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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 07:00

Marcus Klingberg, Le dernier espion, Nouveau Monde, 2015

Klingberg, le savant israélien au service de l’URSS

Marcus Klingberg est certainement le plus important agent soviétique ayant opéré en Israël. Ses mémoires sont parus en France en avril 2015, quelques mois seulement avant son décès à l’age de 97 ans en novembre de la même année, sont un témoignage précieux pour comprendre ce qu’a pu représenter le communisme pour les générations nées au début du 20e siècle.

 

Klingberg est né en 1918 dans une famille juive orthodoxe de Varsovie. En réaction à l’antisémitisme qu’il découvre concrètement lorsqu’il entame ses études de médecine en 1935, il se positionne politiquement à gauche. En 1939, il fuit la Pologne occupée par la Wehrmacht pour rejoindre l’URSS et poursuivre ses études à Minsk. C’est dans cette ville qu’il est surpris par l’attaque allemande du 22 juin 1941. Le jour même, il s’engage dans l’Armée rouge comme médecin militaire avant d’être blessé en octobre. Il reprend ses études et devient épidémiologiste en 1943. À la fin de la guerre il est capitaine de l’Armée rouge et chef du département d’épidémiologie de la République soviétique de Biélorussie.

 

De retour en Pologne où il apprend que sa famille a disparu dans le camp de Treblinka, il se marie et devient un responsable du département d’épidémiologie du ministère de la Santé. Son épouse, survivante du ghetto de Varsovie, ne souhaitant plus vivre en Pologne, le couple s’installe dès 1946 en Suède. Deux ans plus tard, il part pour Israël où il sert comme médecin dans l’armée. En 1957, Klingberg devient le directeur adjoint de l’Institut de recherche biologique qui travaille en particulier sur les armes chimiques et biologiques. Scientifique reconnue, il devient professeur à l’Université de Tel-Aviv et participe à des commissions internationales de chercheurs.

 

Cette brillante carrière est soudainement interrompue en 1983 par son arrestation par le Shin Beth, le service israélien de contre-espionnage, à la suite des révélations d’un agent double. Longuement interrogé, Klingberg craque et reconnaît son activité d’espionnage au profit de l’URSS. Il a été contacté à la fin des années 1950 par le KGB par un certain Victor qui devient son agent traitant. Jusqu’en 1967, Klingberg livre des renseignements ultra-secrets aux Soviétiques sur le programme d’armement biologique et chimique en Israël. Il perd le contact avec le KGB après la guerre des Six-Jours qui entraîne la rupture des relations diplomatiques entre Moscou et Tel-Aviv. Il renoue avec les Soviétiques au début des années 1970 lors de différents voyages en Europe dans le cadre de l’Organisation mondiale de la Santé.

 

Jugé par la Cour Suprême d’Israël, Klingberg est condamné à 30 ans de prison. Pendant une dizaine d’années, il est au secret sous un faux nom dans une prison de haute sécurité. En 1998, il est libéré mais assigné à résidence. Il ne retrouve sa liberté qu’en 2003 et quitte alors Israël pour s’établir auprès de sa famille à Paris où il termine ses jours.

 

Le livre de Marcus Klingberg ne se lit pas comme un roman d’espionnage, car la réalité de l’espionnage est bien plus prosaïque que la fiction. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de ce livre. L’auteur raconte ainsi en détail les étapes de son recrutement qui se déroule de manière progressive sur plusieurs années alors que Klingberg n’a pas encore accès à des secrets d’État. Il révèle également les différents procédés de communication utilisés entre lui et son agent traitant, procédés qui peuvent parfois apparaître rudimentaire mais qui n’en sont pas moins efficaces. En effet si dès 1963, le Shin Beth soupçonne Klingberg de travailler pour l’URSS, il n’aura assez d’élément pour l’arrêter qu’au début des années 1980.

 

L’aspect le plus intrigant de l’ouvrage de Klingberg concerne les motivations de son auteur. Citoyen israélien ordinaire et scientifique de renommée internationale, il est un modèle de réussite sociale au-dessus de tout soupçon. Il n’espionne pas pour l’argent, n’est l’objet d’aucun chantage, ni n’agit par haine de son pays. À l’instar des grands espions comme Kim Philby ou Klaus Fuchs, Klingberg a agit par idéalisme et par reconnaissance envers une Union soviétique qui a vaincu le nazisme et qui, lui offrant un abri en 1939, lui a sauvé la vie. Cela au risque de tout perdre mais sans regret, ni remords.

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 07:17

Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Camarade, la lutte continue ! De la Résistance à l’espionnage communiste, Robert Laffont, 2015.

Un réseau d’espionnage communiste en France dans les années 1950

Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, auteurs d’ouvrages remarqués sur la Résistance communiste, délaissent quelque peu, dans cet ouvrage, leur période de prédilection, pour explorer les arcanes du renseignement communiste en France dans les années 1950, en livrant une passionnante enquête sur un réseau polonais. Pour cela, comme à leur habitude, ils exploitent de nombreux dossiers issus de divers fonds d’archives : Archives nationales, archives de la Préfecture de police de Paris, de la Justice militaire, du Service historique de la Défense mais surtout de l’Institut polonais de la mémoire nationale (IPN).

Au cœur du récit de Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, se tient Jerzy Bryn, né dans une famille juive de Varsovie en 1916 avant d’adhérer à une organisation sioniste de gauche et d’émigrer en Palestine alors sous mandat britannique. Bryn milite parmi les communistes palestiniens et rejoint les Brigades internationales lors de la guerre civile espagnole. Après un passage dans les camps d’internement français il regagne la Palestine qu’il quitte en 1947 pour rejoindre la Pologne communiste. Il est recruté par les services de renseignements pour former un réseau d’espionnage en France. Il accomplit sa mission entre 1949 et 1952. De retour en Pologne, il effectue différentes missions pour l’armée avant de rejoindre le ministère des Affaires étrangères en 1957. C’est dans ce cadre qu’il se rend au Japon où il décide en 1958 de passer à l’Ouest.

Hélas pour Bryn, les services américains ne le croient pas sincère et le soupçonnent de vouloir les infiltrer pour le compte des Polonais. Il décide donc de retourner en Pologne où il affirme, pour expliquer son absence, avoir été kidnappé par les Américains. Mais les Polonais sont persuadés qu’il a été retourné par la CIA et travaille pour eux. Bryn est arrêté, jugé en 1961 et condamné à mort en 1962. Sa peine est commuée en prison à perpétuité et il meurt derrière les barreaux en 1976.

C’est dans les archives de l’IPN que les auteurs ont retrouvé les pièces de l’instruction et du procès de Bryn leur permettant une plongée dans les arcanes du réseau d’espionnage que ce dernier a mis en place en France. Un réseau existe déjà à son arrivée, qu’il reprend et cherche à développer après s’être soigneusement constitué une couverture. Les agents français qu’il recrute sont avant tout des militants communistes sincères le plus souvent anciens des FTP et de la MOI. Des communistes français sont aussi recrutés mais sans que le PCF ne soit mis au courant.

Les auteurs racontent en détail le fonctionnement de ce réseau, son étendu, les moyens de communication entre les agents et Bryn, les informations recherchées, le plus souvent de nature scientifique ou militaires. Le réseau sera finalement démantelé par la DST durant les années 1950 et ses participants, dont Adam Rayski qui fut pendant la guerre l’un des chefs des FTP-MOI, seront jugés par un tribunal militaire en 1962.

Le livre de Berlière et Liaigre, qui se lit comme un roman policier, s’il lève le voile sur l’espionnage polonais en France après la guerre, un sujet mal connu, interroge surtout le lecteur sur la porosité des frontières entre convictions idéologiques, militantisme politique et espionnage au sein du mouvement communiste.

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10 novembre 2015 2 10 /11 /novembre /2015 07:25

Guillaume Bourgeois, La véritable histoire de l’Orchestre rouge, Nouveau Monde, 2015

L’Orchestre rouge, du mythe à la réalité

Le livre de Guillaume Bourgeois pourrait être sous-titré « histoire d’une mystification historique ». L’histoire de l’Orchestre rouge est entrée dans la mythologie de l’histoire de l’espionnage et de la Seconde Guerre mondiale depuis 1967 avec la parution du livre de Gilles Perrault, objet de nombreuses traductions et éditions ultérieures, la dernière datant de 1989. En 1975, le personnage central de cette histoire, Leopold Trepper livre ses souvenirs dans Le Grand Jeu, là aussi un succès d’édition. Depuis, d’innombrables articles et livre mais aussi des films comme celui de Jacques Rouffio en 1989, perpétuent la mémoire de ce qui fut considéré comme le plus grand réseau d’espionnage soviétique dans l’Europe occupée.

 

Profitant de l’ouverture des archives soviétique dans les années 1990 mais également de la déclassification de dossiers du FBI et du MI5, Guillaume Bourgeois a entrepris il y a une vingtaine d’années de reprendre le sujet en partant de ces sources nouvelles. Reconstruisant méthodiquement l’histoire du mythique Orchestre rouge, il découvre en chemin de nouvelles pistes, de nouveaux protagonistes, de nouveaux témoins. Il découvre surtout la réalité derrière un mythe savamment construit. D’abord l’Orchestre rouge à Bruxelles et Paris n’a jamais livré d’informations stratégiques à Moscou, faute de sources mais également faute de moyens de transmissions. Ensuite certains des membres du réseau, à commencer par son chef lui-même, Trepper, ont fait preuve de légèreté confinant parfois à l’amateurisme. Ainsi, Trepper et Gourevitch n’hésitent pas à se mettre en couple et à avoir des enfants, ce qui ne peut que fragiliser leur sécurité alors qu’ils sont responsables d’un réseau d’espionnage en territoire ennemi.

 

L’auteur démontre que ce sont des imprudences qui font tomber le réseau et que Trepper, une fois pris par les Allemands, n’hésite pas à livrer ce qu’il en reste. La collaboration qu’il conduit avec les Allemands lui vaut un traitement de faveur qu’il utilisera pour s’évader, conscient alors que l’Allemagne va perdre la guerre et qu’il doit se racheter. Il n’en est pas moins responsables de la mort de nombre de ses agents et d’avoir conduit les Allemands bien prés de la direction du PCF. Les Soviétiques en seront parfaitement conscient et le condamneront en 1945 à 10 ans de prison pour haute trahison.

 

Rencontrant Gilles Perrault dans les années 1960, Trepper lui livrera une histoire totalement fausse de son action pendant la guerre mais suffisamment crédible pour apparaître vrai. Fort du succès du livre de Perrault, il écrira son autobiographie, dont certains passages sont de la pure fiction, pour asseoir son image de grands espions capable de berner les Allemands au point que ces derniers livreront des renseignements cruciaux à l’URSS. Jusqu’au travail de Guillaume Bourgeois cette légende fut considérée comme authentique.

 

Le livre de Guillaume Bourgeois est de bout en bout passionnant, tant par les informations qu’il livre, que par l’ampleur de la documentation consultée. Si parfois l’auteur, par manque de sources, reconstruit des faits en s’appuyant sur la logique, l’ensemble est néanmoins solide et marque un réel progrès dans la connaissance des réseaux soviétiques en Europe occidentale où se croisent les Partis locaux, les services de renseignement et le Komintern.

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22 juillet 2015 3 22 /07 /juillet /2015 09:16

Florin Aftalion, Alerte rouge sur l'Amérique : Retour sur le maccarthysme, JC Lattés, 2007.

Quand l’Amérique voyait rouge

La peur du rouge, le Red Scare, qui s’empare des États-Unis aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale est au cœur du livre de Florin Aftalion. Loin de voir dans cet épisode une réaction fantasmatique de l’opinion américaine conduisant à une chasse aux sorcières contre des intellectuels coupables d’opinions de gauche, l’auteur insiste plutôt sur la faiblesse des capacités de défense des États-Unis face à l’espionnage soviétique.

 

L’auteur montre que, profitant de la présidence Roosevelt et de l’alliance soviéto-américaine durant la Seconde Guerre mondiale, les Soviétiques infiltrent les milieux intellectuels, l’administration et le monde scientifique américains. Cela aussi bien dans un but d’espionnage que d’influence. Cette infiltration est révélée peu à peu à partir de 1945 notamment grâce aux déclarations de Whittaker Chambers devant la commission sur les activités antiaméricaines. L’auteur décrit de manière claire le déroulement des multiples affaires qui font suite à ces découvertes, de celle concernant Alger Hiss, fonctionnaire au Département d’État, aux enquêtes dans les milieux du cinéma hollywoodiens où s’illustre le jeune Ronald Reagan. Il s’attarde aussi longuement sur l’espionnage atomique, les affaires Fuchs et Rosenberg, montrant la culpabilité de ce dernier.

 

L’hystérie anticommuniste qui s’empare alors de l’Amérique s’incarne bientôt dans la figure du sénateur Joseph McCarthy, un personnage médiocre qui fait carrière en dénonçant l’infiltration de l’administration démocrate par les communistes. Lorsqu’il entre en scène, l’épuration des administrations a déjà été réalisé et les grandes affaires d’espionnage de l’après guerre sont terminés. McCarthy fait malgré tout beaucoup de bruits pour décrédibiliser l’administration Truman mais dès qu’il commence à attaquer l’armée il ne trouve plus seulement face à lui la gauche américaine. L’administration républicaine, après l’élection d’Eisenhower en 1952, décide de se débarrasser de l’histrion dont la carrière est rapidement ruinée et qui meurt prématurément en 1957.

 

L’auteur insiste longuement tout au long de son livre sur la difficulté de combattre l’espionnage dans un État de droit. Les responsables américains ont très vite découvert, grâce au programme Venona de déchiffrement des messages codés soviétiques, l’ampleur de l’espionnage de l’URSS aux États-Unis. Mais le caractère secret-défense de l’opération Venona interdit que le programme ne soit rendu public et surtout que les informations qui en sont issus soient présentés devant des tribunaux. Faute de ces éléments, le FBI peut difficilement traduire en justice et faire condamner les suspects. La publicité des débats, inhérente à une justice démocratique, s’accorde mal avec les nécessités de la guerre secrète. Une situation qui semble toujours d’actualité.

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communismeetconflits - dans Espionnage Guerre froide
9 octobre 2014 4 09 /10 /octobre /2014 07:31

Ramon Rufat, Espions de la République. Mémoires d'un agent secret pendant la guerre d'Espagne, Allia, 1990.

Le service secret de l'armée républicaine espagnole

Voici un livre à la fois original et passionnant. Original puisque l'auteur nous livre une histoire des services de renseignements de l'armée républicaine en Aragon et en Catalogne, un sujet totalement méconnu. Passionnant car l'auteur fut lui-même membre de ces services et parsème donc son récit de ces souvenirs d'espion.

 

Ramon Rufat n'a pas 20 ans quand éclate la guerre civile espagnole. Il rejoint alors le groupe des internationaux de la colonne Durruti en tant que simple soldat. Peu à peu, certains étrangers qui ont une expérience de la guerre mettent en place un service de renseignement et de guérilla à laquelle s'intègre Rufat. Tout se passe dans une incroyable improvisation. Les recrues sont des volontaires qui en dehors de leurs missions continuent à servir comme de simples soldats. Mais peu à peu, un phénomène de spécialisation se fait jour. Les agents suivent des formations dans des écoles spéciales, une différenciation se fait entre espions et guérilleros. Ce processus de militarisation culmine avec la formation en août 1937 du Service d'intelligence spéciale périphérique (SIEP), véritable service de renseignement de l'armée républicaine. Rufat, l'agent R2, décrit avec minutie les succès et échecs du SIEP pour lequel il effectua prés de 50 missions en territoire ennemi d'octobre 1936 à décembre 1938. Il n'oublie pas de traiter du destin de ses agents après la victoire franquiste. Rufat est lui-même arrêté, condamné à mort avant que sa peine ne soit commué. Il passe alors quelques années en prison avant de s'évader en 1944.

 

L'auteur fait également revivre les grands moments de la guerre civile, les événements de mai 1937 à Barcelone, les batailles de Belchite, de Teruel, de l'Ebre, la chute de la Catalogne. Il avance aussi l'idée que la guerre de guérilla a été négligé par les républicains alors qu'elle offrait une arme efficace contre une armée professionnelle et équipée par l'Allemagne et l'Italie. Cette erreur ne fut pas seulement militaire puisqu'en privilégiant la formation d'une armée traditionnelle les dirigeants républicains ont sacrifié l'esprit révolutionnaire qui animait les combattants.

 

Le livre de Rufat est à la fois un livre d'histoire et d'aventure passionnant. Le lecteur sera étonné par l'humilité de l'auteur qui refuse de raconter ses exploits à la première personne et ne tombe jamais dans la caricature. Le ton est toujours juste et neutre. Surtout voici un ouvrage qui éclaire de façon vivante une des facettes mal connues du conflit civil espagnol.

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communismeetconflits - dans Guerre d'Espagne Espionnage
7 octobre 2014 2 07 /10 /octobre /2014 07:52

Robert Littell, Philby. Portrait de l'espion en jeune homme, Éditions Baker Street, 2011, (édition de poche dans la collection Point-policier, 2012).

Jeunesse d'un espion

Robert Littell est un des maîtres contemporains du roman d'espionnage avec un style qui mêle toujours réalité et fiction. A ce titre, la figure mythique de Kim Philby ne pouvait le laisser indifférent. Avec ce roman il en trace un portrait avec la volonté de comprendre les mécanismes qui poussent le jeune anglais à trahir sa patrie et sa classe sociale. Il ne s'agit donc pas ici d'une biographie mais d'une tentative d'expliquer les raisons du comportement et des succès de Philby. En effet, comment un jeune idéaliste, marié à une communiste autrichienne a-t'il pu infiltrer si facilement les services secrets britanniques et n’être démasqué qu'au bout de 30 ans ?

 

De la Vienne en révolte de 1934 à Londres sous les bombes allemandes, en passant par l'Espagne franquiste ou Moscou à l'époque des purges, Littell trace l'histoire de Philby par le biais de récits à la troisième personne de ceux qui l'ont croisé. Ses amis, ses maîtresses, ses collègues du MI6, ses agents traitants et contacts soviétiques livrent ainsi des portraits différents de Philby, un individu complexe qui entretient autour de lui une certaine ambiguïté. Ici donc pas de rebondissement ou de coups d'éclat même si l'auteur avance à la fin du livre une hypothèse séduisante mais hasardeuse, en l'état des connaissances, sur le parcours de Philby.

 

Mais à travers la personne de Philby, Littell dresse le portrait d'une époque, les années 1930, une période où l'engagement et la violence déterminent des destinées, conduisent au sacrifice de soi ou à la trahison des siens au nom d'idéaux. Philby choisit son camp et ne l'abandonnera plus jusqu'à sa mort en 1988.

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communismeetconflits - dans Espionnage Fiction
25 septembre 2014 4 25 /09 /septembre /2014 07:05

Ben Macintyre, Kim Philby, l'espion qui trahissait ses amis, éditions Ixelles, 2014.

Kim Philby

La vie de Kim Philby, le plus célèbre des 5 de Cambridge, a déjà fait l'objet de nombreux ouvrages dont les mémoires de l’intéressé lui-même. Le livre de Macintyre ne révèle donc aucun fait nouveau d'autant que les archives sur cette question sont encore fermées. L’intérêt du livre repose sur la focale particulière qu'utilise l'auteur pour raconter une histoire bien connue. Il déroule ainsi la vie de Philby a travers l'amitié de ce dernier avec Nicholas Elliott et dans une moindre mesure avec James Angleton. Ces deux hommes ne sont pas n'importe qui puisque le premier fut chef de poste du MI6 dans différentes capitales tandis que le second était le responsable du contre-espionnage à la CIA. Et tous les deux défendirent l'innocence de Philby jusqu'à sa défection en 1963. Par ce biais l'auteur se livre à une réflexion sur l'amitié mais montre surtout le talent de Philby qui réussit à duper pendant des décennies des amis qui étaient aussi des maîtres espions.

 

L'auteur livre aussi dans son livre un portrait de la classe supérieure britannique, une classe persuadée de sa supériorité, de sa vocation à diriger, une classe endogame qui fonctionne selon des loyautés tribales et parvient ainsi à monopoliser les postes de responsabilités notamment dans le renseignement. Elliott rentre ainsi au MI6 par le biais d'un diplomate, ami de son père, rencontré sur un champ de course. Philby rejoint également le MI6 par l'entremise d'un ami de son père. Ses sympathies communistes du temps de son passage à Cambridge sont oubliées sur la simple présomption qu'un ancien élève d'Eton, un assidu des clubs pour gentlemen ne peut espionner contre son pays. Philby commence donc une carrière brillante au sein du MI6 dont il devient le représentant aux États-Unis après guerre. C'est ainsi qu'il rencontre Elliott et Angleton. Ses amis lui font des confidences qu'il transmet aux Soviétiques pour lesquelles il travaille depuis 1934.

 

Lorsqu'en 1951, à la suite du décryptage de messages soviétiques, Burgess et Maclean, deux amis de Philby, sont démasqués comme espions, ce dernier devient la cible de soupçons. Mais là encore la solidarité de caste joue en faveur de Philby. Si l'aristocratique MI6 prend la défense de Philby, le plus prolétaire MI5 s'acharne sur lui. Sans preuves probantes contre lui, Philby échappe à l'arrestation mais doit quitter le renseignement. A partir de 1954 il commence à être réhabilité grace à l'aide de ses amis et réintègre le MI6 pour partir à Beyrouth où il peut recommencer son jeu d'agent double. Finalement démasqué en 1963, Philby se réfugie à Moscou où il meurt en 1988. Si Elliott a, semble-t'il, laissé la possibilité à Philby de faire défection, Angleton, lui aussi trahi par son ami, se lance dans une chasse forcenée aux agents doubles qui cause de profonds dégâts à la CIA.

 

Le lecteur a l'impression d’être dans un roman d'espionnage mais ici tout est vrai. L'auteur développe surtout, avec aisance et un certain humour anglais, l'histoire d'une amitié corrompue par la trahison, le double jeu, l'idéologie. Une histoire à l'image d'un 20e siècle où la foi communiste transcendait chez certains les fidélités nationales, familiales, professionnelles et amicales.

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communismeetconflits - dans Espionnage
20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 07:01

8Le samedi 26 avril France Inter a diffusé une émission sur les Trois Rouges, la branche suisse du célèbre Orchestre rouge dirigé par Sandor Rado.

 

A retrouver et écouter en cliquant ici:

Sandor Rado

Sandor Rado

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communismeetconflits - dans Espionnage Seconde Guerre mondiale Orchestre rouge
2 juin 2014 1 02 /06 /juin /2014 07:48

« D'une vie à l'autre », film allemand de Georg Maas, 2014.

D'un totalitarisme à l'autre

Il est bien connu que les procédés utilisés par la Stasi pour infiltrer et espionner les pays occidentaux ne s’embarrassaient guère de considérations morales ou éthiques. Le film de Georg Maas le démontre en révélant comment les services est-allemands utilisèrent l'un des héritages les plus sordides du 3e Reich pour envoyer des agents en Norvège.

 

Le film se situe dans cette période incertaine, l'année 1990, entre la chute du Mur et la réunification allemande. L’État est-allemand se désagrège lentement à l'image d'une Stasi qui n'a plus de raison d’être et se sait condamnée. C'est aussi le moment où ses agents, soldats d'un régime vaincu, doivent trouver leur place dans ce monde de l'après guerre froide, craignant par-dessus tout que leurs états de service au sein de la Stasi ne soient mis à jour.

 

L’héroïne du film, Katrin, une jeune grand-mère, femme d'un officier de la Marine norvégienne, voit son destin basculer quand un jeune avocat découvre qu'elle a passé ses premières années dans un Lebensborn. Fille des amours illégitimes d'une Norvégienne et d'un soldat allemand durant la Seconde Guerre mondiale, elle est placée dans un de ces orphelinats nazis où la SS veut faire grandir des enfants aryens capables de régénérer la race. A la fin de la guerre, les enfants des Lebensborn en Allemagne orientale se retrouvent rapidement citoyens de la nouvelle RDA.

 

Ces orphelins, à l'origine et à l'identité incertaine, vont constituer un vivier de choix pour le recrutement au sein de la Stasi. C'est le destin que connaît Katrin qui une fois devenue agent de la Stasi, simule sa fuite à l'Ouest pour retrouver sa mère en Norvège et réussir à trouver un emploi sur une base navale norvégienne, tout en continuant à travailler pour la Stasi. La chute du mur de Berlin et l'ouverture des archives en RDA mettent alors brutalement fin à ce quotidien fait à la fois d'espionnage et d'une banale normalité. La mère de famille espionne prend alors conscience que sa vie peut soudainement basculer. Elle renoue alors avec ses contacts de la Stasi, des hommes qui souhaitent également que leur passé n'émerge jamais au grand jour. Malgré les efforts de Katrin la vérité se dévoile peu à peu, brisant une famille aux fondations apparemment solides, mais qui repose sur un mensonge.

 

Le réalisateur en cherchant à condamner nazisme et communisme et à mettre en scène à la fois un thriller politique et un drame familial a certainement était trop ambitieux. Sur la forme, le film comporte des longueurs tandis qu'une recherche esthétique un peu trop poussée rend certaines séquences trop artificielles. Tombant parfois dans le mélo psychologique, le réalisateur ne parvient jamais à créer un vrai suspense, une intrigue prenante, de sorte que le dénouement du film est largement prévisible. Saluons malgré tout la qualité de la distribution et le jeu parfait des acteurs notamment du personnage principal incarné par Juliane Kohler.

 

Malgré ces imperfections la force et l’intérêt du film de Georg Maas résident dans le caractère historiquement authentique des faits qui sont mis en scène. Il parvient ainsi à mettre à nu les drames individuels provoqués par les deux grands totalitarismes du 20e siècle.

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communismeetconflits - dans Espionnage Communisme allemand RDA Stasi

Présentation

  • : Communisme, violence, conflits
  • : Blog destiné à publier des articles et travaux historiques concernant les relations entre communisme et violence au XX°siècle. Ce blog est ouvert à ceux qui voudront publier articles, notes, annonces de publications, de colloques ou autres concernant ce champs d'étude historique.
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Recherche

Publications de David FRANCOIS

GuideICSerge Wolikow, Alexandre Courban, David François, Christian Oppetit, Guide des archives de l'Internationale communiste, 1919-1943, Archives nationales-MSH Dijon, Paris-Dijon, 2009. 

9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

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