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18 février 2013 1 18 /02 /février /2013 09:24

Wendy Slater, The Many Deaths of Tsar Nicholas II: Relics, Remains and the Romanov, Routledge, 2007.

 

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Le livre de Wendy Slater n'est pas une nouvelle version de l'histoire de l’exécution des Romanov mais plutôt l'étude d'un fantôme : celui de la dernière famille impériale qui continuent de hanter les affaires politiques et religieuses de la Russie post-soviétique. Il s'ouvre par le récit, à partir des témoignages des gardes de la maison Ipatiev, aussi bien ceux qui témoignèrent face aux enquêteurs de l'armée blanche qui prit Iekaterinbourg que de ceux qui survirent à la Révolution. A partir de ces différents témoignages Slater écrit un récit unique de la mort des Romanov et du sort qui fut réservé à leurs dépouilles. Puis l'auteur se déplace dans l'URSS de la fin des années 1970 elle montre comment une poignée d'individus s’appuyant sur de rares indices et un peu de chance parvinrent à retrouver les restes des Romanov. La découverte resta secrète car le sort des Romanov restait encore un tabou sous Brejnev. Avec la chute du régime communiste le secret fut révelé et les autorités russes procédèrent à l'exhumation des restes. L'auteur relate alors les conditions peu scientifiques de l'opération et les pérégrinations et polémiques entourant l'identification des corps.


Le livre prend alors une tournure nouvelle puisqu'au lieu de chercher à expliquer ce qui s'est réellement passé dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918 à partir des témoignages et découvertes scientifiques, Wendy Slater étudie les différentes versions données de la mort des Romanov. Une des histoires les plus terrifiantes est celle qui raconte que la tête du tsar, voire de la tsarine, fut envoyé à Moscou pour prouver aux dirigeants bolcheviques la réalité de la mort de Nicolas II puis détruit. Pour expliquer la sauvagerie du massacre de la famille impériale, certains récits n'hésitent pas à évoquer un meurtre rituel, explication qui permet de donner un contenu antisémite puissant à l’événement et qui reste encore populaire dans les milieux nationalistes russes.


Lors de l'exhumation des corps de la famille du tsar en 1991 l'on découvrit qu'il manquait deux corps, celui de l'une des filles de Nicolas et surtout celui de l'héritier le tsarevitch Alexeï, ce qui permit de relancer les spéculations sur sa survie. Wendy Slater montre que les faux héritiers se succèdent au début de la période soviétique, certains finir exécuter ou déporter au goulag. La chute de l'URSS permet un retour, sans risque cette fois, des prétendants, ou plutôt de leurs descendants. Pour Slater la floraison de faux fils ou filles du tsar et la fascination du public pour ces histoires répondent à un besoin de la psyché humaine face aux catastrophes notamment quand elles impliquent des jeunes gens.


Le processus de sanctification de Nicolas et de sa famille est également étudié de façon très fine. Après avoir relaté les miracles liés aux icônes de Nicolas Slater montrent que si la piété et les conditions de la mort de la famille impériale justifient la vénération dont elle est l'objet de la part de l'Eglise orthodoxe, la vie de Nicolas ne fut pas un exemple de sainteté.


Si parfois l'ensemble de l'ouvrage peut sembler décousu, l'auteur a réussi le pari d'une histoire totale de la famille du dernier tsar après 1918 et de son impact culturel par le biais du mythe des survivants, les icônes, photographies et la vénération de la famille comme martyre. L'image romantique et sentimentale de la famille Romanov est largement égratignée. L'auteur n’oublie pas d'indiquer que le destin des Romanov s’insère également dans les luttes politiques qui secouent la Russie post-soviétique.


L'ouvrage est accompagné d'un appareil de note, d'un index et d'une bibliographie conséquente qui permettent d'asseoir une étude originale et stimulante. Depuis la parution du livre de Wendy Slater les corps de Marie et Alexeï ont été retrouvé en 2007 et leurs identités confirmés par des tests ADN en 2008.

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communismeetconflits - dans Union soviétique et Russie
15 février 2013 5 15 /02 /février /2013 10:28

Gianni Donno, La Gladio rossa del PCI, (1945-1967), Rubbettino editore, 2001.

 

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L'Italie a été l'un des champs clos de la guerre froide où les antagonismes idéologiques ont pris souvent des formes violentes extrêmes mettant en péril une jeune démocratie encore fragile. Le souvenir des années de plomb où le terrorisme néo-fasciste le dispute à celui de l'extrême-gauche est le symbole de cette lutte impitoyable. La place centrale de ces années de plomb qui gross-modo correspondent aux années 1970 a occulté que durant les deux premières décennies de la République italienne le danger pour la démocratie est venue du communisme italien.


Il est vrai que l'historiographie est fortement inspirée par le paradigme de duplicité théorisé par Palmiro Togliatti qui est une méthode qui permet de gérer l'impatience insurrectionnelle de la base militante, reflet de la dualité du Parti communiste italien (PCI) ou à une aile révolutionnaire s'oppose une aile politique. La domination de cette dernière, qu'incarne d'ailleurs Togliatti, a mis dans l'ombre les activités et les structures insurrectionnelles du PCI.


Il revient à Gianni Donno de publier un certain nombre de documents, principalement issus des archives des forces de sécurités italiennes y compris les rapports et circulaires du PCI, sur l'existence de l'appareil paramilitaire communiste du PCI. Donno explique d'abord que les communistes italiens ont longtemps nié l'existence d'un tel appareil avant que l'ouverture des archives soviétiques ne les oblige a reconnaître la vérité qu'ils ont tenté de minimiser en affirmant que cet appareil avait été dissous en 1953 sur décision de Giorgio Amendola. Mais Donno qui affirme que cet appareil a fonctionné au moins jusqu'en 1967.


Il est incontestable que les communistes ont, jusqu'en 1948, envisagé l’hypothèse d'une insurrection armée pour s'emparer du pouvoir et se sont dotés d'une organisation clandestine pour cette tache. Après 1955, et la signature du Pacte de Varsovie, l'appareil militaire du PCI se compose d'équipes secrètes de spécialistes formés dans les pays de l'Est, surtout en Tchécoslovaquie, qui doivent pratiquer le sabotage et la guérilla. Le but de cette structure est insurrectionnel, il s'agit d’être prêt pour la Révolution, mais aussi d'agir comme une cinquième colonne en cas de conflits entre les deux blocs.


Si les documents que présentent Donno sont irréprochables il n'en est pas de même du traitement qu'il leur fait subir. Il n'y a aucune analyse du poids de l'organisation paramilitaire au sein du PCI, ni de son évolution et encore moins des tensions qui ont pu exister entre l'action subversive et une stratégie politique modérée. Donno veut montrer avant tout que le PCI a conservé jusqu'en 1967 un appareil militaire qui représenta la plus sérieuse menace contre la démocratie italienne. Il va meme jusqu'à affirmer que parmi les communistes italiens ayant reçu une formation militaire en Tchécoslovaquie se trouve un certains nombre de futurs membres des Brigades rouges.


Le contexte dans lequel Donno a réalisé son travail fait peser un sérieux doute sur les analyses de Donno ainsi que sur sa sélection de documents. Il a réalisé ses recherches en tant que consultant pour la commission Mithrokine qui fut instituée en 2002 pour enquêter sur les liens entre les services soviétiques et les hommes politiques italiens. Cette commission, qui fut supprimée en 2006 sans avoir démontré l'existence de liens a surtout fait l'actualité pour ses tentatives de discréditer les opposants à Silvio Berlusconi, notamment Romano Prodi, accusé d'avoir été un agent du KGB. Le titre de l'ouvrage, qui fait ouvertement référence aux réseaux des Stay-Behinds, est à lui seul un marqueur idéologique.


Si le livre de Donno fournit une base documentaire de qualité pour répondre à certaines questions sur la « politique militaire » du PCI, le contexte de rédaction de l'ouvrage invite le lecteur à exercer un œil critique sur les conclusions de l'auteur.

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communismeetconflits - dans Communisme italien
14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 11:01

David Stahel, Operation Barbarossa and Germany's Defeat in the East, Cambridge University Press, Cambridge, 2011.

 

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La thèse que développe l'auteur se veut provocante puisqu'il affirme que l'Allemagne a perdu la guerre en août 1941 lors de la bataille de Smolensk. S'appuyant sur de nombreux documents issus des archives militaires allemandes de Freiburg, il délaisse la description des grandes phases de l'opération Barbarossa pour se concentrer sur le groupe d'armée Centre dirigé par von Bock et plus particulièrement sur trois batailles, celles de la poche de Minsk, celle sur la Dvina et celle de la poche de Smolensk.


En disséquant l'action et la composition des corps de panzers l'auteur montre qu'à la mi-aout  1941 ces unités n'ont plus la puissance nécessaire pour affronter les Soviétiques dans une longue guerre d'attrition. Les pertes en blindés subis par les Allemands et l'insuffisance de la production des usines du Reich condamnent à terme la Wehrmacht. A ces faiblesses s'ajoute le manque de divisions motorisés capable de transporter l'infanterie sans laquelle les panzers peuvent difficilement tenir contre les Soviétiques comme le montre la bataille de Minsk. L'action d'un Guderian qui pousse à aller troujours plus loin en avant sans se préoccuper d'éliminer les poches de résistance a également un effet désastreux en fragilisant les voies de ravitaillements. La sous-estimation du soldat russe et le traitement brutal des populations civiles, qui favorise l'émergence du phénomène partisan, jouent aussi contre la machine de guerre allemande.


Si l'ensemble du propos se place du seul coté allemand, Stahel n'oublie pas de mettre en valeur les atouts soviétiques. Il montre ainsi que les armements reçus par les troupes soviétiques à l'été 1941 et la résistance de ces unités ont coûté énormément en temps et en hommes à l'armée allemande. Il décrit ainsi comment l'Armée rouge s'est beaucoup mieux battu qu'on ne l'a répété par la suite. La supériorité technique des KV1 et des T34 jouent également en faveur des Russes.


Le passage en revue des déficiences allemandes est impitoyables et pour l'auteur l'inaptitude des responsables allemands à reconnaître leurs erreurs et à les corriger signent leurs pertes. Il ajoute meme qu'aprés août il est déjà trop tard pour apporter les corrections et les changements nécessaires afin de renverser la situation.


Ce livre est une contribution importante à l'étude du front de l'Est durant la Seconde Guerre mondiale. C'est un outil de travail indispensable puisqu’il dispose d'un impressionnant appareil de note et d'une bibliographie conséquente. Il contient également une centaine de communiqués ou d'extraits de journaux de généraux allemands qui montrent que ces derniers doutent rapidement de la possibilité des forces allemandes à venir à bout de l'Armée rouge.


Pour Stahel, les victoires allemandes de la fin 1941 et de 1942 sont donc trompeuses. Elles affaiblissent toujours un peu plus un potentiel militaire que l'économie et la démographie allemandes sont incapable de reconstituer. Les insuffisances n'apparaissent au grand jour qu'à l'occasion des grandes défaites de Stalingrad et Koursk en 1943.


La thèse que défend Stahel est convaincante. Le seul fait qu'il démontre les faiblesses de l'armée allemande et les causes de son échec en s'appuyant sur un ensemble documentaire riche justifie amplement la lecture de son livre.

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communismeetconflits - dans Union soviétique et Russie
13 février 2013 3 13 /02 /février /2013 09:21

Renaud Thomazo, Morts aux bourgeois ! Sur les traces de la bande à Bonnot, Larousse, Paris, 2007.

 

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Le livre de Renaud Thomazo a pour ambition de faire le récit de l'épopée de la Bande à Bonnot, ces bandits tragiques qui firent peur à la France de 1912. L'ouvrage qui veut mêler rigueur historique et récit romanesque débute par le hold-up de la rue Ordener du 21 décembre 1911 et se termine par la mort de Jules Bonnot à Choisy-le-Roy quelques mois plus tard à l'issue d'un siège où les autorités firent appel à l'armée pour mettre hors d'état de nuire un individu seul.


L'auteur s'appuie essentiellement pour son récit sur les journaux de l'époque, les archives de la Préfecture de police de Paris et les récits de militants libertaires comme Victor Serge ou Rirette Maitrejean. Le résultat est d'une bonne qualité puisque le livre se lit comme un roman policier exposant la chronologie des faits et faisant le portrait des différents protagonistes sans oublier de relater de multiples anecdotes tirées des dossiers de la police. Le lecteur découvrira ainsi le fonctionnement de la police parisienne de l'époque mais également la vitalité du mouvement anarchiste de la Belle Époque puisque l'auteur prend soin d'exposer les facettes de ce courant protéiforme que ce soit la propagande par le fait, le syndicalisme révolutionnaire ou les milieux libres. En revanche l'ouvrage ne comporte pas ou peu d'analyses approfondies sur le contexte sociale et politique de l'époque.


Si Mort aux bourgeois apportera peu aux spécialistes de l'anarchisme ou de la Bande à Bonnot, il est un exemple réussi d'ouvrage de vulgarisation c'est à dire alliant l’exigence du travail d'historien et la nécessité d'un récit clair et accessible à tous. Sur ce point le pari est réussi et l'ouvrage est une excellente introduction pour connaître et appréhender un moment où histoire politique et criminelle s’entremêlent et qui reste toujours vivace dans la mémoire nationale.


Ceux qui veulent aller plus loin dans la connaissance des milieux anarchistes avant 1914 peuvent lire également avec profit le livre d'Anne Steiner Les En-dehors que nous avons déjà chroniqué.

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communismeetconflits - dans Divers
12 février 2013 2 12 /02 /février /2013 09:13

François Audigier, Histoire du S.A.C. Service d'Action Civique, la part d'ombre du gaullisme, Paris, Stock, 2003.

 

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Le Service d'action civique, plus connu sous son acronyme du SAC, est une des organisations les plus fantasmatiques de la V° République. Il a hanté les nuits des militants de gauche des années 1970 qui craignaient que l'arrivée de la coalition PS-PC-MRG au pouvoir ne se termine comme l'expérience Allende au Chili. Organisation de statut privé mais ayant des liens très étroits avec l'appareil d'État gaulliste, il avait au mieux l'image d'une garde prétorienne au pire celle de possibles escadrons de la mort à la française. Même l'extrême-droite dénonçait une organisation qui ne pouvait être que l'instrument de la CIA ou du KGB selon les moments. Ces images terrifiantes ont été entretenu par une presse à sensation, où la vérité des faits est de peu d'importance, et pour qui le SAC était un sujet vendeur et inépuisable.


Écrire une histoire scientifique du SAC semblait donc une gageure mais le défi a été brillamment relevé par François Audigier, maitre de conférence à l'université de Nancy II, dont l'étude permet de donner sa juste place au SAC au sein de l'histoire du gaullisme et plus largement de l'histoire politique française. Il raconte pour la première fois l'histoire de ce service d'ordre gaulliste, de sa naissance à sa fin tragique avec la tuerie d'Auriol en 1981.


Si le SAC voit le jour officiellement en 1959, son origine remonte à l'après-guerre et plus particulièrement au service d'ordre du RPF. A une époque où les communistes français n'hésitent pas à faire le coup de poing pour empêcher les réunions de ses adversaires la formation d'un solide service d'ordre est une nécessité. C'est au sein de ce SO que se rencontrent des hommes aux profils particuliers. Ils ont connu la clandestinité durant la guerre et ont beaucoup de mal à retourner à la monotonie de la vie civile. Ils partagent surtout un solide anticommunisme et n'hésitent pas à lier des relations troubles avec des hommes du Milieu afin de recruter des spécialistes du coup de poing à opposer aux communistes.


François Audigier montre qu'au moment de la guerre d'Algérie, l'organisation fut profondément divisée et que sa direction décida alors de ne pas l'impliquer dans la lutte contre l'OAS. Cette neutralité permettra plus tard d'intégrer au sein du SAC d'anciens activistes de l'OAS dont l'antigaullisme le partage avec l'anticommunisme.


Le livre de François Audigier relate en détail les dérives mafieuses du SAC, les idées et les méthodes de l'organisation, son rôle-clef lors des événements de mai 1968. Le lecteur suit de manière précise les dérives d'une organisation où, si certains sont des gaullistes authentiques attachés à l’œuvre du Général, beaucoup sont des aventuriers et des malfrats qui pensent échapper à la justice en rendant service au pouvoir en place ou des militants d'extrême-droite qui lorgnent plutôt du coté de Pinochet que de Pompidou.


La sordide affaire de la tuerie d'Auriol, règlement ce compte à la fois politique et crapuleux, où une famille entière est assassinée clôt cette triste épopée. Cette plongée dans les marges sombres du gaullisme fait revivre de manière vivante cette période de l'histoire politique française où l'utilisation de la violence physique faisait encore partie des répertoires d'actions utilisées par les partis y compris ceux de la majorité parlementaire.

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communismeetconflits - dans Fascisme-antifascisme
11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 09:11

Tristram Hunt, Engels, le gentleman révolutionnaire, Flammarion, Paris, 2009.

 

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Tristram Hunt dès les premières pages de la biographie qu'il consacre à Friedrich Engels constate que ce dernier est encore marqué du sceau de l'infamie liée aux crimes de masse perpétrés par les États communistes, tandis que Marx est peu à peu sortie de ce purgatoire. pour prendre à nouveau la figure d'un visionaire par temps de tempete financière. Dans cette biographie, Hunt veut à la fois montrer Engels en tant qu'homme avec ses forces et faiblesses mais aussi le défendre contre les calomnies dont il fut la victime. Il est vrai qu'à la lecture de l'ouvrage le lecteur retient l'image d'un Engels à la fois fin politicien mais aussi amateur de bons vins et de chasse à courre.


Mais le plus fascinant dans la vie d'Engels est la double vie qu'il mène durant des années. Né en 1820 dans une famille de riches fabricants de textile, le jeune Engels est envoyé parfaire sa formation dans une succursale de l'entreprise familiale à Manchester. Mais le jeune homme préfère la littérature et la philosophie, notamment celle d'Hegel, ce qui le conduit à avoir des opinions libérales. Dans l'Angleterre de la Révolution industrielle, Engels découvre la condition ouvrière et ses misères qu'il décrit en 1845 dans La situation des classes laborieuses en Angleterre. C'est ce livre qui attire l'attention de Marx sur Engels. Les deux se rencontrent à Paris et se nouent alors une forte amitié que renforce l'écriture en commun du Manifeste communiste puis l'épisode de la Révolution de 1848. Après l'échec de cette dernière, Marx doit s'exiler à Londres tandis qu'Engels retrouve le giron familial et retourne à Manchester diriger la succursale paternelle. Pendant 19 ans, Engels va gérer l'entreprise en bon capitaliste. Ce travail qu'il déteste lui pèse mais il permet de subvenir aux besoins de la famille Marx alors que Karl rédige Le Capital.


Le lien entre les deux hommes n'est pas seulement pécunier. Engels adore les filles de Marx et il va même jusqu'à endosser la paternité du fils illégitime de Marx. Rejetant le mariage, Engels vit durant des années avec Mary Burns, une jeune irlandaise sans éducation.


Engels apparaît surtout comme un curieux et un touche à tout génial. Il s’intéresse, bien sur, aux conditions de vie de la classe ouvrière mais également au colonialisme, à la question nationale, à l'inégalité des sexes. Il pose alors les bases d'une anthropologie marxiste. Il devient également un spécialiste des questions militaires en s'intéressant à la guerre de Crimée, à la guerre de Sécession ou à la guerre de 1870.


En 1870, Engels prend sa retraite et s'installe à Londres à deux pas du domicile des Marx. Quand Marx meurt en 1883 il prend soin de faire éditer les secondes et troisièmes parties du Capital alors que son appartement devient le centre du socialisme international. C'est lui en effet qui guide les jeunes partis socialistes et sociaux-démocrates et, après avoir été un des responsables de la I° Internationale ,il pose les fondations de la seconde lors de la conférence de Paris en 1889. Engels meurt d'un cancer à Londres en 1895.


Si Engels a pu dans certains de ces écrits justifier la violence et si sa brutalité lors des conflits politiques au sein du jeune mouvement socialiste peutvent anticiper les purges staliniennes, Hunt met en évidence qu'à la fin de sa vie, Engels prône une révolution pacifique et d'essence démocratique. Il insiste surtout sur le fait qu'il ne peut être tenu responsables des crimes qui auront lieu une génération après sa mort.


Si au final l'image d'Engels que livre Hunt est éminemment sympathique, le lecteur ne peut que regretter que cette question du lien entre les écrits d'Engels et le totalitarisme communiste du XX° siècle ne soit pas plus approfondie. Cela aurait certainement donné une ampleur plus forte au propos de l'auteur et hisser le livre au niveau d'un classique.

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communismeetconflits - dans Divers
8 février 2013 5 08 /02 /février /2013 09:25

Fernando Morais, Olga, Revolutionary and Martyr, Grove Press, 2005 (la première édition en portugais date de 1985).

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La figure d'Olga Benario est largement inconnue en France. Née à Munich dans une famille de la bourgeoisie la jeune Olga adhère à 15 ans au jeunesse communistes d'Allemagne où elle fait la connaissance de son premier compagnon Otto Braun. En 1928 quand ce dernier est emprisonné à la prison berlinoise de Moabit, Olga prend la tête d'un petit groupe de jeunes communistes et fait évader Otto avec qui elle s'enfuit en Tchécoslovaquie. Elle rejoint ensuite l'Union soviétique pour suivre les cours de l'Ecole léniniste internationale et travaille au sein de l'appareil de l'Internationale communiste des jeunes. C'est à Moscou, en 1931, que le couple qu'elle forme avec Otto Braun se sépare. En 1934, Moscou envoie Braun en Chine où il devient le conseiller politique et militaire de Mao Tsé-toung.


C'est ainsi que débute la biographie que Fernando Morais a consacré à Olga Benario, une biographie qui est le fruit d'une recherche méticuleuse basée sur la consultation d'archives mais également sur les témoignages de ceux qui ont connu Olga Benario. Le livre a été publié au Brésil en 1985, puis traduit en anglais en 1990. Il a fait également l'objet d'une adaptation cinématographique en 2004 de la part d'un réalisateur brésilien.


Si le destin d'Olga Benario est quasiment inconnu en France, la vie de la jeune allemande est devenue une sorte de légende au Brésil. Olga est entré dans l'histoire brésilienne au moment où le Komintern l'a désigné comme garde du corps du militaire communiste Luis Carlos Prestes, en exil à Moscou depuis 1928. Ensemble ils quittent l'URSS pour le Brésil. Ils s'installent à Rio de Janeiro en janvier 1935 et se marient. Mais à la suite de l'insurrection ratée de novembre 1935, l'équipe du Komintern qui entoure Preste au Bréil est pourchassée par la police du régime de Getulio Vargas. Prestes et Olga Benario sont arrétés en janvier 1936.


Enceinte, Olga n'est pas condamnée à une peine de prison mais, en tant que citoyenne allemande, a l'extradition vers l'Allemagne nazie. Les efforts de ses avocats ne parviennent pas à éviter ce qui équivaut à une condamnation à mort pour la militante communiste dont la mère est juive. Elle est livrée à la Gestapo, comme cadeau du Brésil à Hitler et se retrouve au camp de concentration de Ravensbrück. En février 1942 Olga Benario est transféré au centre d’euthanasie de Bernburg où elle est gazée.


Le lecteur peut regretter l'absence quasi-complète d'Olga dans les chapitres qui traitent de l'insurrection de 1935 et de ses suites. Morais justifie cette absence par l'absence de documents concernant l'action d'Olga durant ces événements. Pourtant les chapitres sur l'insurrection ratée sont précieux puisqu'il n'existe presque aucune étude, exceptée en portugais, sur cette tentative de prise du pouvoir.


Au delà de la figure de l’héroïne écrasée et vaincue, la biographie d'Olga Benario, qui se lit comme un roman d'aventures, nous replonge au cœur d'un monde où la violence politique domine. Le récit de l'insurrection communiste de 1935, dont le souvenir est encore vivace au Brésil, et qui est largement inconnu en France, rend la lecture de ce livre indispensable.

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communismeetconflits - dans Amérique latine
7 février 2013 4 07 /02 /février /2013 09:07

Richard Thurlow, Fascism in Britain, From Oswald Mosley's Blackshirts to the National Front, I.B . Tauris, Londres, 1998.

 

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Richard Thurlow est un pionnier dans l'étude du mouvement fasciste britannique puisque son livre est d'abord paru en 1987. L'édition de 1998 a été notablement augmentée puisque l'auteur a ajouté l'ensemble des chapitres consacrés à l'après-1940. Le livre s'ouvre d'abord par la présentation de cette droite radicale qui émerge au début du XX° siècle et se démarque vite du conservatisme traditionnel. Cette droite se définit essentiellement par son obsession du déclin du pays et des idées antisémites marquées. La critique du système libéral britannique qu'elle produit survit à la Grande Guerre et la condamnation d'une démocratie jugée incapable d'endiguer le déclin de l'Empire est au cœur de la pensée politique que développe ensuite Oswald Mosley.


Mosley est la figure centrale du fascisme à l'anglaise. Député conservateur à 21 ans, il dénonce alors la politique du gouvernement britannique en Irlande et se fait transfuge pour rejoindre en 1924 les rangs du parti travailliste. Quand ce dernier arrive enfin au pouvoir en 1929, Mosley devient secrétaire d'État chargé de s'occuper du chômage. Cette charge conditionne le reste de sa carrière politique. En effet, pour enrayer la montée du chômage au moment où la Grande Dépression touche la Grande Bretagne, Mosley propose des mesures économiques hétérodoxes alliant protectionnisme et lancement de grands travaux dans un cadre dirigiste. La classe politique traditionnelle ignorant ces idées, Mosley quitte le gouvernement en 1931 pour fonder le New Party. Mais les échecs électoraux de ce nouveau parti conduisent rapidement à sa transformation en une organisation qui se revendique ouvertement du fascisme, la British Union of Fascists.


Thurlow montre alors l'originalité de ce parti qui développe un programme cohérent reposant sur le refus de la guerre, le respect de la loi et qui dans certains domaines, notamment la place des femmes, fait preuve d'une certaine modernité. Pour Thurlow, le BUF se démarque des mouvements fascistes continentaux puisqu'il ne considère pas l'emploi de la force comme un instrument politique et seule la nécessité de se défendre contre les attaques physiques de ses adversaires et surtout d'attirer l'attention du public explique l'usage de plus en plus fréquent de la violence par les troupes de Mosley. Le lecteur peut malgré tout regretter que Thurlow n'explique pas vraiment comment Mosley, qui n'est pas antisémite contrairement à d'autres personnalités du BUF, en vient à développe cette thématique de manière récurrente dans ses discours après 1934. Il faut noter que pour les années 1920-1930, Thurlow ne focalise pas toute son attention sur le BUF mais fait également la lumière sur des groupes plus modestes comme le Right Club ou l'Imperial Fascist League


Les chapitres qui traitent du sort des fascistes anglais durant la Seconde Guerre mondiale sont particulièrement éclairant. La plupart des responsables du BUF sont alors internés en application d'un décret qui suspend l'application de l'Habeas corpus bien, comme le reconnaissent les services de sécurité, qu'ils ne représentent aucun danger pour la sécurité nationale.


Mais l'histoire du fascisme britannique ne s'arrête pas avec Mosley et après 1945 se développe en Grande-Bretagne un fascisme conspirationniste et racialiste. Les derniers chapitres du livre traitent du développement dans les années 1970 du National Front puis du British National Party. Thurlow montre ici de manière convaincante l'existence de « traditions » idéologiques communes qui relient le BUF des années 1930 et les formations fascistes des années 1960 à 1980. Il conclut hélas son propos un peu trop hâtivement en affirmant que le durcissement de la politique migratoire par le gouvernement Thatcher et surtout les querelles entre les groupes néo-fascistes ont anéanti les dernières chances d'une résurgence de l'extrême-droite en Angleterre. Depuis la parution de ce livre en 1998 les succès locaux du BNP et l'apparition de l'English Defence League ont démenti cette prédiction optimiste.


Malgré ces imperfections le livre de Richard Thurlow est bien écrit et donne une vision d'ensemble de ce phénomène marginal et mal connu que fut le fascisme britannique. Il a su enfin dépasser la figure emblématique de Mosley et de ses Chemises noires pour embrasser l'ensemble de l'histoire de la mouvance fasciste en Angleterre au long du XX° siècle.

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communismeetconflits - dans Fascisme-antifascisme
6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 08:08

Robin Higham, Frederick W. Kagan (sld), The Military History of the Soviet Union, Palgrave Macmillan, New York, 200,. (nouvelle édition en 2011).

 

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Robin Higham et Frederick Kagan, deux experts de l'histoire des forces militaires russes et soviétiques ont réuni différentes contributions pour brosser une synthèse de l'histoire militaire de l'ancienne Union soviétique. Cette démarche est aussi à l'origine de l'édition de The Military History of Tsarist Russia paru également en 2002.


Les 17 contributions, écrites par des universitaires, ne cherchent pas à donner une histoire de l'armée rouge mais plutôt à analyser la politique, les institutions et la stratégie de l'URSS du point de vue militaire et cette démarche est appliquée de la guerre civile russe jusqu'à la période qui suit immédiatement la chute de l'Union soviétique.


Il faut signalé deux contributions de Frederick Kagan sur l'art opérationnel particulièrement éclairant qui montre l'essor des discussions sur les doctrines de guerre moderne dans l'URSS des années 1920 qui contraste terriblement avec l'atrophie de la pensée et de l'art militaire soviétique à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Le thème du rôle funeste joué par l'idéologie dans les affaires militaires est récurrent tout au long de l'ouvrage. Ainsi c'est l'idéologie qui est à l'origine de la disparition des doctrines sur la guerre de manœuvre avant 1939 et, en dépit des terribles leçons de la Seconde Guerre mondiale où l'art opérationnel a dû être réappris au prix de millions de morts, elle conserve une rôle dominant après 1945. Scott McMichael soutient ainsi de façon convaincante que l'idéologie empêche l'Armée Rouge d'élaborer une véritable doctrine de contre-insurrection en Afghanistan.


Le lecteur peut regretter que la Seconde Guerre mondiale ne fasse pas l'objet d'une partie qui lui soit propre. Le caractère « grandiose » du conflit, l'importance géostratégique de la victoire soviétique et le développement des recherches récentes sur cette période auraient dû justifier un traitement particulier. Au lieu de cela le lecteur doit se contenter de deux contributions qui brossent rapidement le déroulement des opérations. Bien qu'écrites par John Erickson et Frederick Kagan elles ne disent pas un mot sur les grandes batailles de 1944 et 1945 quand l'armée rouge a donné toute la mesure de sa puissance.


L'absence de contributions concernant les forces aériennes soviétiques est à signaler. L'article sur les forces nucléaires stratégiques se résume quand à lui à une chronologie des armements et laisse le lecteur sur sa faim contrairement à l'article sur la marine durant la guerre froide qui montre l'ampleur des débats sur l'utilisation de la flotte au sein de l'amirauté mais également du bureau politique du PC soviétique.


Malgré ces lacunes, l'ensemble des contributions est d'une haute tenue et répond aux critères universitaires et scientifiques. Chaque contribution est accompagnée de notes ainsi que d'une liste des principaux ouvrages en anglais. The Military History of the Soviet Union est un ouvrage de référence indispensable à celui qui veut appréhender l'expérience militaire soviétique.

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communismeetconflits - dans Union soviétique et Russie
5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 08:59

Prit Buttar, Battleground Prussia: The Assault on Germany's Eastern Front 1944-45, Osprey General Military, Osprey Publishing, 2010.

 

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Le livre de Prit Buttar raconte la défense du territoire de la Prusse-Orientale par les forces allemandes de la fin 1944 à mai 1945. Les premiers chapitres décrivent l'histoire de cette région allemande, l'impact de la guerre pour ses habitants et dressent un portrait des personnalités qui jouent un rôle important dans sa défense notamment Erich Koch, le gauleiter de la région. Le reste de l'ouvrage raconte en détail les différentes offensives soviétiques pour s'emparer de la Prusse et les efforts désespérés des forces allemandes pour les repousser et permettre à la population civile de fuir et d’échapper aux exactions.


De l'attaque de Memel à la prise de Königsberg, l'auteur décrit également le siège des villes que Hitler a décidé de transformer en forteresses et qui ont reçu l'ordre de tenir jusqu'à leur destruction totale: Königsberg, Elbing, Danzig, Gotenhafen, Heilgenbeil, Lotzen, Kolberg, Konitz, Bromberg, Fischhausen, Samland, Pillau. Prit Buttar prend soin de donner vie à son récit en y intégrant de nombreux témoignages de ceux qui ont vécu cette terrible bataille que ce soit des civils que militaires. Par ce biais l'auteur cherche à placer le lecteur au plus près du champ de bataille et à éviter de se cantonner à une simple description stratégique des combats. Sur ce plan Prit Buttar montre que l'effort de guerre soviétique se fait souvent dans la confusion et que les principaux choix stratégiques répondent plus à des considérations politiques que militaires.


Prit Buttar met en évidence tout au long de son récit les erreurs et les négligences des autorités civiles et militaires allemandes qui n'autorisent l'évacuation des civils qu'au dernier moment alors qu'il est déjà trop tard ou qui refusent d'évacuer les troupes enfermées dans les poches de Courlande, troupes qui permettraient de renforcer le front en Prusse. L'erreur la plus funeste fut certainement de forcer les troupes à défendre jusqu'à la mort une soi-disant forteresse au lieu de les retirer à temps et en bon ordre. Si l'auteur n'avance pas l'hypothèse que cette mesure aurait pu stopper les Soviétiques il montre néanmoins qu'elle aurait pu rendre la conquête de la Prusse plus coûteuse en vie humaine pour les Russes. Les ordres contradictoires d'Hitler jouent aussi un rôle important pour expliquer les pertes humaines de cette défense de la Prusse-Orientale.


Le livre montre aussi l'importance du contrôle de la mer Baltique pour chaque camp. Pour les Allemands la voie maritime représente alors le seul moyen de communication pour ravitailler troupes et les civils coincés en Prusse-Orientale et dans les pays baltes. Les efforts soviétiques pour obtenir la maîtrise de la mer et qui se traduisent par le torpillage de dizaines de navires allemands dont le Wihlelm Gustloff, montrent, côté soviétique l'importance de la guerre navale sur le front de l'Est.


Le livre est d'une lecture facile et extrêmement détaillée. L'auteur quand à lui se veut impartial dans le traitement de son sujet. Ainsi s'il décrit les atrocités soviétiques contre les civils, notamment le massacre de Nemmensdorf, il prend soin de les contextualiser et de ne pas décrire de manière sombre l'ensemble de l'armée soviétique. Pourtant le lecteur ne peut que regretter que le sujet ne soit la plupart du temps vue que du seule côté allemand et rarement côté soviétique, le déséquilibre dans les sources utilisés est aussi patent.


Battleground Prussia est au final un ouvrage qui donne une foule de détails sur un front généralement négligée comparativement au traitement de l'opération Bagration ou de la prise de Berlin. Un regret concerne les cartes qui accompagnent le récit. Une douzaine de carte de piètre qualité c'est bien peu pour suivre les opérations et les combats qui ont pour théâtre une région dont la géographie est largement méconnue du lecteur.

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9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

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