volontaires, est conçu comme une armée révolutionnaire. Vingt millions de rouble sont alors alloués à la formation des détachements de volontaires tandis que les départements des anciens ministères militaires sont réorganisés ou abolis.

 

La naissance de l’Armée rouge

Le 18 février 1918, les troupes allemandes et austro-hongroises, soit plus de 50 divisions, violent la trêve signée à Brest-Litovsk en décembre 1917 et lancent une offensive de la Baltique à la mer Noire. Dans le Caucase, l’armée ottomane a repris l’offensive le 12 février. Les restes de l’ancienne armée, complètement démoralisé et désorganisés, ne peut résister à l’adversaire et se débande. De l’ancienne armée, les seules unités qui conservent encore une discipline miliaire sont les régiments de tirailleurs lettons qui se sont ralliés aux bolcheviks.

 

Face à l’offensive austro-allemande, quelques généraux de l’armée tsariste propose de former des détachements avec les débris de l’ancienne armée. Mais les bolcheviks craignant que ces troupes ne se retournent contre le pouvoir soviétique refusent. Cependant, ils conservent à leurs côtés quelques généraux afin d’attirer à eux les anciens officiers. Le 20 février, un groupe d’une douzaine de généraux conduit par Bonch-Brouevich arrive de l’ancienne Stavka à Petrograd pour former la base du Conseil militaire suprême. De mars à août, Bonch-Brouevitch sera le chef militaire du Conseil militaire suprême et en 1919 chef de l’état-major. Durant la guerre civile, de nombreux généraux et officiers de l’armée tsariste servent dans l’Armée rouge. Sur les 150 000 anciens officiers, si environ 40 000 ne prennent pas part aux combats, 40 000 rejoignent les Blancs et 75 000 l’Armée rouge.

À la mi-février 1918, est mis sur pied à Petrograd le Premier corps de l’Armée rouge. Formé de 3 compagnies de 200 hommes chacune, il est composé d’ouvriers et d’anciens soldats. Au cours des deux premières semaines de son existence, ses effectifs montent à 15 000 hommes. Une partie du corps, environ 10 000 hommes sont formées et envoyés sur le front prés de Pskov, Narva, Vitebsk et Orcha. Vers le début de mars de 1918, le corps comprend 10 bataillons d’infanterie, un régiment de mitrailleuse, 2 régiments à cheval, des batteries d’artillerie, un groupe d’artillerie lourde, 2 bataillons blindés, 3 détachements aérien, un détachement aérostatique, des formations du génie, d’automobile de motocyclistes et l’équipe de projecteurs. En mai 1918, le corps est licencié et ses hommes rejoignent les 1-er 2-ème 3-ème et 4-ème divisions d’infanterie, formées dans la région militaire de Petrograd. À la fin février, ce sont 20 000 volontaires qui se sont enrôlés à Moscou.

 

Le 23 février, l’Armée rouge connaît son baptême du feu sous Narva et Pskov en repoussant des troupes allemandes. Malgré ce succès, les premiers pas de l’Armée rouge se font dans l’improvisation. Les détachements de volontaires forment des unités de combat à partir des possibilités et les besoins de chaque région. Les détachements comprennent ainsi de quelques dizaines d’hommes à plus 10 000 pour certains. Les bataillons, les compagnies et les régiments se révèlent dont très hétérogènes tandis que les tactiques des troupes sont définies à partir de l’héritage de l’armée russe, des conditions politiques, géographiques et économiques des régions où se déroulent les combats mais reflètent également les personnalités de leurs commandants, tels que Frounze, Chtchors, Boudenni, Tchapaev, Kotovsky et les autres.

La construction d’un outil militaire efficace.

Le 3 mars 1918 est fondé le Conseil militaire suprême sous la direction du commissaire du peuple pour les Affaires militaires, Léon Trotski. Ce conseil coordonne l’activité des départements militaires, fixe les taches pour la défense de l’État et l’organisation des forces armées. Trotski met également en place l’Institut des commissaires militaires qui devient en 1919 l’administration politique de l’armée puis les nouvelles régions militaires sont établis le 25 mars. Le conseil militaire suprême examine également un projet d’organisation des divisions d’infanterie qui deviennent l’unité de combat principale de l’Armée rouge. La division se compose de 2 ou 3 brigades chacune formée de 2 ou 3 régiments. Chaque régiment comprend 3 bataillons divisés en 3 compagnies.

 

La marche des hostilités montre rapidement les limites du système du volontariat et de l’organisation « démocratique » à l’armée en excluant la possibilité d’une direction centralisée des troupes. Pour remédier au problème du manque d’effectif s’opère le passage graduel du principe du volontariat vers la construction d’une armée régulière sur la base du service militaire obligatoire général. Pour assurer cette transition, le 26 juillet 1918, Trotski présente au Conseil des commissaires du peuple un projet sur le service militaire obligatoire général des travailleurs et l’enrôlement des conscrits des classes bourgeoises dans les milices populaires de l’arrière. Peu de temps avant, le comité exécutif central du soviet a annoncé l’enrôlement de tous les ouvriers et également des paysans n’utilisant pas de salariés dans 51 districts des régions militaires du bassin de la Volga, de l’Oural et de Sibérie occidentale, ainsi que des ouvriers de Petrograd et de Moscou. Les mois suivant la conscription s’étend aux cadres de l’ancienne armée. Par le décret du 29 juillet 1918 toute la population masculine de 18 à 40 ans est soumise aux obligations militaires et enregistrée établissant de fait le service militaire obligatoire. Ces décrets permettent la croissance considérable des forces armées de la république soviétique.

 

Le 2 septembre 1918, le conseil militaire suprême est supprimé et ses attributions dévolues au conseil militaire révolutionnaire de la république (CMR), présidé par Trotski. Il concentre l’essentiel des fonctions administratives et opérationnelles pour la gestion des forces armées. C’est lui qui, par exemple, prend la décision de créer un corps de cavalerie au sein de l’Armée rouge. Le 1er novembre 1918, il se dote d’une structure opérationnelle, l’état-major de campagne. Les membres du CMR sont désignés par le comité central du Parti bolchevik et approuvés par le Conseil des commissaires du peuple. La composition du CMR est fluctuante puisqu’il peut comprendre, outre son président, ses assistants et le commandant en chef, de 2 à 13 personnes. En outre dès l’été 1918 se forme des Conseils militaires révolutionnaires dans les différents échelons de l’Armée rouge et de la Flotte : les fronts, les armées, les flottes, les flottilles et certains groupes de troupes.

 

En raison de l’accroissement de l’effort de guerre est apparue la nécessité de coordonner les structures qui y participent. Le 30 novembre 1918, un décret met en place le Conseil de défense des ouvriers et paysans dont la présidence est confiée à Lénine. Le Conseil de défense devient le principal centre de planification militaire et économique d’urgence de la République soviétique durant la guerre civile, contrôlant de fait les activités du CMR. En conséquence, il a tous les pouvoirs pour mobiliser et coordonner le travail de tous les organismes travaillant pour la défense du pays que ce soit dans le domaine industriel, celui des transports ou de l’approvisionnement.

 

Un travail considérable est également accompli pour rendre plus efficace l’Armée rouge avec la rédaction de nouvelles instructions sur l’emploi tactique des grandes unités pour toutes les armes et leur coopération en s’appuyant sur l’expérience de trois ans de la guerre mondiale. Un nouveau système de mobilisation est mis en place avec les bureaux de recrutement tandis que l’encadrement de l’armée est assurée par l’organisation des commissaires politiques. L’Armée rouge est alors commandée par certains des meilleurs généraux de l’ancienne armée et par 100 000 officiers de combat, y compris des anciens commandants de l’armée impériale.

À la fin de 1918, l’Armée rouge possède ainsi une structure d’organisation et un appareil de commandement. Pour consolider un système encore fragile, le pouvoir bolchevik envoie des militants communistes sur les principaux fronts. Ils sont 35 000 dans l’Armée rouge en octobre 1918, 120 000 en 1919 et 300 000 en août 1920, soit la moitié des effectifs du Parti bolchevik à cette époque. En juin 1919, une alliance militaire est conclue entre les différentes républiques soviétiques existantes alors : Russie, Ukraine, Biélorussie, Lituanie, Lettonie et Estonie. Elle permet un commandement militaire commun, une centralisation des finances, de l’industrie et des transports.

 

À la fin de 1920, l’Armée rouge compte 5 millions d’homme, mais en raison du manque d’équipements et d’armements sa force de combat n’excède pas 700 000 hommes répartie dans 22 armées, 174 divisions (dont 35 de cavalerie), 61 détachements aériens (300-400 avions), des unités d’artillerie et de blindées. Durant la guerre civile 6 académies militaires et plus de 150 cours ont formés environ 60 000 ouvriers et paysans à des fonctions de commandement dans toutes les spécialités.

 

 

Au final, la Russie soviétique a réussi à se doter d’une nouvelle armée assez puissante pour remporter la victoire dans la guerre civile à la fois sur les armées blanches, les différentes armées nationalistes et séparatistes et contre les révoltes agraires. Les grandes puissances à l’Ouest et à l’Est du nouvel État soviétique ont été aussi contraintes de se retirer de Russie et d’abandonner pour un certain temps toute idées d’intervention directe.

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19 septembre 2017 2 19 /09 /septembre /2017 07:32

Christian Salmon, Le projet Blumkine, La Découverte, 2017.

À la recherche de Blumkine

Dans son dernier roman, Christian Salmon, conduit ses lecteurs sur les traces d’un personnage fascinant dont la vie, pleine d’ombres et de mystères, et la fin tragique symbolise les fulgurances et le destin de la Révolution russe. Tous ceux qui s’intéressent à l’histoire soviétique ont croisé à un moment ou un autre, au détour d’une lecture, la figure de Iakov Blumkine. Si le personnage est bien réel, les traces qu’il a laissées sont si éparses et fragmentaires qu’il est souvent difficile de faire la part entre la réalité et le mythe parmi celles-ci. Christian Salmon, reprenant un projet abandonné pendant les années 1980, s’emploie néanmoins à reconstituer ce parcours et à combler ses trous biographiques.

 

Si les doutes entourent son lieu et sa date de naissance, le milieu dans lequel grandit Blumkine est celui du Yiddishland russe marquée par les discriminations antisémites et la pauvreté. A Odessa, le jeune Blumkine, spectateur de pogroms, se lance dans l’action révolutionnaire au sein des socialiste-révolutionnaires. C’est l’occasion pour l’auteur de fournir une description picaresque du monde juif d’Odessa à la veille de 1914 où se croisent idéalistes, génies de la littérature yiddish et bandits populaires. Un monde qui sera bouleversé par la Révolution russe puis disparaîtra dans l’horreur de la Shoah.

 

La Révolution de 1917 marque un tournant pour Blumkine. Il choisit alors les SR de gauche, les seuls alliés des bolcheviks, puis il s’engage dans la Tchéka sous les ordres de Dzerjinski, Félix de Fer. C’est en 1918 que Blumkine fait son apparition dans la grande histoire en assassinant l’ambassadeur d’Allemagne à Moscou pour protester contre la signature de la paix honteuse de Brest-Litovsk et dans l’espoir de déclencher une guerre révolutionnaire contre l’Empire de Guillaume II. Condamné à mort par les bolcheviks, Blumkine parcourt la Russie en guerre civile en essayant d’échapper à la fois aux Blancs et aux Rouges. Finalement, il fait allégeance aux bolcheviks qui lui pardonnent l’assassinat de l’ambassadeur allemand et le réintègrent au sein de la Tchéka. Policier, Blumkine participe à la Terreur rouge tout en fréquentant la bohème littéraire qui profite encore de la relative liberté d’expression que laisse la jeune Russie soviétique.

 

Blumkine est aussi un commis-voyageur de la Révolution mondiale comme le montre l’épisode de la République soviétique du Gilan cette tentative de bolcheviser une province du nord de l’Iran ou son passage par la Mongolie de Soukhe Bator. À la fin des années 1920, il se retrouve résident de la Guépéou à Istanbul, un poste clef puisque la métropole turque est à la fois un nid d’espions, un refuge pour les Russes blancs et une porte d’entrée vers le Proche-Orient. C’est dans cette ville qu’il retrouve Trotski dont il fut un proche lors de la guerre civile. L’espion soviétique renoue avec l’ancien chef de l’Armée rouge et accepte de servir de messager entre l’exilé et ses partisans en URSS. Il signe ainsi sa perte, puisque démasqué, il est exécuté en 1929 à Moscou par ses collègues du Guépéou.

 

À travers ce parcours foisonnant, Christian Salmon fait revivre l’atmosphère de la Russie révolutionnaire naissante entre idéalisme, répression, liberté artistique et mise au pas. Une situation qui n’est pas d’ailleurs sans rappeler celle de la Russie contemporaine. Il présente surtout un personnage au destin si extraordinaire qu’il peut sembler finalement être un personnage de fiction mais dont le parcours comme les origines rappellent étrangement ceux d’Ignace Reiss ou de Walter Krivitski.

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3 août 2017 4 03 /08 /août /2017 08:00

T. Derbent, De Foucault aux Brigades rouges. Misère du retournement de la formule de Clausewitz, Aden, 2017.

Clauzewitz malmené

Dans son nouvel ouvrage, T. Derbent prend pour cible les intellectuels et mouvements politiques qui depuis les années 1960 se plaisent à retourner la célèbre formule de Clausewitz, « la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens ». L’auteur s’attaque d’abord à Michel Foucault qui dans son effort de déconstruction des pouvoirs a besoin que ces derniers reposent sur la violence et la force et pour cela inverse la formule clausewitzienne pour signifier que la guerre serait l’état ordinaire de nos sociétés ce qui contredit aussi bien Clausewitz que Lénine. Mais devant les impasses de cette construction, Foucault jette rapidement l’éponge. T. Derbent passe ensuite au feu de sa critique acérée les positions de Deleuze, Guattari et de Negri concernant Clausewitz. Il leur reproche leurs déformations de la pensée du maître prussien et à travers ce dernier de s’attaquer à la stratégie léniniste qui, pour l’auteur est inséparable de celle de Clausewitz.

Dans une seconde partie, la plus intéressante à nos yeux, l’auteur dénonce les accusations portées contre Lénine d’avoir militarisé la politique. Cela ne signifie pas que la guerre ne joue pas un rôle centrale dans la pensée léniniste pour qui elle a indéniablement une nature politique. Si Clauzewitz pense la guerre entre les États-nations, son influence est profonde sur Lénine qui pense lui le monde en terme d’antagonisme de classe. L’auteur se livre à une démonstration brillante de l’influence de Clausewitz sur Lénine, sur ses conceptions des guerres justes et injustes, le rapport entre guerres et révolutions, les guerres irrégulières, les luttes de libération nationale. A partir de ces analyses, il montre que le parti pensé par Lénine n’a rien d’une organisation militarisée et que le procès lancé contre la militarisation de la politique par Lénine est un faux procès. Pour l’auteur, Lénine ne pense la politique en termes militaires seulement dans la période de lutte contre les classes dominantes. Une fois celles-ci vaincues, ce qui correspond historiquement à la victoire soviétique dans la guerre civile, il ne pense plus la politique en termes guerriers comme le montre la NEP. Pour Lénine, comme pour Clauzewitz, la guerre n’est qu’un moyen pour atteindre la paix qui dans le cas léniniste signifie la construction du socialisme.

Dans une dernière partie T. Derbent étudie la place de Clauzewitz dans le corpus idéologique des Brigades rouges italiennes. L’auteur montre qu’elle joue un rôle central dans la scission qui touche cette organisation en 1982-1983. Pour le courant que conduit Renato Curcio, le capitalisme a pénétré toutes les sphères de la vie sociale et de la vie quotidienne, ce qui signifie que la lutte contre lui est une guerre sociale totale et qu’au final la politique se confond dorénavant avec la violence au point que la prise du pouvoir d’État n’est plus une priorité. Pour l’auteur, ce radicalisme qui rompt avec la pensée de Clausewitz, rompt également avec le léninisme. C’est aussi la position de la majorité des brigadistes qui dénonce l’influence de la pensée de Carl Schmitt notamment de La Théorie du Partisan sur Curcio. Par ce biais, T. Derbent se livre à une analyse et à une critique de l’ouvrage de Schmitt et du concept d’ami/ennemi qui en est au centre et dont il estime qu’il est complètement étranger à la pensée de Clausewitz mais également à celle de Lénine. Par ce biais, il critique vigoureusement les auteurs de la revue Tiqqun et du Comité invisible qui, comme Curcio, prennent leur inspiration chez Schmitt et non chez Clauzewitz.

Livre dense, polémique, argumenté, intelligent, l’ouvrage de T. Derbent pourra déranger en raison des positions prises par l’auteur. Il n’en ouvre pas moins un très intéressant débat sur l’histoire de la place de la pensée militaire et stratégique au sein des organisations et mouvements révolutionnaires en s’appuyant sur une connaissance précise et érudite de Clauzewitz.

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communismeetconflits - dans Clauzewitz Brigades rouges
27 juillet 2017 4 27 /07 /juillet /2017 07:53

L’Humanité, « Que reste-t-il de la révolution d’Octobre? », Hors-série, juin 2017.

Dix jours qui ébranlèrent le 20e siècle

L’Humanité, le journal du PCF, ne pouvait éviter en cette année de centenaire de la Révolution russe de consacrer un de ces hors-séries à cet événement. Mais au-delà de l’épisode révolutionnaire russe, ce hors-série se penche surtout sur sa résonance dans l’espace et le temps jusqu’au moment où selon l’expression d’Enrico Berlinguer, la révolution d’Octobre perd de sa force propulsive.

Ce hors-série se divise en sept parties de tailles inégales mais qui ont toutes leur cohérence. La première, la plus courte, trace un portrait de la Russie à la veille de la Révolution avec un très bon article d’Alexandre Sumpf sur l’impact de la Première Guerre mondiale sur l’Empire du tsar. La seconde partie plonge le lecteur au cœur de la Révolution russe. Un article de Nicolas Werth retrace les grands traits du processus révolutionnaire avant une série d’articles sur des sujets plus spécifiques, celui de Florian Gulli sur la stratégie léniniste, de Sophie Coeuré sur les Français en Russie qui choisirent le camp bolchevik, d’Alexandre Courban sur les réactions de L’Humanité devant la révolution russe, de Jean-Numa Ducange sur la comparaison entre les Jacobins français et les bolcheviks. Un bel article de Jean-Jacques Marie sur la guerre civile russe clôt cette partie.

Les répercussions de la Révolution d’Octobre dans le monde sont au cœur de la troisième partie du hors-série. Jean Vigreux se penche sur la vague révolutionnaire qui touche l’Europe, particulièrement l’Allemagne mais également l’Espagne comme il le rappelle fort justement, tandis que Serge Wolikow retrace la naissance de l’Internationale communiste en 1919. Marco Di Maggio se penche sur le cas italien, Bernard Pudal sur les raisons de l’engagement communiste en France et que Maud Chirio, dans un article particulièrement intéressant, brosse les grands traits de l’histoire du communisme brésilien.

Une partie est entièrement consacrée à la création artistique aux lendemains de la Révolution. Un article retrace l’effervescence dans les arts en Russie soviétique durant les années 1920, avant que deux autres se penchent sur le cinéma dont celui d’Alexandre Sumpf sur les films d’actualité russes en 1917. Cette partie comprend plusieurs pages reproduisant des affiches de propagande, certaines connues, d’autres moins.

Les deux parties suivantes s’éloignent de la Révolution de 1917 malgré un entretien avec Marc Ferro, très sollicité en cette année, pour explorer dans l’une, sa force propulsive au 20e siècle avec un article de Bertrand Badie sur le bouleversement géopolitique qu’elle engendre et un autre de Françoise Vergès sur son écho dans le monde colonial. L’autre retrace son épuisement en interrogeant la continuité entre Lénine et Staline par Frédérick Genevée, les raisons du déclin du PCF par Roger Martelli, l’anticommunisme par Jean-François Fayet et la chute finale de l’URSS par Andreï Gratchev. La dernière partie de ce numéro quitte le domaine de l’histoire pour questionner l’actualité et l’avenir du phénomène révolution.

Ce hors-série est d’une grande richesse même s’il est possible de regretter parfois la brièveté des articles. La tonalité de l’ensemble est plus au questionnement sur la révolution russe et ses impacts dans l’espace et dans le temps qu’à une description proprement dite de l’événement. Il offre matière à réflexion sans jamais tomber dans la facilité ou le déni des impasses et des erreurs du communisme. Un seul regret néanmoins, l’absence d’une bibliographie.

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21 juillet 2017 5 21 /07 /juillet /2017 07:50

Guerres et Histoire, n° 37, juin-juillet 2017.

Prolétaires, à cheval !

Le dernier numéro du très populaire magazine Guerres et Histoire recèle un article particulièrement intéressant de Laurent Henninger qui se penche sur l’histoire de la Première armée de cavalerie de l’Armée rouge. Cette troupe entrée dans la légende grâce au livre d’Isaac Babel mais aussi à la toile de Malevitch mérite mieux que les images d’Épinal qui l’entourent et toujours présentes comme le montre le film polonais de 2011, la Bataille de Varsovie.

Laurent Henninger montre les conditions dans lesquelles naît la Konarmiya, une armée de cavalerie dans une Europe où la Première Guerre mondiale a sonné le glas de cette arme. Mais, à l’image de la Révolution russe, mélange d’archaïsme et de modernité, la Konarmiya n’est par un corps de cavalerie à l’ancienne. Armée de choc soutenue par les célèbres tatchankas, de l’infanterie, de l’artillerie mais également des avions lors de la campagne de Pologne, elle est l’instrument des opérations en profondeur et trace les voies de l’art opératif qui fera les succès soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale.

Bien documenté et complet, l’article de Laurent Henninger éclaire un aspect peu connu des débuts de l’Armée rouge et montre ainsi tout l’intérêt de se pencher sur la guerre civile russe pour comprendre le destin de ce qui fut l’une des plus puissantes forces militaires du 20e siècle.

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7 juillet 2017 5 07 /07 /juillet /2017 07:46

2e Guerre mondiale, n° 72, juillet-août 2017

German bias et arme blindée soviétique

Le dernier numéro du magasine 2e Guerre mondiale est une bonne surprise. Délaissant le cadre strict de l’histoire-bataille, ce numéro offre un panel d’articles qui explore différents aspects de la Seconde Guerre mondiale peu connus et pour certains relativement originaux.

Dans un article qui est une sorte de tribune libre, Benoît Rondeau revient sur le German bias, un défaut qui est largement reproché aux magazines grand public traitant de l’histoire militaire. S’il est conscient que ce Gernam bias est le fruit d’une lecture de la guerre vue à travers le prisme de la Guerre froide mais également pour certain d’une certaine fascination pour le nazisme, il le défend néanmoins. Certains arguments avancés peuvent faire sourire, même s’ils touchent juste, notamment concernant « l’esthétisme » du matériel et des uniformes allemands. D’autres sont plus pertinents et touchent au rôle central que joue l’Allemagne dans la guerre mondiale. Un article qui ne manque pas de susciter la discussion ou l’interrogation et où l’auteur prend garde à mettre des limites à ce German bias.

A l’occasion de la réédition de Mein Kampf, François Delpla revient sur la genèse de ce livre et en donne une critique serrée et argumentée. Benoît Rondeau livre un article sur l’aspect psychologique de la guerre notamment par le biais de la perception de l’adversaire. Un article transversal, original et qui ne manque pas d’interet. Plus classiques sont les études de Vincent Bernard sur la tactique utilisée par les Américains dans la guerre du Pacifique et sur la légion arabe de Transjordanie, loin du German bias.

Le dossier central de ce numéro est constitué par la première partie d’une étude de Nicolas Pontic de l’arme blindée soviétique. Il analyse ici la naissance et le développement de cette arme avant 1941. Origine, matériel, doctrine d’emploi, production industrielle, personnels, l’auteur fait le point sur les différents aspects du développement de l’armée blindée soviétique durant l’Entre-deux guerres. Un article intéressant et bien documenté qui montre tout l’intérêt de se pencher sur les années 1920-1930 pour mieux appréhender le second conflit mondial.

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communismeetconflits - dans Union soviétique et Russie 2e Guerre mondiale
28 juin 2017 3 28 /06 /juin /2017 07:15

Jean-Jacques Marie, La guerre des Russes blancs, 1917-1920, Tallandier, 2017.

L’aventure blanche

La guerre civile russe est un événement majeur qui conditionne fortement la structure et la mentalité du communisme soviétique. Remercions Jean-Jacques Marie, déjà auteur d’une petite synthèse sur le sujet, d’offrir au lecteur un ouvrage plus complet, même s’il n’étudie que l’un des camps de ce conflit, celui des Blancs. En effet, si l’auteur concentre son attention sur ces derniers, à travers eux c’est un panorama de la guerre civile qu’il retrace avec précision et esprit de synthèse.

 

Jean-Jacques Marie montre d’abord l’extrême hétérogénéité de ceux qui furent appelés les blancs. En effet, des menchéviks aux monarchistes, des SR aux libéraux, la lutte contre les bolcheviks regroupe des courants que presque tout oppose. Mais rapidement l’ascendant des militaires s’impose aux politiques comme le montre le coup d’État d’Omsk organisé par l’amiral Koltchak contre le gouvernement SR. Pouvait-il d’ailleurs en être autrement dans une guerre civile où le plus petit dénominateur commun entre les adversaires du bolchevisme était la nécessité de le combattre par les armes ?

 

Ces militaires, anciens généraux de l’armée du tsar, représentent une menace terrible pour le nouveau pouvoir soviétique qu’ils sont à plusieurs reprises sur le point de renverser notamment à la suite de la prise de Perm en 1918, lors de la tentative de Ioudenitch de prendre Petrograd en juin 1919 ou au moment de la grande offensive de Denikine qui atteignit Orel à l’automne. Malgré ces succès, les Blancs sont finalement les vaincus de la guerre civile. Plus qu’une chronique politique et militaire de ce conflit, vue du côté blanc, Jean-Jacques Marie cherche d’abord à cerner les raisons de cette défaite finale.

 

L’auteur montre ainsi l’extrême confusion qui règne chez les Blancs où les hiérarchies sont plus formelles que réelles, un phénomène qu’accentue les rivalités entre les différents chefs militaires. Il en résulte essentiellement un manque de coordination entre les différents fronts, ce qui permet à l’Armée rouge de déplacer ses troupes d’une zone à l’autre selon les besoins et d’appliquer le principe, essentiel dans l’art de la guerre, de la concentration des forces. L’organisation des armées blanches est également défectueuse notamment en raison de l’absence d’une chaîne logistique efficace. La troupe, sans ravitaillement, doit donc vivre sur le pays ce qui conduit à des rapines où la soif du butin l’emporte sur celle de combattre. Cette situation mine la discipline des troupes blanches qui s’adonnent également aux pogroms. Si ces derniers ne choquent pas véritablement les généraux, ils finissent néanmoins par s’en inquiéter essentiellement en raison de la mauvaise image qu’elle donne à la cause blanche en Occident.

 

Jean-Jacques Marie démontre surtout que plus qu’une lutte militaire, la guerre civile est essentiellement un combat politique où les Blancs sont largement surclassés par leurs adversaires. Dominés par les militaires, ces derniers se préoccupent d’abord de gagner la guerre et repoussent les décisions politiques et sociales à la convocation d’une Assemblée constituante une fois les bolcheviks vaincus. Ils s’aliènent ainsi la paysannerie qui craint qu’on lui retire les terres que lui a donné la révolution mais également les minorités nationales qui aspirent à l’indépendance ou à l’autonomie et dont l’appui leur manquera aux moments décisifs du conflit.

 

L’auteur retrace également le destin des blancs défaits et exilés de par le monde, la poursuite de leur combat contre l’URSS, leur divisions durant la Seconde Guerre mondiale entre les partisans d’une collaboration avec l’Allemagne et ceux qui restent avant tout des patriotes russes. Il n’oublie pas non plus d’explorer l’image de l’aventure blanche dans la Russie contemporaine. S’appuyant sur un impressionnant matériel documentaire, il nous offre ainsi un livre de référence sur un sujet incontournable pour comprendre le 20e siècle russe.

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2 juin 2017 5 02 /06 /juin /2017 07:00

Dés sa naissance, la Russie soviétique eut à se battre contre des adversaires de différentes natures. Dans la guerre civile qui dura de 1918 à 1920 apparurent donc des chefs militaires de talent comme Toukhatchevski et Frounzé et de nombreux autres qui laissèrent une place plus ou moins grande dans l’historiographie de l’ Armée rouge. Pourtant, le premier de ces commandants, le vainqueur de l’Ukraine et de la Bessarabie, celui à qui Lénine confia la direction du front le plus important est un peu tombé dans l’oubli. Il est vrai que ce soldat impitoyable, adoré par la troupe en raison de ses origines paysannes et de sa propension au pillage, fut un critique des « dictateurs du Kremlin » qu’il finit par trahir. Mikhaïl Mouraviev, puisqu’il s’agit de lui, se rêva en Napoléon rouge avant de mourir tragiquement en prenant les armes contre Lénine.

 

 

 

Officier de l’armée du tsar au service des bolcheviks.

Mikhaïl Artemevitch Mouraviev voit le jour le 13 septembre 1880 dans une famille de paysans du petit village de Bourdoukovo dans district de Vetlouchski qu’arrose la Vetlouga au cœur de la province de Nijni-Novgorod entre Moscou et l’Oural. Remarqué par l’instituteur du village qui l’aide a terminé sa scolarité à l’école du district le jeune Mouraviev s’inscrit dans un séminaire d’enseignement, un établissement secondaire destiné à former les instituteurs. Mais au lieu de devenir maître d’école, ce dernier s’engage dans l’armée en 1898. Après deux ans à l’école d’infanterie de Kazan pour devenir officier, il rejoint la ville de Roslav, dans la province de Smolensk, où il se fait remarquer par ses qualités, notamment par le général Kouropatkine.

 

La carrière du jeune sous-lieutenant est pourtant largement compromise à la suite d’un duel où Mouraviev tue un officier qui avait offensé sa bien-aimée. Il est alors dégradé et condamné à passer un an et demi dans une compagnie disciplinaire. Mais grâce à l’intervention de protecteurs, il ne passe finalement que quelques mois en prison avant de retrouver son grade.

 

En 1904, au moment où commence la guerre contre le Japon, le lieutenant Mouraviev commande une compagnie du 122e régiment de Tambov. En février 1905, il est grièvement blessé à la tête et se fait soigner à l’étranger. Selon certains, il passe quelque temps à Paris où il aurait suivi des cours à l’École de guerre tandis que d’autres affirment qu’il se serait lié aux socialiste-révolutionnaires proposant d’organiser pour eux des opérations militaires en Russie. Cette dernière affirmation semble ressortir du domaine de la légende puisque Azef, le chef de l’organisation militaire des SR, étant également un agent de l’Okhrana, la police secrète tsariste, Mouraviev aurait été inévitablement arrêté à son retour au pays s’il avait proposé ses services aux révolutionnaires. Au lieu de cela, il sert pendant un an au Caucase avant de rejoindre l’école d’infanterie de Kazan où il enseigne pendant sept ans et épouse la fille du commandant de réserve Skopinski.

 

Quand débute la Première Guerre mondiale, Mouraviev est capitaine. Envoyé sur le front, il se bat bravement, recevant décorations et blessures, mais sa carrière stagne néanmoins. Reconnu inapte au front en raison de son état de santé, il est affecté, toujours comme capitaine, comme professeur de tactique à l’école militaire d’Odessa.

Mouraviev, officier de l'armée du tsar

Mouraviev, officier de l'armée du tsar

La révolution de février 1917 bouscule le capitaine Mouraviev qui devient un révolutionnaire actif et éloquent avant de rejoindre les rangs du Parti socialiste-révolutionnaire. Durant cette période il apparaît comme un soutien du Gouvernement provisoire et de la poursuite de la guerre. Ainsi en mai 1917 lors d’un congrès d’officiers, Mouraviev avance l’idée de créer des bataillons de choc et procède ensuite à leur organisation. À l’automne 1917, il est enfin lieutenant-colonel en poste à Petrograd.

 

Deux jours après la prise du pouvoir par les bolcheviks, Mouraviev se rend à Smolny, quartier-général de ces derniers où il rencontre Yakov Sverdlov puis Lénine pour leur proposer ses services. À Petrograd, l’anarchie règne, les caves du Palais d’Hiver ont été pillés et de nombreux soldats, ivres, errent dans la ville où les pilleurs sévissent. Mouraviev qui se présente comme SR de gauche se propose de ramener l’ordre. Il le fait en deux jours de manière particulièrement énergique. Les foules de maraudeurs sont dispersées par la force, les barils d’alcool vidés dans les égouts. Au Palais d’Hiver où des milliers de bouteilles ont été cassés dans les caves, l’alcool est pompé par le croiseur Aurore et rejeté dans la Néva. Fort de cette prompte remise en ordre, Mouraviev est nommé commandant de la région militaire de Petrograd avec les pleins pouvoirs.

 

Dans le même temps, marchent sur Petrograd les troupes de Krasnov, fidèles à Kerenski. Pour leur faire face, les bolcheviks ne disposent que des gardes rouges, des ouvriers armés, incapables de faire face aux cosaques et aux canons. Il est donc nécessaire de mobiliser des militaires et pour cela de convaincre les officiers de la garnison de défendre la révolution. Vladimir Antonov-Ovseenko raconte dans ses mémoires, comment Mouraviev, après trois heures de discussions, parvient à convaincre des officiers, restés jusque-là neutres, de conduire leurs hommes au combat. Les unités de Krasnov sont finalement repoussées tandis que Kerensky prend le chemin de l’exil.

 

Mouraviev apparaît alors aux yeux des bolcheviks comme une autorité militaire indispensable pour défendre le pouvoir soviétique. Mais ce dernier se retrouve vite dans une situation inconfortable lorsqu’un conflit éclate entre bolcheviks et SR de gauche, ces derniers demandant à leurs militants de quitter leurs fonctions au sein du pouvoir soviétique. Mouraviev obtempère et démissionne le 21 novembre. À la suite d’un nouveau rapprochement entre les deux partis, Mouraviev est nommé, le 22 décembre, chef d’état-major du commissaire du peuple pour la lutte contre la contre-révolution en Ukraine, Antonov-Ovseenko.

 

 

La conquête de l’Ukraine.

En Ukraine, l’annonce de la chute du tsarisme ne parvient à Kiev que le 3 mars 1917. Le 7 mars, des partis et mouvements locaux mettent sur pied une assemblée représentative, la Rada centrale, qui doit gérer la région dans le cadre d’une certaine autonomie au sein de l’ensemble russe. Pourtant le gouvernement provisoire de Petrograd ne reconnaît pas cet organisme qui continue néanmoins à se développer intégrant des représentants des minorités nationales et des différents partis dont des bolcheviks. Ces derniers se retirent de la Rada quand en octobre celle-ci refuse de reconnaître la prise du pouvoir par les bolcheviks à Petrograd. Le 20 novembre, la Rada annonce la création de la République populaire ukrainienne au sein d’un État fédéral russe. En réponse, les bolcheviks réunissent le 25 décembre à Kharkov le premier congrès des soviets d’Ukraine qui proclame la formation d’une république socialiste soviétique d’Ukraine et met hors la loi la Rada. Afin de renverser cette dernière, Antonov-Ovseenko et Mouraviev sont envoyés en Ukraine.

 

Mouraviev inaugure alors la tactique militaire dite de « la guerre des échelons » qui repose sur les trains blindés. Cette tactique est à la fois simple et d’une certaine efficacité. Un train rempli d’un échelon de soldats fait irruption dans une gare, ces derniers débarquent rapidement et attaquent précipitamment leurs adversaires. La méthode est efficace puisque pour prendre la gare de Poltava, Mouraviev ne perd qu’un soldat. Cette tactique montre à tous les belligérants l’importance des chemins de fer dans un pays vaste comme la Russie où les forces mobilisées sont encore faibles, Mouraviev ne disposant que de 3 000 combattants pour conquérir l’Ukraine.

Les troupes rouges en marche sur Kiev

Les troupes rouges en marche sur Kiev

En cinq semaines, les troupes de la Rada dirigées par Simon Petlioura sont vaincues et les Soviétiques ne cessent d’avancer en Ukraine. Les forces ukrainiennes manquent d’unités et d’un commandement capable. Le territoire de la République populaire ukrainienne ne cesse de rétrécir tandis qu’à Kiev, le 18 janvier 1918, les ouvriers de l’Arsenal se lancent dans une insurrection armée. Le 24 janvier, la Rada proclame l’indépendance totale de l’Ukraine.

 

Le 27 janvier, Mouraviev approche de Kiev. Son armée compte alors 7 000 hommes, 26 canons, 3 auto-blindés et 2 trains blindés. Il fait bombarder les quartiers bourgeois de la ville. Kiev est touché par prés de 2 000 obus qui causent d’importants dégâts et font de nombreuses victimes civiles. Cette action, alors que la Rada est en pleine déroute, provoque la colère chez les Ukrainiens, une colère qui prend pour cible les bolcheviks et notamment Mouraviev d’autant qu’il est aussi reproché à ce dernier de livrer les villes prises au pillage de ces soldats. Les autorités soviétiques en Ukraine demandent donc à Moscou son rappel. Le 14 février, Mouraviev est nommé à la tête des troupes qui doivent s’opposer à l’avance des armées roumaines, qui après s’être emparées de la Bessarabie, avancent vers Odessa.

 

 

La guerre contre la Roumanie.

La Roumanie s’est engagée dans la Première Guerre mondiale en 1916 aux côtés des puissances de l’Entente. Mais l’armée roumaine est battue par les troupes allemandes et bulgares qui occupent Bucarest et une grande partie du pays. La Roumanie n’évite la défaite totale que grâce au soutien et à l’intervention russes. Ses troupes tiennent le front en Bessarabie tandis que le gouvernement et le parlement s’installent à Iasi. À la fin de 1917, au moment de la désagrégation de l’armée russe, les Roumains s’emparent des stocks d’armes et d’approvisionnements russes. Le 7 décembre, deux régiments roumains traversent le Prout qui marque la frontière avec la Russie et occupent quelques villages. Début janvier, la conquête commence. Le 13 janvier, après avoir désarmé les gardes rouges, les Roumains prennent Chisinau. Des combats embrassent le nord de la Bessarabie. Bendery résiste du 29 janvier au 7 février, défendue par des milices municipales, des détachements ouvriers et des soldats des 5e et 6e régiments Zamourski. Pour prix de cette résistance, les Roumains fusillent prés de 500 personnes.

 

Le 26 janvier, la Russie soviétique rompt ses relations diplomatiques avec Bucarest et confisque l’or que les Roumains avaient mis à l’abri en Russie. Pour résister à cette dernière se forme le 18 janvier la République soviétique d’Odessa (RSO) qui comprend des territoires des provinces de Kherson et de Bessarabie. Pour se défendre, elle ne dispose que d’unités éparses des 4e et 6e armées du front roumain. Concentrées dans le district de Tiraspol, ces forces forment une « armée spéciale » avec un commandement élu. Avec les troupes de la République soviétique d’Odessa, elle ne rassemble que de 5 000 à 6 000 hommes dont seulement 1 200 cavaliers et 1 500 fantassins véritablement en état de combattre. Pour organiser la défense de la région il existe également un comité central exécutif des soviets du front roumain, de la flotte de la mer Noire et de la région d’Odessa (Roumtcherod) dont l’autorité s’étend sur les provinces de Kherson, de Bessarabie, de Tauride et une partie des provinces de Podolsk et de Volhynie.

 

Ce sont les commissaires du Roumtcherod qui organisent concrètement la défense contre les troupes roumaines. À la suite d’accrochages sur le Dniestr, il propose au commandement roumain de signer un armistice afin d’entamer des négociations, armistice finalement conclu le 8 février. Les Roumains ont accepté la proposition car ils ont sous-estimé la résistance des Soviétiques tandis que leurs soldats rechignent à combattre les Russes. Pendant ce temps, Mouraviev et sa petite armée ne cessent de progresser en Ukraine élargissant le territoire sous contrôle soviétique. A Odessa, le conseil des commissaires du peuple de la RSO forme un collège spécial pour la lutte contre la contre-révolution roumaine et bessarabienne qui s’immisce dans les négociations entre les Roumains et le Roumtcherod qui sont finalement interrompues le 15 février.

Gardes rouges

Gardes rouges

Le 14 février, Mouraviev est officiellement chargé de chasser les Roumains du territoire russe avec comme consigne de Lénine d’agir « on ne peut plus énergiquement sur le front roumain ». Ce dernier lui indique qu’il reste en Bessarabie quelques unités de la 8e armée ralliées aux bolcheviks qu’il peut donc intégrer aux troupes rouges. Mais à Kiev Mouraviev rencontre des difficultés avec les hommes qu’il commande déjà. Les gardes rouges estiment en effet avoir rempli leur mission en « libérant » l’Ukraine et ne veulent pas suivre Mouraviev en Bessarabie. La colère de ce dernier ne change rien à cette situation et il ne parvient à rassembler que 2 000 combattants qu’il lance en direction du Dniestr vers Bendery et Odessa où il installe son état-major. Arrivé sur place, il envoie un télégramme à Lénine : « La situation est extrêmement grave. Les troupes de l’ancien front sont désorganisées, en réalité ce front n’existe plus, il n’en reste seulement que les état-majors dont les emplacements sont inconnus. Le seul espoir repose sur l’arrivée de renforts extérieurs. Le prolétariat d’Odessa est désorganisé et politiquement analphabète. Ignorant que l’ennemi se rapproche d’Odessa, il ne s’en soucie pas. »

 

Le 20 février, les troupes de Mouraviev lancent une offensive sur Bendery, détruisant un régiment roumain et s’emparant de trois canons tandis que les soldats du Roumtcherod contiennent les Roumains sur le Dniestr. Plus au nord, directement sous les ordres de Mouraviev, les gardes rouges infligent également une défaite aux Roumains prés de Rybnitsa le 23 février. Les combats se poursuivent pendant six jours avec la victoire des Soviétiques à Slobozia, dans la région de Kitskany. Les Roumains proposent alors de négocier et les pourparlers s’engagent à Odessa et Iasi. Un accord est trouvé le 5 mars mettant fin au conflit entre la Russie soviétique et la Roumanie qui s’engage à évacuer ses troupes de Bessarabie dans les deux mois et à n’entreprendre aucune action militaire contre le pouvoir soviétique. Cet accord est rapidement rendu caduc par l’invasion allemande et austro-hongroise.

 

Le 9 février 1918, les représentants de la Rada ukrainienne signent un accord avec les Allemands à Brest-Litovsk. Ils acceptent que les troupes du Kaiser envahissent l’Ukraine mais aussi de fournir des vivres au Reich qui souffre cruellement du blocus allié. Près de 450 000 soldats allemands et austro-hongrois s’avancent alors en Ukraine qui devient le grenier à blé d’une Allemagne où la famine menace. Pendant que Mouraviev combat en Bessarabie, les troupes allemandes progressent rapidement en Ukraine où quelques milliers de gardes rouges sont incapables de les arrêter. Le 1er mars, les Allemands entrent dans Kiev, obligeant Mouraviev à quitter Odessa par crainte de se retrouver coupé du reste de la Russie.

 

 

La fin de Mouraviev.

Mouraviev arrive à Moscou le 1er avril où il est fêté par les SR de gauche qui voient en lui le chef militaire de la révolution. Il se voit alors confier le poste de commandant de l’armée du Caucase, une décision à laquelle s’oppose les bolcheviks de Transcaucasie qui craignent que les excès dont Mouraviev est prodigue ne soulèvent la population contre le pouvoir soviétique. Deux semaines après son arrivée dans la région, ils font donc arrêter le nouveau commandant en l’accusant d’avoir livré des armes aux anarchistes de Moscou et surtout d’avoir ordonné des exécutions et des expropriations illégales en Ukraine. Mais Lénine ne veut pas se brouiller avec les SR de gauche sur cette question. Il croit toujours dans les talents militaires de Mouraviev et dans sa capacité à sauver la révolution. Il le fait donc libéré et le nomme commandant du front oriental qui comprend trois armés et doit affronter la légion tchécoslovaque. Cette dernière s’est révoltée en mai 1918 contre le pouvoir soviétique et en quelques semaines a pris le contrôle d’immenses territoires dans l’Oural et la Sibérie. Pour le pouvoir soviétique, la menace tchécoslovaque apparaît comme mortelle et la nomination de Mouraviev pour l’écraser montre la confiance que Lénine place en lui.

 

Cette confiance disparaît quand le 6 juillet, les SR de gauche organisent un soulèvement à Moscou dans le but d’annuler le traité de Brest-Litovsk pour reprendre la guerre contre l’Allemagne. Lénine demande alors de faire surveiller étroitement Mouraviev. Les craintes du leader bolchevik sont fondées puisque Mouraviev reste toujours fidèle au SR de gauche. Pourtant le 6 juillet, il demeure à travailler au sein de son état-major et assure qu’il reste loyal au pouvoir soviétique.

 

Ce n’est que le 10 juillet que Mouraviev passe à l’action. Si l’historiographie soviétique a longtemps soutenu qu’il avait agi sur ordre et en liaison avec la direction des SR de gauche, aucun document ne corrobore cette version. Il semble plus juste qu’il a agi seul, certainement dans l’espoir d’échapper à une probable arrestation due aux soupçons sur sa loyauté.

 

De Kazan où est installé l’état-major du front oriental, il embarque avec deux régiments sur un navire et descend la Volga jusqu’à Simbirsk. Pour protester contre le traité de paix de Brest-Litovsk, il se proclame commandant en chef de l’armée en lutte contre l’Allemagne. À ce titre, il télégraphie au conseil des commissaires du peuple, à l’ambassadeur d’Allemagne et au commandant du corps tchécoslovaque une déclaration de guerre au Reich. Aux Tchécoslovaques il demande également de marcher sur la Volga pour ensuite se diriger de concert vers l’ouest afin d’affronter les troupes allemandes.

 

À Simbirsk, Mouraviev fait arrêter les dirigeants bolcheviks locaux ainsi que le commandant de la 1ere armée rouge, Toukhatchevski. Il appelle à nouveau les Tchécoslovaques et les officiers russes à marcher sur Moscou pour renverser les bolcheviks tandis qu’il rallie des commandants SR de gauche de Simbirsk et Kazan. Alors que Mouraviev commence à installer un pouvoir SR sur la Volga, Moscou envoie à Simbirsk des fusiliers lettons et un détachement spécial de la Tchéka. Le 11 juillet, au moment où les tchékistes viennent pour l’arrêter, Mouraviev sort une arme. Un coup de feu est alors tiré et il s’effondre, tué. Selon les Izvestia du 12 juillet, il se serait donné lui-même la mort.

 

La trahison de Mouraviev n’est pas sans conséquence pour la jeune Armée rouge. Elle ne fait ainsi qu’accroître la méfiance des commissaires et des soldats contre les anciens officiers de l’armée impériale qui servent au sein des forces soviétiques. Elle a surtout de graves conséquences militaires sur le front oriental. La troupe est en effet démoralisée et décontenancée par les télégrammes de Mouraviev, que ce soit celui qui déclare la guerre à l’Allemagne ou celui demandant la paix aux Tchécoslovaques puis par la disparition du commandant en chef et la reprise des hostilités contre les Tchécoslovaques. Le général Kappel en profite pour lancer une offensive s’emparant de Bougoulma et Kazan puis de Simbirsk en août. Face à l’effondrement du front, Trotski doit se rendre personnellement en train blindé à Sviajsk pour reprendre la situation en main.

 

 

Les jugements des contemporains et des historiens sont sévères concernant celui qui fut considéré comme le Napoléon rouge. Animé par une ambition dévorante, il apparaît comme un piètre stratège ne remportant des victoires qu’avec des effectifs trois fois supérieur à ses adversaires. Pour assurer sa popularité parmi la troupe il autorise les pillages et instaure un régime de terreur en Ukraine et à Odessa. Sa réputation de cruauté est telle qu’elle lui aliène de nombreux chefs bolcheviks dont le patron de la Tchéka, Felix Dzerjinski, pourtant peu suspect de complaisance humaniste. Plus sûrement, Mouraviev appartient à cette catégorie d’aventuriers qui n’émerge dans l’histoire que lors des périodes de troubles et d’effondrements des sociétés humaines.

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26 mai 2017 5 26 /05 /mai /2017 07:00

Le 11 septembre 1973, un coup d’État militaire renverse le président légitime du Chili, le socialiste Salvador Allende qui, ne voulant pas céder son pouvoir aux putschistes, préfère se suicider dans le palais de la Moneda. Une dictature militaire, dirigée par le général Augusto Pinochet, se met en place et entame une féroce répression contre les forces de gauche. Fort du soutien de l’armée, des classes dirigeantes et des agences de renseignements américaines, elle leur porte des coups sévères. Dès le coup d’État, la presque totalité des militants du MIR, le Mouvement de la gauche révolutionnaire, sont soit arrêtés, soit exécutés. Le PC chilien est également violemment réprimé. Selon les historiens, lors des premiers mois de la dictature, c’est environ 30 000 personnes qui sont tuées. La victime la plus célèbre reste le chanteur Victor Jara, brutalement assassiné dans le stade de Santiago transformé en camp de concentration. La terreur instaurée par la Junte stupéfie la gauche chilienne qui ne parvient pas à se mobiliser pour organiser la résistance.

Quelques militants de gauche parviennent néanmoins à se cacher ou à fuir le pays et commencent à réfléchir sur les moyens d’organiser la lutte anti-Pinochet. Dans l’impossibilité de mener une lutte politique pacifique, la question de l’adoption de la tactique de la guerre de guérilla se pose à eux rapidement.

La répression au Chili

La répression au Chili

Les communistes chiliens et la lutte armée.

À la suite du coup d’État de l’armée, d’âpres débats secouent le PC chilien où certains critiquent l’absence d’une politique militaire efficace du Parti avant le 11 septembre. Rapidement, les dirigeants du PC entament une révision de la ligne politique où la lutte armée devient une option légitime contre le régime de Pinochet. Dès 1974, apparaît également l’idée de se doter d’une organisation militaire, un bras armé du Parti. Mais il faut attendre une dizaine d’années avant que cette idée ne se concrétise. Ce délai s’explique d’abord par l’absence au Chili, contrairement à de nombreux autres pays d’Amérique latine, d’une tradition de guérillas. La géographie du pays, une large bande de terres étroites entre les Andes et le Pacifique dominée par de hauts plateaux, n’a jamais été propice à cette stratégie. L’absence d’une culture de la guérilla au sein de la gauche chilienne nécessite donc que les militants soient formés à ce type de guerre s’ils veulent remporter quelques succès.

De nombreux communistes chiliens ont trouvé refuge à Cuba où ils reçoivent un logement et un emploi mais où les autorités ne se lassent pas de leur répéter qu’ils doivent mener une lutte armée contre le régime de Pinochet plutôt que de rester en exil. Les Cubains n’hésitent pas non plus à accuser socialistes et communistes d’avoir été incapable d’organiser correctement la défense du gouvernement d’Allende. Alors que la direction du PC chilien envisage d’engager la lutte armée, en juillet 1974, Fidel Castro propose aux dirigeants communistes Volodia Teitelboim et Rodrigo Rojas Castro de donner une formation militaire à des militants des Jeunesses communistes, proposition qui est acceptée. Les militants choisis reçoivent alors une éducation militaire complète au sein de l’École militaire Camilo Cienfuegos et deviennent officiers au sein des Forces armées révolutionnaires cubaines. Cette formation dure une année et se déroule aussi bien dans des unités d’infanterie que d’artillerie tandis que certains se spécialisent dans la marine ou l’aviation. Quelques militants sont également envoyés en RDA et en Bulgarie pour y recevoir une instruction militaire. Les diplômés des écoles bulgares formeront plus tard la base des unités de guérilla les plus efficaces. Ainsi, sous l’égide de Castro, se développe peu à peu une véritable petite armée rouge chilienne.

À l’issue de ces différentes formations, les Cubains pensent néanmoins que les communistes chiliens n’ont pas encore la capacité d’affronter l’armée de Pinochet. Par conséquent, ils préfèrent les envoyer sur d’autres terrains de combat afin de les aguerrir. Beaucoup prennent alors la direction du Nicaragua afin de lutter aux côtés des sandinistes. Ils y sont d’un grand soutien dans le combat contre la dictature de Somoza en raison de leurs formations militaires et servent comme mitrailleurs, artilleurs anti-aériens ou comme commandants dans l’infanterie. À ce titre, ils participent à la plupart des batailles que livrent les sandinistes, notamment la prise de Managua. Après la victoire de 1979, ils sont nombreux à rester au Nicaragua pour servir au sein des forces armées de ce pays.

En septembre 1980, le secrétaire général du PC chilien, Luis Corvalan, déclare ouvertement que l’emploi de la lutte armée est légitime pour abattre le régime militaire et théorise la ligne du Parti sous le nom de politique de rébellion populaire de masse. À ce moment-là, la gauche radicale, notamment le MIR, s’est depuis longtemps lancé dans cette voie en organisant des attaques périodiques sur l’ensemble du territoire chilien. Rien qu’en 1975, près de 130 opérations de guérilla sont recensées, notamment contre des casernes et des dépôts militaires dans le but de s’emparer des armes qui s’y trouvent. Les bases de cette guérilla sont pour beaucoup installées dans les montagnes de l’Argentine voisine. Mais en 1976, à la suite du coup d’État à Buenos-Aires, elles sont détruites par des raids de l’aviation militaire argentine. Le MIR poursuit néanmoins ses actions de guérilla jusqu’à la fin des années 1980.

C’est durant l’année 1983 que le PC chilien organise son appareil militaire qui est baptisé Front patriotique Manuel Rodriguez (FPMR) en l’honneur d’un héros de la lutte pour l’indépendance contre les Espagnols. Guillermo Teillier, chef de la commission militaire du PC est chargé de superviser les actions de cette nouvelle organisation. Dès l’été, cinq commandants rentrent clandestinement au Chili afin de commencer l’organisation de la guérilla et d’en prendre la direction. La fourniture d’armes et d’argent est assurée par les services de renseignements cubains tandis que le noyau des structures de commandement sur le terrain est confié à des militants ayant reçu une formation militaire à Cuba et en Bulgarie ou s’étant battu aux côtés des Sandinistes, autrement dit ce sont des combattants expérimentés. Parmi eux se distingue Raul Pellegrin, sous-lieutenant dans l’armée cubaine et vétéran du Nicaragua, qui retourne clandestinement dans son pays natal en 1983 pour devenir le principal dirigeant du FPMR sous le nom de guerre de commandant José Miguel.

La lutte armée communiste contre Pinochet : le FPMR

Le FPMR en action

La première action du FPMR au Chili a lieu le 14 décembre 1983 avec le sabotage de la centrale électrique de Curico, privant d’électricité le centre du pays. Les modes d’action du FPMR sont ceux de la guérilla urbaine : attentats à la bombe, sabotage, attaque à main armée mais aussi l’organisation de rapt ou l’utilisation de véhicules piégés. La première opération ayant un retentissement national est l’enlèvement d’un journaliste du quotidien de droite La Nacion en décembre 1984. Entre décembre 1983 et octobre 1984, le FPMR réalise prés de 1 890 actions dont 1 138 attentats à la bombe, 229 sabotages, 163 attaques à main armée. Il engage des actions répétées contre les partis et mouvements d’extrême-droite ciblant les imprimeries de leurs journaux ainsi que leurs locaux. Les dirigeants du régime sont également des cibles privilégiées. Ainsi, en 1986, le colonel Mario Aberle Rivadeneira, chef du protocole à la garnison de Santiago est enlevé par le FPMR. Il est libéré trois jours plus tard sans qu’une rançon n’ait été demandé. En 1987, débutent les attaques contre les patrouilles de police tandis que sont également visées des cibles économiques notamment des entreprises américaines. À la fin de la décennie 1980, dans certaines provinces, des zones entières échappent peu à peu au contrôle des forces de l’ordre. Dans ces endroits, si de jour, les policiers et les militaires peuvent patrouiller, la nuit, ils préfèrent ne pas se montrer par crainte des attaques de la guérilla.

Dès sa création, le FPMR souhaite devenir le centre de ralliement de toutes les forces de gauche favorable à la lutte armée contre Pinochet. Dans ses rangs s’engagent donc des communistes, des socialistes et des militants d’extrême-gauche, les débats sur l’avenir du Chili après la chute de la dictature étant remis à plus tard. Le FPMR connaît une croissance rapide puisqu’en 1985, il rassemble environ 1 500 combattants réunis dans 500 groupes de combat. L’année 1986 marque son apogée avec de 3 000 à 4 000 militants et sympathisants contre les 1 000 à 2 000 des années précédentes. Le FPMR est fortement structuré comme il sied à toute organisation communiste avec des sympathisants, des militants, des chefs de détachements, des chefs de zone et des commandants, la majorité des cadres étant issus des Jeunesses communistes chiliennes.

Le financement et l’approvisionnement en matériel de l’organisation sont fournis par Cuba et les pays d’Europe de l’Est. Ainsi, en mai 1986, dans le port du petit village de Carrizal Bajo, les hommes du FPMR débarquent prés de 80 tonnes d’armement transportés jusque-là par les forces spéciales cubaines. Ces armes, de l’explosif C-4, des lance-roquettes RPG-7 et M72-Law et plus de 3 000 fusils d’assaut M-16, représentant une valeur de 30 millions de dollars, sont d’origines américaines en provenance du Vietnam. Si le déchargement d’une telle quantité passe au départ inaperçu, de nombreuses imprudences commises par des militants permettent aux forces de sécurités chiliennes de mettre la main sur cet impressionnant arsenal. Début août, près de 90 % de ce matériel est déjà tombé entre les mains des autorités.

Combattants du FPMR

Combattants du FPMR

L’année 1986 est aussi celle où le FPMR réalise une opération préparée depuis la fin 1984 sous le nom d’opération 20e siècle et qui vise, rien de moins qu’à assassiner le général Pinochet. Les armes utilisées sont celles débarquées à Carrizal Bajo et qui ont été distribué avant que la police ne découvre la plus grande partie des stocks. L’opération est menée pour la partie militaire par José Valenzuela Levi, commandant Ernesto, tandis que la logistique et la planification sont du ressort de Cecilia Magni, commandante Tamara.

Le 7 septembre 1986, Pinochet quitte sa résidence de vacances à El Melocoton pour rentrer à Santiago. Le convoi du dictateur est composé de cinq véhicules dont deux blindés et l’escorte, fortement armée, comprend des policiers et des militaires. Il est attaqué par une vingtaine de militants du FPMR armés de fusils M16 et de lance-roquettes M72 LAW. Pinochet, qui voyage dans l’un des deux véhicules blindés, sort indemne de l’attaque. Il doit la vie à une roquette qui a rebondi sur le toit de son véhicule plutôt que de frapper la carrosserie et à l’habileté de son chauffeur. Cinq gardes du corps du dictateur sont néanmoins tués lors de cette opération.

L'opération 20e siècle

L'opération 20e siècle

La rupture avec le PC chilien.

Malgré son statut formel de branche armée du Parti communiste, le FPMR se transforme peu à peu en organisation autonome. Cette situation est le résultat de la montée des divergences de plus en plus fortes entre le commandement du FPMR dont les vues sont plus radicales que celles des dirigeants en exil du PC chilien. Ces derniers constatent en 1987 que Pinochet tient toujours fermement le Chili et que les actions militaires des années précédentes n’ont rien changé à cette situation. Ils décident alors de modifier la ligne pour privilégier une sortie de la dictature par la voie politique et non plus seulement militaire.

Pinochet devant son véhicule après l'attentat du FPMR

Pinochet devant son véhicule après l'attentat du FPMR

Pour Raul Pellegrin, la position nouvelle prise par le PC signifie un abandon du travail militaire et la marginalisation du FPMR. La rupture scelle la création d’un FPMR autonome à laquelle adhérent des commandants formés à Cuba comme Vasili Carrilo et Galvarino Apablaza. Il commence alors à publier le journal El Rodriguista sous la direction d’Alex Voytovych. Le conflit entre le PC et le FPMR s’accompagne néanmoins d’une crise interne au sein de ce dernier. Quand la direction communiste appelle à dissoudre l’organisation militaire, des militants obéissent et déposent les armes pour fonder le Mouvement patriotique Manuel Rodriguez dirigé par le PC, un groupe qui, par la suite, se séparera néanmoins des communistes.

Outre cette crise interne, la répression qui suit la tentative d’attentat contre Pinochet affaibli le FPMR. De nombreux responsables sont abattus notamment lors de l’opération Albania où 12 militants sont assassinés dans divers endroits du pays le 15 juin 1987 par des policiers et des militaires. Le FPMR se lance alors dans une campagne visant des personnalités du régime comme le colonel Carlos Carreño, enlevé en septembre 1987, ou la tentative d’attentat contre le procureur Torres en mai 1988. Il s’engage également dans ce qu’il appelle une « guerre nationale patriotique » afin de soulever la population contre Pinochet. C’est au cours de cette campagne que Raul Pellegrin trouve la mort. Le 21 octobre 1988, en essayant d’échapper à un encerclement policier, des combattants du FPMR, dont Pellegrin, sont arrêtés. Son corps sera retrouvé deux jours plus tard dans une rivière. La direction du FPMR passe alors à Galvarino Apablaza, commandant Salvador.

Raul Pellegrin

Raul Pellegrin

Malgré la rupture avec le PC chilien, Cuba continue à soutenir financièrement et à assurer le ravitaillement en armes du FPMR. La Stasi participe également activement à l’aide apportée aux guérilleros. Raul Pellegrin se rend ainsi régulièrement en RDA où il rencontre des responsables est-allemands. Mais les fonds envoyés depuis Cuba sont généralement insuffisants pour financer l’ensemble des activités du FPMR qui complète ses besoins par une politique « d’expropriation » ou de rackets des entreprises afin de percevoir un impôt révolutionnaire.

Cecilia Magni, commandante Tamara

Cecilia Magni, commandante Tamara

La fin du FPMR.

À la fin des années 1980, la situation économique du Chili se détériore entraînant le développement de manifestations de masse. Le soutien américain au général Pinochet commence également à fléchir et Washington, en cette période de fin de Guerre froide, ne désire plus le maintien du dictateur. Face à la mise en cause de son pouvoir, Pinochet est poussé à organiser un référendum, le 5 août 1988, dont il espère qu’il sera un plébiscite en sa faveur. À sa grande surprise, la majorité des Chiliens vote contre le maintien de la dictature. Le vieux général se voit alors contraint d’entamer une procédure de transmission de pouvoirs à un gouvernement civil. Le 11 mars 1990, il démissionne de sa charge de chef de l’État.

Tract du FPMR

Tract du FPMR

La fin de la dictature et le retour de la démocratie au Chili ne signifient pourtant pas l’arrêt des opérations militaires du FPMR. Si ce dernier réduit l’intensité de ses actions, il continue à porter des coups. Il organise ainsi le rapt du fils du propriétaire d’un grand quotidien en septembre 1991. Surtout, le 1er avril 1991, le FPMR abat le sénateur Jaime Guzman. Cuba condamne cette action et cesse de soutenir l’organisation. Quant aux autorités chiliennes, elles forment une unité de renseignements pour combattre les groupes armés, notamment le FPMR. En 1992, cette unité, avec la collaboration d’anciens militants, appréhende les auteurs du rapt de septembre 1991. Durement frappé par ces arrestations, le FPMR cesse toute action pendant quelques années. Il refait parler de lui, le 30 décembre 1996 quand certains de ces militants, enfermés dans la prison de haute sécurité de Santiago, parviennent à s’en évader en utilisant un hélicoptère. Après cette action d’éclat, l’aventure militaire du FPMR cesse et finalement, en 1999, il est retiré de la liste des organisations terroristes par le Département d’État américain.

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GuideICSerge Wolikow, Alexandre Courban, David François, Christian Oppetit, Guide des archives de l'Internationale communiste, 1919-1943, Archives nationales-MSH Dijon, Paris-Dijon, 2009. 

9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

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