Adrien Fontanellaz, Tom Cooper, Wars and Insurgencies of Uganda 1971-1994, African@War 23, Helion & Company, 2015.
Adrien Fontanellaz, Tom Cooper, The Rwandan Patriotic Front 1990-1994, African@War 24, Helion & Company, 2015.
Les conflits qui ont agité le continent africain à la fin du 20e siècle sont bien souvent méconnus du grand public, nous en premier. Les deux ouvrages que publient Adrien Fontanellaz et Tom Cooper sur ceux qui ont frappé l’Ouganda et le Rwanda entre 1970 et 1995 sont donc particulièrement bienvenus. Certes, les événements au Rwanda en 1994 ont donné lieu à de nombreuses études mais, selon les auteurs, aucun ne se penche sur l’aspect proprement militaire de ce drame, un vide que le livre d’Adrien Fontanellaz et Tom Cooper vient combler. Surtout l’intérêt de ces deux ouvrages, qui peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre, est de montrer la profonde interaction qui existe entre les conflits en Ouganda et au Rwanda.
L’Ouganda, protectorat britannique qui obtient pacifiquement son indépendance en 1962, est dans les années 1960, la proie de luttes politiques qui débouchent sur le coup d’État de Milton Obote en 1966 avant que ce dernier ne soit à son tour renversé par son chef d’état-major Idi Amin Dada. Ce dernier établit une dictature sanglante qui ruine en peu de temps le pays, provoquant des mutineries au sein de l’armée dont certaines unités de mutins n’hésitent pas à se réfugier en Tanzanie renforçant ainsi l’opposition en exil contre Amin Dada. Ce dernier se décide alors à attaquer la Tanzanie en novembre 1978 mais après quelques succès les forces ougandaises sont repoussées et l’armée tanzanienne, appuyée par des groupes armés opposés à Amin Dada, prend le contrôle de la totalité de l’Ouganda, obligeant le dictateur à prendre la fuite en avril 1979.
La chute d’Amin Dada ne met pas fin à l’instabilité politique en Ouganda puisque ses opposants se déchirent pour prendre le pouvoir. Mécontent du résultat des élections de 1980, Yoweri Museveni forme l’Armée populaire de la Résistance qui se lance dans la lutte armée contre le gouvernement en février 1981. Débute alors une guerre civile qui ne cesse que début 1986 avec la victoire des rebelles de Museveni. Le pays retrouve alors une certaine stabilité, malgré la présence jusqu’à nos jours de foyers de lutte armée dans le nord de l’Ouganda, notamment avec l’Armée de Résistance du Seigneur.
La guerre civile en Ouganda est le creuset où se forment de nombreux militaires rwandais dont Fred Rwigema qui combat Amin Dada au côté d’Obote avant de rejoindre l’Armée populaire de la Résistance de Museveni. La majorité est issue de l’ethnie Tutsi ayant fui les massacres commis au Rwanda par les Hutus en 1959. Ces combattants expérimentés forment l’ossature du Front patriotique rwandais qui naît en Ouganda en 1987 avant de lancer à partir de ce pays, une attaque contre le Rwanda en 1990. Débute alors une violente guerre civile marquée par de nombreuses atrocités dont le génocide de la minorité tutsi avant que le Front patriotique rwandais ne remporte la victoire en 1994.
Les auteurs prennent soin de détailler, sans partis pris, les différentes phases des conflits qui affectent l’Ouganda et le Rwanda, sans omettre de passer en revue les forces en présence, ni d’expliquer les contextes politiques où le rôle des interventions étrangères, notamment celle de la France au Rwanda ou de la Libye en Ouganda. Sur ce dernier point, force est de constater que les conflits qui touchent l’Ouganda et le Rwanda sont déconnectés des lignes de fractures de la guerre froide, les belligérants faisant appel pour s’équiper ou entraîner leurs troupes aux puissances aussi bien de l’Ouest que de l’Est.
Soulignons pour terminer que l’ensemble du texte des deux volumes s’appuie à la fois sur un appareil de notes et une bibliographie solide mais également sur une riche iconographie et de nombreuses cartes. Deux livres précieux, donc, pour les amateurs d’histoire militaire africaine.