Max Boot, Invisible Armies: An Epic History of Guerilla Warfare from Ancient Times to the Present, WW Norton and Co, 2013.
Le livre de Max Boot se donne un objectif si ambitieux qu'il suscite d'abord une certaine méfiance. L'auteur, historien militaire américain de tendance néo-conservatrice, se donne en effet pour but de décrire l'évolution de la guérilla et du terrorisme sur prés de 5 000 ans, le récit débutant dans l'empire akkadien 22 siècle avant notre ère. Il ne faut donc pas moins de 784 pages et 60 chapitres à l'auteur pour relever, avec succès, le pari. Le style clair de Max Boot qui écrit son livre comme un roman n'est pas pour rien dans cette réussite.
L'ouvrage débute par une tentative de définir ce qu'est le terrorisme et la guérilla, tentative qui est, avouons-le, peu concluante. Divisé en neuf parties le livre s'attarde successivement sur les origines de la guérilla, l'action des révolutionnaires du XVIIIe siècle, les guérillas sous l'Empire napoléonien, l'apparition du terrorisme moderne, les guérillas des deux guerres mondiales, la décolonisation, le terrorisme gauchiste et enfin la montée de l'islamisme radical. Boot utilise de nombreux exemples historiques pour appuyer sa thèse qui postule que la guérilla est un phénomène plus répandu et plus important dans l'histoire qu'on ne le croit généralement. L'auteur remarque ainsi que l'empire d'Alexandre, celui de Darius ou encore l'Empire romain ont affrontés des formes de guérilla utilisant des forces plus petites et plus agiles. Chaque pays a ainsi dans son histoire soutenu ou combattu des guérillas et des forces terroristes. Si les guérillas qu'affrontent les Assyriens et les Romains permettent de jeter un nouveaux regards sur la guerre antique, l'action des Viet Cong, des Moudjahidin en Afghanistan, du Hezbollah libanais ou du M26 de Fidel Castro n'est pas non plus oubliée.
Le livre est bien documenté et montre la difficulté à faire face au phénomène de guérilla. Mais il n'est pas exempt de critiques comme l'attention trop grande apportée aux événements récents. Ainsi les révoltes juives contre Rome ou les guérillas en Asie centrale contre Alexandre ne sont l'objet que de quelques pages alors que la lutte des Afghans contre les Soviétiques ou l'insurrection irakienne sont décrites avec un luxe de détails.
Un dernier chapitre cherche à dresser un bilan de cette histoire de la guérilla. Si le propos n'est pas ici original Max Boot fournit avec cet ouvrage la première somme qui essaye de rendre compte de l'évolution du terrorisme et de la guérilla à travers un récit convaincant et bien étayé. Le lecteur apprend ainsi que pour une guérilla l'essentiel n'est pas de gagner des batailles militaires mais de remporter la lutte politique et cette dernière a pris depuis 1945 une part croissante dans la conclusion des conflits. Boot montre ainsi que que si de 1775 à 1945 seulement un quart des guérillas sont parvenues à atteindre les buts qu'elles s'étaient données, depuis 1945 ce taux de réussite à progressé de 40%. L'importance croissante de l'opinion publique dans des démocraties où la notion de droit international est fondamentale sape en effet la volonté des États engagés dans des conflits contre-insurrectionnels.
Voici donc une excellente synthèse, claire, agréable à lire et qui colle particulièrement à l'actualité et à l'air du temps dans le domaine des études militaires.