Michael Jones, Total War: From Stalingrad to Berlin, John Murray Publisher, 2011.
Le livre de Michael Jones est avant tout une histoire du front de l'Est à travers les récits et les témoignages des soldats et des civils, Allemands et Soviétiques, qui ont pris part à ce gigantesque conflit. Mais il ne s'agit surtout pas d'une compilation de différents récits. Bien au contraire la parole des acteurs doit permettre à répondre à certaines grandes questions, celle notamment qui touche à la résistance des soldats et de la population soviétique à travers les épreuves de la défaite en 1941, la famine du siège de Léningrad et les différentes épreuves d'un chemin de croix qui conduit à une résurrection presque miraculeuse de la puissance soviétique.
Il est peu question ici de tactiques, d'exploits militaires ou d'art opératif. Ce qui compte ce sont les épreuves endurées par les Soviétiques avant d'atteindre enfin les frontières orientales du Reich. Si les chapitres qui couvrent la période allant de juin 1941 à la victoire de Stalingrad n'apportent pas grand chose de nouveau, il en va différemment à partir du moment où l'auteur traite de la retraite allemande qui s'accompagne d'une politique systématique de terre brûlée. Ainsi le lecteur apprend qu'en Biélorussie où dominent de vastes espaces marécageux, les Allemands regroupent les populations locales et les enferment dans des camps entourés de barbelés. Les nazis espèrent que le typhus se répande rapidement parmi des prisonniers installés à même le sol boueux et qu'ils transmettent ensuite la maladie aux soldats rouges. Et ce plan fonctionne puisque des soldats soviétiques ne peuvent s’empêcher de libérer ces camps ce qui conduit ensuite à la mise en quarantaine d'un corps entier.
Jones n'esquive pas le problème du comportement de l'armée rouge en Allemagne. Sans minimiser les exactions il contextualise ces atrocités en montrant que les soldats soviétiques ont été constamment confrontés lors de la libération de l'URSS à la vision de destructions immenses et des pertes humaines dans les territoires occupés. En Pologne ils découvrent les camps de la mort comme Auschwitz. Mais surtout ils sont abreuvés par une propagande qui, pour maintenir le moral, les incite à tuer les occupants de leur patrie et les assassins de leurs proches. La haine ainsi cultivée n'a pas disparu avec le franchissement de la frontière allemande. Jones donne aussi la parole aux militaires qui ont essayés d'endiguer la violence et les pillages tandis que la propagande officielle abandonnait le discours vengeur pour donner à l'armée rouge l'image d'une armée de libération.
L'auteur montre également que la propagande allemande a sciemment exagéré les crimes soviétiques. Un village dont la population a été expulsé a ensuite été détruit puis les équipes de cinéma sont arrivé pour filmer les atrocités soviétiques dont l'abattage des cygnes du parc pour les dévorer.
Le grand intérêt du livre de Jones est de montrer au lecteur l'ampleur de la catastrophe humaine et matérielle qui s'offre en spectacle à des combattants soviétiques déjà conditionnés par une propagande de vengeance. Par ce biais il contextualise le comportement de l'armée rouge en Allemagne orientale en insistant sur le fait que les violences envers les civils sont le fait d'une minorité alors que la majorité de l'armée rouge a réussi à préserver sa réputation de libératrice.