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2 décembre 2013 1 02 /12 /décembre /2013 07:32

Sally Stoecker, Forging Stalin's Army: Marshal Tukhachevsky and the Politics of Military Innovation, Westview Press, 1998.

Toukhatchevsky, démiurge de l'armée soviétique

L'idée centrale de ce livre est de montrer que dans les années 1930, l'armée rouge ne fut pas prisonnière de l'idéologie stalinienne mais a plutôt conservé une certaine indépendance qui fut à la source de nombreuses innovations. C'est ainsi, en utilisant un langage marxiste, que des officiers comme Toukhatchevski ont développé de nouvelles doctrines qui prouveront leur pertinence lors de la guerre contre l'Allemagne nazie. Dans le contexte du premier plan quinquennal, l'idée soviétique qu'une guerre contre le monde capitaliste est inévitable et la volonté de couper tout lien avec le passé tsariste, donne l'occasion aux militaires de remodeler l'armée rouge et de transformer l'armée révolutionnaire des bolcheviks en une puissance militaire conventionnelle moderne. Pour eux il s'agit aussi de moderniser l'industrie de l'armement et d'assurer un lien étroit entre les priorités industrielles du moment et les préparatifs militaires.

 

L'auteur montre qu'à sa naissance, le complexe militaro-industriel soviétique n'a pas la puissance qu'il aura par la suite sur l'ensemble de l'économie. Les militaires ont dû se battre, plaider, menacer, supplier pour que le budget militaire progresse. Ils veulent montrer aux principaux dirigeants que la modernisation de l'armée est une nécessité à court terme pour faire face aux menaces potentielles. C'est en 1934, après le succès du premier plan quinquennal et face à la montée de la menace japonaise en Orient que Staline se décide à donner aux militaires les ressources suffisantes pour mener à bien leurs réformes.

 

C'est la dégradation de la situation internationale qui pousse Staline à moderniser l'armée et à lui consacrer des ressources de plus en plus importantes. La prise du pouvoir par Hitler en Allemagne et l'avancée japonaise en Mandchourie concrétise la peur d'un encerclement potentiel. La prise, en 1929, du chemin de fer de l'Est chinois jusqu'alors contrôlé par l'URSS par des nationalistes chinois puis par les Japonais agit comme un stimulant d'autant que cet épisode démontre la faiblesse des officiers et du matériel soviétiques pour mener des contre-attaques.

 

La voie est libre pour que les officiers supérieurs développent leurs idées sur l'usage des armes combinées, les opérations d'encerclement. Surtout la conquête de la Mandchourie provoque un réarmement sur la frontière chinoise où l'armée rouge double ses effectifs de 1929 à 1932. Mais l'URSS, sans accès aux technologies étrangères, a beaucoup de mal à moderniser ses forces. C'est pour compenser cette faiblesse qu'elle développe une collaboration militaire avec l'Allemagne de Weimar ce qui lui apporte une aide précieuse pour créer une industrie militaire. Les Soviétiques copient également le matériel militaire étranger notamment les blindés britanniques et américains mais en les améliorant pour les adapter au terrain et aux tactiques adoptées par l'armée rouge.

 

L'auteur met en évidence le rôle central de Toukhatchevski dans ce processus de modernisation de l'armée soviétique. Ses idées sur la bataille en profondeur ou l'offensive décisive deviennent des éléments essentiels de la doctrine militaire soviétique et le restent après l'exécution du maréchal en 1937. La purge de l'armée rouge en 1937-1938 affaiblit le potentiel militaire soviétique juste à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Mais surtout c'est la destruction de l'esprit d'innovation doctrinale incarné par Toukhatchevski qui est le coup le plus rude porté à l'armée rouge.

 

L'augmentation, à partir du premier plan quinquennal, des ressources accordées à l'armée ainsi que l'autonomie relative laissée aux chefs militaires permet de promouvoir des doctrines stratégiques neuves. Voici donc un récit convaincant de la reconstruction des forces armées soviétiques par la volonté d'un homme, Toukhatchevski, dont les réformes ont permis à l'Etat soviétique de surmonter deux épreuves titanesques: la guerre contre l'Allemagne nazie et le régne de Staline.

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communismeetconflits - dans Union soviétique et Russie Armée rouge
15 novembre 2013 5 15 /11 /novembre /2013 07:53

David Stone, Hammer and Rifle: The Militarization of the Soviet Union, 1926-1933, University Press of Kansas, 2000.

A l'origine du complexe militaro-industriel soviétique

Le livre de Stone examine la politique militaire de l'URSS durant le premier plan quinquennal. Il s'agit pour l'auteur de mettre en relief la place de l'armée rouge dans les plans de Staline pour construire une industrie moderne et de montrer que l'armée fut un facteur qui a largement justifié la nécessité d'une industrialisation rapide. L'Union soviétique n'a jamais été dominé par les militaires, pourtant l'armée devient une force incontournable, notamment dans le domaine économique. Elle a en effet le pouvoir de mobiliser des ressources importantes et surtout de garantir aux industriels avec qui elle est en relation les moyens nécessaires pour leurs productions.

 

Dans les années 1920 l'armée rouge accuse un retard technique important et possède une valeur militaire plus faible de l'armée tsariste. C'est aussi une armée qui a été vaincu aux portes de Varsovie et dont les chefs ont conscience des faiblesses. Mais la NEP a imposé une politique financière destinée à stabiliser le rouble interdisant d'augmenter le budget militaire.

 

Pour les chefs militaires, s'appuyant sur une analyse marxiste, il est nécessaire d'effacer la distinction entre production civile et militaire pour donner une place aux militaires dans l'économie soviétique. Ces derniers doivent même orienter la planification économique afin d'avoir un accès privilégié à la production industrielle. Dans le cadre dans la théorie du socialisme dans un seul pays le réarmement de l'armée rouge devient un élément central de la victoire de Staline sur la droite du Parti qui souhaite conserver la NEP.

 

La crainte bolchevique d'une attaque des pays capitalistes justifie à la fois les demandes de l'armée et muselle les opposants au plan quinquennal. L'invasion japonaise de la Mandchourie en 1931 est ainsi un moteur du réarmement justifiant l'industrialisation. Toute critique devient alors une trahison. A la fin de la période du premier plan, l'armée rouge occupe une place prééminente dans l'économie, place qu'elle continuera à tenir jusqu'à la fin des années 1980.

 

L'auteur ne fait pas l'impasse sur le chaos, le gâchis, les pertes humaines qui accompagnent l'industrialisation forcée. L'ouvrage fournit ainsi un solide aperçu de la naissance et de l'expansion du secteur économique militaire soviétique qui reste performant jusque dans les années 1980. Il montre surtout que l'armée rouge a joué un rôle de premier plan dans la consolidation du pouvoir stalinien par son soutien sans failles au premier plan quinquennal.

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 07:13

La division occidentale polonaise.

Fin juillet-début aout 1918 commence l'organisation de la plus grande formation révolutionnaire polonaise, la division d'infanterie occidentale. Elle voit le jour officiellement le 15 octobre 1918 sous la direction de Zbikowski qui est ensuite remplacé par Roman Lagwe. Les commissaires politiques sont Adam Slawinski et Stanislac Bobinski. La division, qui compte 8 000 hommes, est organisée suivant la structure de l'armée rouge et possède donc trois brigades : la 1° brigade de tirailleurs commande par Roman Lagwe puis Wladislaw Scibor qui comprend le régiment rouge de Varsovie qui devient à partir de décembre 1918 le régiment de tirailleurs de la division occidentale de Varsovie. La brigade comprend également le 3° régiment révolutionnaire de Siedlce, le 1° régiment de hussards rouges de Varsovie fondé à l'été 1918 sous le commandement de Wladyslaw Kolankowski et le 1° bataillon d'artillerie légère.

 

La 2° brigade commandée par Francis Makowski est constituée du 2° régiment révolutionnaire de Lublin, du 4° régiment révolutionnaire de Varsovie, du régiment rouge de cavalerie de Mazowiecki et du 2° bataillon d'artillerie légère. La 3° brigade dirigé par Kazimierz Majewski puis à partir de mars 1919 par Dobrowolski comprend le 5° régiment révolutionnaire de Vilnius, le 6° régiment révolutionnaire de Grodno, le 1° régiment de hussard rouge de Varsovie et le 3° bataillon d'artillerie de campagne. La division comprend également une unité de reconnaissance, un bataillon de transmission, un bataillon du génie, un escadron aérien avec trois appareils, un hôpital de campagne et une unité vétérinaire.

 

La division est sous l'autorité politique d'un Conseil militaire révolutionnaire qui comprend Samuel Lazowert, Stefan Brodowski qui vient du comité exécutif central du groupe du SDKPiL en Russie et Adam Kaczorowski (Slawinki) du parti bolchevik. Le bureau d'enrôlement est dirigé par Romuald Muklewiczow, nommé le 14 janvier 1919 par le Conseil militaire révolutionnaire et qui dirige une trentaine de bureaux de recrutement en Russie, Ukraine, Biélorussie et Lituanie.

 

Des formations militaires polonaises continuent à exister sans entretenir de liens avec la division d'infanterie occidentale. C'est le cas notamment des Révolutionnaires rouges polonais à Irkoutsk, du détachement polonais combiné d'Ousman, des unités polonaises de garde des chemins de fer l'une à Petrozavodsk en Carélie et l'autre à Voronej, du bataillon polonais Josef Mirecki à Orel, du bataillon polonais d'Odessa, de deux régiments issus du régiments de Varsovie : le 2° régiment de Cracovie commandé par le capitaine Gendygery et le 3° régiment de Poznan commandé par l'adjudant Boleslaw Pilecki. Le nombre total de Polonais servant dans l'armée rouge est difficile à déterminer et selon certains historiens il se situerait autour de 100 000. Ces derniers viennent de milieux divers: ouvriers, nobles ou bourgeois. Certains sont issus de familles dont l'histoire est liée au mouvement indépendantiste comme Stanislaw Zielinski, un des organisateurs du régiment révolutionnaire de Varsovie et qui fut diplômé de l'école rouge des communards, une école politique et militaire pour les révolutionnaires polonais.

 

Les unités polonaises s'adaptent aux conditions tactiques de la guerre civile russe. Il n'est plus question d'un front défensif marquée par une ligne continue de tranchée. La guerre civile marque le retour des manœuvres tactiques où les lignes de tranchées sont remplacée par des chaines de points fortifiés. Dans ce système les réserves jouent un rôle primordial puisqu'elles sont utilisées pour lancer des offensives en profondeur, contourner les défenses ennemies et sécuriser les flancs. Ces tactiques, plus ou moins perfectionnées par les belligérants, sont utilisées par les unités révolutionnaires polonaises.

Affiche de propagande soviétique lors de la guerre avec la Pologne

Affiche de propagande soviétique lors de la guerre avec la Pologne

En février 1919 la division occidentale polonaise occupe progressivement la Biélorussie d'où se retire lentement les troupes d'occupation allemandes. Des escarmouches éclatent avec des troupes de l'armée polonaise organisée par Pilusdski qui se sont avancées jusqu'aux rives du Niémen. A partir du printemps les affrontements se font plus violents notamment à compter du 16 avril où la ville de Lida est prise et reprise plusieurs fois par chaque camp. En mai la division occidentale participe à la retraite de l'Armée rouge en Biélorussie. Elle tient le secteur de Pierszoj prés de Minsk ainsi que celui de Kleck sur la rivière Lan. Elle s'illustre lors des féroces combats à Baranovitch dans la banlieue de Minsk. La division est alors intégrée le 9 juin 1919 à la 16e armée rouge en temps que 52e division d'infanterie. Elle incorpore alors des Russes, des Biélorusses et des Ukrainiens et perd définitivement son caractère polonais.

 

En août 1920, lors de l'avance de l'armée rouge sur Varsovie le comité révolutionnaire polonais décide de créer sous le commandement de Roman Lagwa la 1ere armée rouge polonaise. Mais la retraite soviétique puis la démobilisation de l'armée rouge après la guerre interrompent la formation de cette armée. Aucune des formations militaires polonaises créés en Russie soviétique n'arrive à exporter la Révolution en Pologne. Il faut attendre mai 1943 pour que l'URSS mette sur pied sur son territoire une armée polonaise dirigée par le général Berling qui jouera un rôle clef dans l'imposition du régime communiste dans la Pologne occupée par les Soviétiques à partir de 1944.

Milice ouvrière dans la Pologne occupée par l'Armée rouge l'été 1920

Milice ouvrière dans la Pologne occupée par l'Armée rouge l'été 1920

Sources :

-A.Manusevich, Internatsionalistyi.Trudyaschiesya zarubezhnyih stranuchastniki borbyi za vlast sovetov, Editions Nayka, Moscou, 1967.

 

-Mieczysław Wrzosek, Polski czyn zbrojny podczas pierwszej wojny światowej 1914-1918, Państwowe Wydawnictwo „Wiedza Powszechna”, Warszawa 1990.

 

http://lewica.pl/?id=25503

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communismeetconflits - dans Guerre civile russe. Armée rouge
1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 07:49

Les Polonais dans l'armée du Tsar.

En 1914, quand la Première Guerre mondiale éclate, la Pologne subit toujours les conséquences de son partage de 1795 entre la Russie, la Prusse et l'Autriche. Les Polonais sont donc appelés à se combattre au sein des armées de chacun des empires en lice. Afin de les mobiliser et de stimuler le volontariat chaque camp promet d'accorder aux territoires polonais qu'il contrôle plus d'autonomie après la guerre. Des unités spécifiquement polonaises voient alors le jour.

 

Au sein de l'armée russe, des volontaires polonais se réunissent entre octobre et novembre 1914 et forment au début de 1915 la Legion Pulawy sous l'égide du comité national polonais, un organisme qui soutient l'Entente. La Légion, qui compte environ un millier d'hommes, forme un bataillon de l'armée tsariste et combat contre les Allemands de mars à septembre. La légion est alors retirée du front afin de reconstituer ses effectifs. En octobre 1915 elle disparaît finalement pour devenir la brigade des fusiliers polonais.

 

Cette brigade, commandé par le général Piotr Szymanowski, comprend environ 8 000 hommes au moment où elle rejoint le front en mars 1916. En janvier 1917 elle devient la division des fusiliers polonais sous les ordres du général Tadeuz Bylewsky et se trouve stationnée sur le front de Galicie.

 

Au sein de la division le régiment de réserve qui stationne à Belgorod en Ukraine se montre particulièrement réceptif à l’enthousiasme révolutionnaire qui balaie la Russie au printemps 1917. Au moment de l'élection des soviets de soldats, les hommes du régiment élisent en majorité des sous-officiers de tendances révolutionnaires qui prennent donc la direction du soviet régimentaire. Ce comité organise les soldats afin qu'ils résistent aux tentatives de recrutement au sein du 1° Corps polonais et pour qu'ils refusent également de reconnaître l'autorité suprême des généraux nationalistes Dowbor-Musnicki et Naczpol. Au moment de se choisir un commandant, les hommes du régiment de réserve élisent le lieutenant Mieczyslaw Jackiewicz. Le 20 août 1917, les 16 000 soldats et 35 officiers du régiment de réserve approuvent une proclamation révolutionnaire, sorte de manifeste idéologique, imprimée à 80 0000 exemplaires et distribuée aux autres soldats polonais servant dans l'armée russe.

 

Le 29 septembre 1917, le commandement du régiment se tourne vers le ministre de la Guerre du gouvernement de Kerenski pour lui demander de l'aider à reformer le régiment de réserve. Mais cette initiative ne reçoit le soutien ni du comité central des associations de militaires polonais, ni de la direction du SDKPiL (la Social-démocratie du royaume de Pologne et de Lithuanie) qui s'oppose à la création d'unités militaires nationales distinctes qu'elle assimile à une forme de séparatisme national incompatible avec l'internationalisme prolétarien.

 

Le 3 octobre 1917, le régiment de réserve est finalement libéré de son obéissance au général Dowbor-Musnicki et passe sous la direction du district militaire de Moscou. Fortement influencés par les soviets locaux, les soldats du régiment déclarent soutenir le comité militaire révolutionnaire de Moscou, un organisme dirigé par les bolcheviks.

 

En parallèle le régiment de réserve demande qu'on lui donne des armes, qu'il reçoit dans la seconde moitié de novembre 1917 après la prise du pouvoir par les bolcheviks. Le régiment devient alors officiellement le 1° régiment polonais révolutionnaire. A la fin de l'automne si cette unité prend part à des combats sporadiques contre des forces contre-révolutionnaires, elle refuse néanmoins d'affronter les nationalistes du Conseil central ukrainien. Ce refus entraine le désarmement du régiment le 30 décembre, action durant laquelle le lieutenant Jackiewicz est tué. Il est remplacé à la tête de l'unité par Henryk Paczkowski. De nombreux soldats ainsi désarmés partent alors pour Moscou dans l'espoir de créer de nouvelles unités polonaises révolutionnaires.

 

De nombreux Polonais vivent alors en Russie. Parmi eux se trouvent de nombreux exilés politiques, militants du SDKPiL, du PPS de gauche ou de la fraction révolutionnaire du PPS. De nombreux Polonais sont aussi des ouvriers que le gouvernement tsariste a fait déplacer en Russie afin qu'ils continuent à travailler pour l'effort de guerre russe. Parmi ces derniers se trouve le jeune Karol Swierczewski, le futur général Walter. Des Polonais se sont également engagés dans l'armée russe comme Konstantin Rokossovski ou ont été échangés par les Soviétiques avec des prisonniers de guerre allemands avant novembre 1918 à l'instar de Julian Marchlewski.

Le régiment révolutionnaire de Varsovie à Moscou

Le régiment révolutionnaire de Varsovie à Moscou

Le régiment révolutionnaire de Varsovie.

Le 23 décembre 1917 à Minsk en Biélorussie, à la suite d'une réunion de l'Union socialiste polonaise une résolution est votée qui conduit à la formation d'un bataillon révolutionnaire polonais aussi appelé le Conseil des ouvriers et soldats de Minsk. Parmi les unités révolutionnaires polonaises qui voient alors le jour se trouve un détachement d'artillerie de Vitebsk. Ce dernier est nait de la formation le 1er janvier 1918 d'une unité de Garde rouge à l'initiative de Stefan Weychert. Les hommes sont issus de la batterie d'artillerie lourde de Wysoczanach et sont parvenu à s'emparer de la formation d'artillerie du général Dowbor pour former la batterie d'artillerie lourde révolutionnaire polonaise aussi appelé 1° janvier ou Lodz. Elle est dirigée par Stefan Czernicki, un membre de la gauche du Parti socialiste polonais.

 

De décembre 1917 à avril 1918 le commissariat polonais du Commissariat du peuple aux Nationalités essaye de créer des unités polonaises dans différentes villes de Russie et au sein des quelques formations militaires russes existante. Le commissariat focalise son attention sur la 8° armée russe qui se trouve sur le front roumain. Il choisit un militant du SDKPiL, Henryk Bitner, qui en février 1918 a formé la batterie rouge polonaise de Mohilov sur le Dniestr, pour essayer de former une troupe polonaise au sein de la 8° armée. Les efforts de Bitner s'effondrent lorsque les armées austro-hongroises et allemandes envahissent l'Ukraine.

 

A Moscou se retrouvent les soldats de l'ancien régiment de réserve et la capitale russe devient alors le centre de formation des troupes révolutionnaires polonaises. Un projet de constitution d'une brigade révolutionnaire polonaise, nommée Thaddeus Kosciuzko, semble aboutir le 10 janvier 1918 mais la formation de cette unité est interrompue en raison des nécessités de la guerre. Le jeune pouvoir soviétique est en effet obligé d'utiliser toutes les forces dont il dispose, y compris des unités incomplètes, pour les envoyer sur les différents fronts de la Révolution. Ainsi un détachement de 120 Polonais dirigé par Jan Neumann est envoyé à Kronstadt tandis qu'un détachement de cavalerie sous les ordres de Peter Borewicz part pour Kharkov.

 

Mais, outre les nécessités de la guerre, un autre obstacle empêche la formation d'une organisation militaire polonaise: le refus du SDKPiL d'organiser une formation purement polonaise. Pourtant la position du SDKPiL évolue rapidement ce qui permet la formation du régiment révolutionnaire rouge de Varsovie. La première réunion des soldats polonais du régiment révolutionnaire a lieu le 24 février. Les soldats adoptent une résolution qui appelle les ouvriers de Pologne à soutenir la Révolution puis ils prêtent serment à la Révolution le 11 mai 1918 à l'usine Michelson en présence de Lénine et des dirigeants polonais Julian Marchlewski et Stanislaw Bobinski. Le régiment, qui comprend deux bataillons de tirailleurs, des détachements d'éclaireurs, de mitrailleuses et de sapeurs, est commandé par Stefan Zbikowski avec pour commissaire politique Stanislaw Bobinski et comme chef d'état-major Stanislaw Dziatkiewicz. Pour les responsables du SDKPiL, cette armée nationale doit par la suite s'intégrer au sein d'une Armée rouge internationale encore à construire. De nombreux volontaires se présentent dont un grand nombre viennent d'autres unités polonaises en particulier le II° Corps qui a refusé de désarmer après la signature du traité de Brest-Litovsk et affronte les Allemands à la bataille de Kaniow. Les Polonais sont vaincus le 11 mai et les soldats sont internés avant de partir en direction de Mourmansk pour rejoindre la France. Mais une partie des hommes internée à Yaroslav et Nijni-Novgorod décident de rejoindre les révolutionnaires et s'engagent dans le régiment rouge de Varsovie.

 

Avec l'aide de l'organisation du SDKPiL le régiment se développe en une unité complète sous la direction de Stefan Zbikowski. Ce dernier est né en 1891 à Swidnik prés de Lublin. Diplômé du lycée de Brest, il suit ensuite des cours de mathématiques à l'Université de Varsovie où il entre en contact avec l'organisation des SR de gauche. En 1914 il est enrôlé dans l'armée russe. Quand la révolution éclate il se trouve dans un régiment d'infanterie en Podolie. En décembre 1917, il rejoint le régiment de réserve à Moscou. Il est élu membre du soviet du régiment et établit des contacts avec le SDKPiL et le PPS de gauche. Le 25 février, à son initiative, les anciens du régiment de réserve décident de former le régiment révolutionnaire de Varsovie. Zbikowski est confirmé en septembre 1918 à la tête du régiment tandis que Stanislav Bobinski est commissaire politique.

 

En juillet 1918 Zbikowski demande au Conseil suprême militaire soviétique de transformer son régiment en une division. Il obtient satisfaction pour créer la division occidentale polonaise. En novembre 1918, après la chute des Empires centraux qui créé un vide politique en Pologne Zbikowski voit là l'occasion d'exporter la Révolution dans son pays natal. Il espère que le mécontentement populaire notamment chez les chômeurs peut déboucher sur un mouvement qui permettra de donner le pouvoir aux conseils ouvriers et de renverser le gouvernement Pilsudski. Zbikowski se rend alors à Minsk avec quelques camarades issus du régiment de Varsovie. Mais il est arrêté dés son arrivé le 14 mars 1919. Il est jugé et condamné à 5 ans de prison. Il est renvoyé en Russie soviétique après la fin de la guerre soviéto-polonaise. Il travaille ensuite à la mission diplomatique soviétique à Londres avant de rejoindre la Chine où il devient instructeur militaire auprès des communistes chinois. Devenu général, il enseigne à l'Académie militaire Frunze avant d'être arrêté comme ennemi du peuple par le NKVD en juin 1937 et exécuté en octobre.

 

A la même époque se forme à Moscou le bataillon indépendant des gardes composé d'anciens soldats du régiment de Belgorod et qui devaient à l'origine servir au siège du district militaire de Moscou. A l'été 1918 de nouvelles unités polonaises voient le jour : le 3° régiment polonais révolutionnaire de Lublin, le régiment de cavalerie rouge de Mazowiecki qui participe aux combats contre les anarchistes à Moscou puis à Yaroslav, l'escadron de lanciers de Borysogleb ou le détachement d'infanterie de Saratov. Ces formations reposent exclusivement sur le volontariat et les candidats s'engagent initialement pour une période de six mois. Malgré les difficultés liées à la guerre civile les unités polonaises se développent et participent de plus en plus aux combats. Ainsi à la mi-janvier 1918, le bataillon révolutionnaire polonais, organisé Minsk, se bat contre les nationalistes ukrainiens dans la région de Gomel près de Kiev tandis que les cavaliers du groupe Borewicz sont détachés de la brigade Koscuisko pour partir à Kharkov.

 

La première action militaire du 1° régiment révolutionnaire rouge de Varsovie a lieu contre la rébellion anarchiste à Moscou en avril 1918. Il a pour mission de s'emparer d'une maison que les libertaires ont transformés en forteresse. Une première attaque échoue. Un nouvel assaut est lancé avec l'aide d'un canon et des véhicules blindés. Les anarchistes se rendent. Ils ont perdu deux hommes contre 6 du coté polonais. Leurs funérailles sont l'occasion d'une grande manifestation et les soldats polonais tombés sont inhumés sous les murs du Kremlin. Le bataillon mixte Victor Filanowicz est détaché du régiment de Varsovie pour participer aux combats de rue qui touchent pendant une vingtaine de jours la ville de Yaroslav où les socialistes-révolutionnaires ont organisés un soulèvement. Deux escadrons de cavalerie dirigés par Peter Borewicz sont détachés du régiment de ulhan de Mazowiecki pour se diriger vers Kazan.

 

Dans les premiers jours d’août 1918 l'ensemble du régiment de Varsovie, environ un millier de soldats, est envoyé sur le front sud. Jusqu'à la fin septembre 1918 le régiment participe aux combats mais sans être encore une formation unifiée. L'amalgame n'a lieu qu'en octobre quand il est affecté au sud de Balashov. Il combat alors contre les troupes de Krasnov, puis l'armée des Volontaires de Denikine et enfin les troupes de Wrangel. Elle est envoyé à Makaszew puis Nikolaevsk. C'est là lors de violents combats notamment à Kupawa, Serbin et Krasnoye qu'il subit de lourdes pertes. Entre le 9 et le 29 décembre 1918, 800 soldats sont tués, morts de froid ou portés disparus. Fin janvier 1919, le reste du régiment est retiré du front sud pour se rendre en Biélorussie.

Stefan Zbikowski

Stefan Zbikowski

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communismeetconflits - dans Guerre civile russe. Armée rouge
26 avril 2013 5 26 /04 /avril /2013 08:00

Roger R. Reese, Why Stalin's Soldiers Fought : The Red Army's Military Effectiveness in World War II, University Press of Kansas, 2011.

A la recherche de l'âme du soldat soviétique

 En essayant de répondre à une question simple qui donne le titre à l'ensemble de cette étude, Roger Reese entame un véritable dialogue avec l'ensemble des historiens spécialistes de la Grande Guerre patriotique aussi bien ceux de la période de la guerre froide que ceux de l'après 1989.

 

Le livre débute par une analyse de la Guerre d'Hiver, cette guerre contre la Finlande à l'hiver 1939-1940, qui met à jour les faiblesses de l'Armée rouge. Reese montre surtout que malgré des pertes soviétiques sévères les Finlandais n'ont capturé qu'environ 6 000 soldats soviétiques. Face aux victoires tactiques de l'armée finlandaise et aux quelques avancées soviétiques qui coûtent cher en vies humaines pour des gains insignifiants, le moral des combattants est resté élevé. Si l'auteur montre que cette guerre a été l'occasion de former des détachements de blocage et des bataillons disciplinaires, les appels au patriotisme et la conviction de mener une guerre juste et nécessaire expliquent la faiblesse des désertions et du passage à l'ennemi.

 

Ensuite Roger Reese interroge les raisons des redditions massives lors des encerclements de 1941. Ici s'engage un véritable débat historique pour savoir si les millions de soldats soviétiques capturés sont le fruit des prouesses militaires allemandes ou de l'explosion d'un sentiment antistalinien qui se traduit par les redditions massives. L'auteur refuse les réponses qui s'inscrivent dans ce schéma binaire. Pour lui si les soldats se rendent ce n'est pas uniquement en raison d'une opposition au régime puisqu'il est impossible d'affirmer que ceux qui luttaient été des partisans de Staline. Les raisons des redditions varient selon les circonstances et les situations. L'hostilité au régime aussi bien que les réussites tactiques de la Wehrmacht jouent leur rôle mais également la faiblesse tactique soviétique, les carences des responsables militaires, l'ingérence des civils dans les affaires militaires où le caractère chaotique du champ de bataille qui laisse souvent des soldats mal armés et désorganisés sans chefs.

 

Au terme de son analyse des batailles d'encerclement de 1941, Reese arrive à la conclusion que ce sont les échecs causés par la doctrine militaire soviétique et les erreurs de commandement qui sont en cause. L'armée rouge n'a jamais été préparé à affronter un encerclement et quand les troupes ont été prises en tenaille, la Stavka leur a interdit de manœuvrer pour échapper au piège. Les tentatives ont toujours eu lieu quand l'encerclement était consommé. L'auteur montre également que contrairement à la Guerre d'Hiver, durant Barbarossa les dizaines de milliers de soldats pris dans les encerclements étaient des troupes de l'arrière tandis qu'en Finlande les cas similaires concernaient les troupes de première ligne. Au final, en 1941 l'armée rouge est plus encline à subir de lourdes pertes, la défaite et les redditions face à une armée qui n'a pas encore rencontré l'échec sur le champ de bataille. Les seuls succès soviétiques ont lieu que de petits groupes commandés par des chefs déterminés conservent leur cohésion et leur discipline. Ces petites formations attirent moins l'attention des troupes allemandes chargées de transporter des milliers de prisonniers, d'essayer de rattraper son retard par rapport à l'avancée de blindés qui préparaient les prochains encerclements.

 

La mobilisation de la société soviétique, la motivation, le moral des troupes et le rôle des femmes soldats constituent le reste de l'ouvrage. L'auteur montre alors que les raisons de combattre du soldat soviétique ont évolué durant le conflit. Le patriotisme a joué un rôle important chez les Russes dont l'État stalinien a su jouer alors qu'il est complètement absent chez certaines minorités nationales. La volonté de vengeance contre un ennemi génocidaire anime une haine particulièrement forte aussi bien chez les femmes que les hommes. Il faut noter que de nombreux segments de la société soviétique attendent des changements à la fin de la guerre. Les paysans espèrent ainsi la fin de la collectivisation, les ouvriers une atténuation de la discipline dans les usines et les intellectuels attendent une plus grande liberté et un contrôle moins strict de l'État.

 

Le livre de Roger Reese est d'une grande richesse. Plus qu'un ouvrage didactique c'est avant tout une œuvre qui alimente une véritable réflexion sur le phénomène guerrier. Il raconte également les peurs, les angoisses et les espoirs de ceux qui rejoignirent alors l'armée rouge attendant que de la guerre naisse un avenir meilleur. La réalité de l'Union soviétique d'après 1945 allait, de ce point de vue, être un moment de désenchantement.

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communismeetconflits - dans URSS Grande Guerre patriotique Armée rouge
16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 12:54

Guerres et Histoire, n° 11, février-mars 2013.

 

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C'est avec retard que nous rendons compte du n° 11 du magasine Guerres et Histoire alors que le nouveau numéro vient d'arriver dans les kiosques. Mais nous ne pouvons échapper à cet exercice puisque le dossier central de ce numéro est consacré à la légendaire bataille de Stalingrad. Le lecteur pouvait craindre une énième relation de ce tournant de la guerre avec les lieux obligés tel les combats de rue dans les usines détruites, le pont aérien allemand, la souffrance des assiégés ou le rôle des tireurs d'élite russe (merci là à Jean-Jacques Annaud). Ici il n'en est rien puisque la célébrité de Stalingrad sert à mettre en lumière une bataille largement méconnue celle de Rjev.


L'angle choisi est donc à la fois original par son traitement mais aussi par son caractère didactique. Les desseins soviétiques à la base de la conception des offensives des « Quatre Planètes » sont décrits de manières éclairantes. Le lien entre les opérations Mars, l'offensive de Rjev et Uranus, celle de Stalingrad est brillamment expliqué avec l'aide de deux spécialistes l'américain David Glantz et le russe Alexeï Isaïev. Chacune des offensives est l'objet d'un article particulier. Celui sur l'opération Mars est certainement le plus passionnant puisque cette offensive est peu connue, sans oublier qu'elle représente la plus grande défaite subie par Joukov.


Signalons la mise au point de Benoist Bihan sur l'art opératif, certainement l'article le plus didactique et le plus éclairant pour ceux qui ne sont pas spécialisés dans l'histoire des théories militaires. Au final, si celui qui lit déjà les historiens anglo-saxons apprendra peu de choses, ce dossier est une bonne synthèse pour les spécialistes et une excellente introduction à l'histoire du front de l'Est pour les néophytes. Un numéro à lire.

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GuideICSerge Wolikow, Alexandre Courban, David François, Christian Oppetit, Guide des archives de l'Internationale communiste, 1919-1943, Archives nationales-MSH Dijon, Paris-Dijon, 2009. 

9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

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