Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 juillet 2013 1 29 /07 /juillet /2013 07:52

Christophe Nick, Les Trotskistes, Fayard 2002.

Le Vieux et ses disciples

Le livre de Chistophe Nick se veut une étude fouillée de cette famille politique éclatée qu'est le trotskisme. Jusqu'aux révélations sur la jeunesse de Lionel Jospin, les trotskistes sont restés largement méconnus, les seuls ouvrages les concernant venant soit de leur camp soit de celui de leurs adversaires acharnés, les communistes orthodoxes.

 

Nick, s'appuyant sur de nombreux témoignages et entretiens, cherche à montrer le développement du trotskisme sur le plan mondial mais aussi en France à travers ses multiples péripéties et ses encore plus nombreuses chapelles. Il y a donc ici deux récits qui se recoupent parfois: celui de la vie de Trostky et de ses héritiers et celui des divisions et querelles parmi ses disciples français.

 

L'auteur résume bien les différentes étapes de la vie de Trostky sans oublier ses aspects les plus sombres, notamment la dissolution de l'Assemblée constituante, la militarisation du travail ou la répression de la révolte de Cronstadt. Le parcours de Trotsky est bien connu notamment grace aux travaux de Pierre Broué et ces chapitres du livre de Nick sont certainement les moins intéressants.

 

Ce qui l'est plus ce sont les parties sur le trotskisme français. Nick parvient à relater de manières relativement claires les querelles de chapelles et à décrire les différents groupuscules sans que le lecteur ne se perde pas trop. Il met en évidence ce qui sépare la Ligue communiste révolutionnaire devenue le Nouveau parti anticapitaliste, du Parti des travailleurs qui lui aussi s'est transformé en Parti ouvrier indépendant sans oublier Lutte ouvrière rendue célèbre par Arlette Laguiller. Il se penche également sur les grands thèmes liés au trotskisme: l'entrisme ou la lutte armée. Concernant l'entrisme le lecteur peut regretter que l'auteur ne voit que l'écume du phénomène. En effet l'ouvrage livre les portraits des personnalités politiques et médiatiques qui sont passés par le moule trotskiste mais l'on aurait aimé qu'il donne, même approximativement, le nombre des gens passé par le trotskisme, ces ex-trotskistes toujours dans l'anonymat. Cela aurait enlevé au trotskisme l'image donnée d'excellente école de formation en sciences politiques ou en communication, un sas pour élite parisienne.

 

Le livre, disons-le, a également mal vieilli. La faute n'en revient pas à l'auteur. Il termine son récit en 2002, à l'aube d'une décennie prolixe en mutation et bouleversement au sein de l'univers trotskiste qui ne sont, bien entendu, pas pris en compte.

 

Le lecteur peut aussi regretter la faible place donner à LO dans l'ouvrage et au contraire un certain favoritisme pour les groupes les moins sectaires et ceux nés après 1968. Malgré ces défauts le livre de Chistophe Nick se lit comme un roman d'aventures, une saga d'un mouvement politique qui a traversé le XXe siècle et ses bouleversements sans rien perdre de son pouvoir de fascination.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
26 juillet 2013 5 26 /07 /juillet /2013 07:45

Dirk Schumann, Political Violence in the Weimar Republic, 1918-1933, Berghahn Books, 2009

La fin d'une république: Weimar et la violence politique

La République de Weimar fut constamment ébranlée par une violence politique endémique de sa naissance à sa fin. Le livre de Dirk Schumann, paru en allemand en 2001, contrairement à son titre, ne traite pas de la violence politique dans toute l'Allemagne mais uniquement dans la province prussienne de Saxe.

 

En se penchant sur cette province pour étudier les différentes formations paramilitaires de droite et de gauche qui se combattent dans les rues de l'Allemagne durant une décennie, l'auteur permet de se faire une idée plus juste de ce phénomène et de remettre en cause certaines idées. Il montre ainsi que cette violence politique varie par son caractère et son intensité dans le temps. La première phase est celle qui suit la fin de la Grande Guerre quand les actions révolutionnaires entrainent une sévère répression et plonge l'Allemagne à plusieurs reprises au bord de la guerre civile. De 1923 à 1929 la violence politique entre dans une seconde phase. Plus limitée elle se fait aussi plus insidieuse en demeurant un moyen d'action utilisé aussi bien par les groupes de combat de droite et de gauche qui s'affrontent pour contrôler les rues. Avec la crise économique elle prend une ampleur jamais connue opposant le plus souvent les nazis aux communistes.

 

L'auteur montre que l'idée que les violences de l'époque de Weimar sont la conséquence de la révolution bolchevique est largement un mythe. Les communistes allemands sont loin d'avoir la puissance que leur accorde la propagande de la droite qui joue sur la peur d'une insurrection communiste largement improbable et minimise les violences nazies contre la gauche. C'est là une tactique cynique pour justifier l'installation d'un régime autoritaire.

 

Il met à mal la thèse de la brutalisation qui fut en vogue il y a une dizaine d'années. En effet la majorité des personnes impliquées sont trop jeunes pour avoir combattu dans les tranchées. Pour l'auteur c'est plus l'extrémisme idéologique qui explique la violence politique plutot que l'expérience d'une guerre où peu se sont battus. Néanmoins une forme de militarisme se retrouve dans la propagande, les discours et la culture politique de la gauche et de la droite.

 

Pour l'auteur la République de Weimar n'est pas condamnée dès sa naissance. Ce qui l'a tué c'est l'attitude d'une élite de droite qui l'a livré à Hitler et la montée d'une demande d'un pouvoir fort dans une partie de la bourgeoisie notamment en raison d'une peur panique face aux communistes et aux sociaux-démocrates.

 

Si l'ensemble du livre est d'une grande richesse il appelle néanmoins une remarque. Si l'auteur montre que les auteurs des violences politiques n'ont pas combattu durant la Grande Guerre il n'en demeure pas moins que la guerre a brutalisé la société allemande et que le lien avec la culture politique sous Weimar est à nos yeux indéniable. Néanmoins voilà un livre incontournable pour appréhender l'histoire de la République de Weimar et la place de la violence et des formations paramilitaires dans l'Europe de l'entre-deux-guerres.  

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
24 juillet 2013 3 24 /07 /juillet /2013 08:00

"Les Insurgés", film américain d'Edward Zwick, 2008.

 

 

Victimes d'Hollywood

Voici un film qui repose sur une histoire authentique. Celle des trois frères Bielski qui se cachent dans les forets de Biélorussie pour échapper aux Allemands après l'invasion de l'URSS de juin 1941. Ils survivent grâce à leur connaissance des bois et sont peu à peu rejoints par d'autres Juifs qui fuient les rafles des nazis. Rapidement les trois frères se trouvent à la tête d'une véritable petite communauté de près de 1 200 personnes. Ils doivent alors affronter différents problèmes pour nourrir, protéger du froid cette petite troupe et cela dans un environnement hostile, non seulement du fait des Allemands, mais aussi de groupes de partisans russes antisémites.

 

Le sujet est original et pourrait être l'occasion d'une vraie réflexion sur l'horreur de la guerre, le courage des humbles ou plus simplement apporter une analyse historique sur le sort des Juifs en URSS. Hélas le film enchaîne les tirades sur la liberté ou la foi et cherche à transformer l'héroïsme du quotidien en scènes à grand spectacle. Daniel Craig, le héros principal, apparaît sans failles en Robin des Bois qui ne semble jamais ni douter, ni connaître de faiblesses.

 

Le spectateur féru d'Histoire ne pourra également que regretter que le réalisateur ne profite pas de son sujet pour montrer plus longuement les débuts du génocide des Juifs, bien que la Shoah par balles soit évoqué. Il pourra regretter aussi que les réactions et le sort de la population biélorusse soient oubliés notamment en faisant l'impasse sur les phénomènes antisémites.

 

Voici donc un film qui ne restera pas dans les mémoires alors que le sujet traité mériterait largement qu'il en soit ainsi. Il aurait certainement fallu pour cela avoir le talent du Spielberg de La liste de Schindler ou de Polanski avec Le Pianiste.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 07:44
La bataille de Xuan Loc

Pour sa troisième livraison de juillet le blog L'autre coté de la colline publie un excellent article de Stéphane Mantoux sur la bataille de Xuan Loc. Largement méconnue cette bataille aux portes de Saïgon en avril 1975 sonne le glas du Sud-Vietnam. Un conflit de 30 ans et alors sur le point de prendre fin. Un article complet et passionnant.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 08:10

"L'assassinat de Trotsky", film britannique, italien et français de Joseph Losey, 1972.

La mort du fondateur de l'Armée rouge

Le film de Joseph Losey se penche sur les derniers mois de la vie de Léon Trotsky et sur les circonstances de son assassinat par Ramon Mercader en 1940. A l'époque de sa sortie Losey est connu comme membre du Parti communiste américain et n'hésite pas à utiliser ses films pour faire passer ses idées, ce qui lui vaut un exil en Grande-Bretagne à l'époque du maccarthysme. Malgré ces convictions le réalisateur ne fait pas là un film politique mais plutot une œuvre impartiale qui cherche à présenter le plus fidèlement possible les faits qui conduisent à la mort de Trotsky.

 

La force du film réside d'abord dans son casting réunissant quelques-unes des grandes stars internationales du début des années 1970. Richard Burton est particulièrement convaincant dans le rôle de Trotsky présenté comme un être brillant, intelligent et cultivé. Alain Delon joue un Ramon Mercader moins convaincant tandis que Romy Schneider campe celle qui a permis à l'assassin de s'approcher du fondateur de l'Armée rouge.

 

Le film retrace les derniers mois de Trotsky, un homme qui réfléchit sur le monde et son évolution, qui affine sa pensée et son œuvre. Mais ce travail intellectuel se déroule dans un climat paranoïaque. Trotsky est en effet reclus, enfermé. Il vit dans le dénuement entouré par de nombreux gardes du corps. Derrière le brillant intellectuel, Losey montre ainsi l'homme traqué attendant la mort. Il faut toute l'habileté et l'art de la dissimulation pour que Mercader réussissent là où une attaque en force à échouer.

 

A l'époque l'image d'un Trotsky résigné au sort qui l'attend déplu aux trotskystes tandis que les communistes orthodoxes dénoncèrent un film qui met en évidence la responsabilité soviétique dans le meurtre.

 

Voici donc un film sans fioritures qui ne peut que déconcerter par son rythme assez lent le spectateur moderne. Mais les amateurs apprécieront certainement cette reconstitution particulièrement réussie notamment grace àla formidable prestation de Richard Burton qui campe un Trotsky tragique et lucide à la fois.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
17 juillet 2013 3 17 /07 /juillet /2013 08:01

 

"Frères de sang", film sud-coréen de Je-kyu Kang, 2005.

 

 

La guerre de Corée à l'écran

L'idée à la base du film est simple, voire simpliste et déjà largement utilisée: deux frères se battent dans des camps opposés lors d'une guerre civile. Ici la guerre civile en question est celle qui ensanglante la Corée de 1950 à 1953 sur fond de guerre froide. Malgré le manque d'originalité du pitch le film est réussi avec des scènes d'un grand réalisme. Il est vrai qu'il a couté plus de 13 millions de dollars avec plus de 25 000 figurants et que la production a fait appel à des historiens pour vérifier la vraisemblance des scènes.

 

Par le biais de destins d'anonymes le film pose la question de la folie guerrière et des choix individuels face à la guerre civile. Il évoque l'histoire de Jin-suk un vieillard qui reçoit cinquante ans après la fin du conflit un appel de l'armée concernant son frère disparu. A partir de là, sur le mode du flash-back, le réalisateur retrace l'histoire des deux frères originaires de Séoul qui se retrouvent enrôlés dans l'armée au moment de l'invasion par les troupes du Nord. L'histoire déroule ensuite les grandes phases de la guerre de Corée. La résistance à l'invasion afin de permettre l'arrivée des renforts américains puis l'offensive victorieuse contre les communistes et enfin l'arrivée massive des volontaires chinois. Les aspects les plus sombres du conflit ne sont pas dissimulés comme le traitement brutal des civils par les troupes du Nord mais aussi la cruauté des soldats du Sud qui abattent froidement les prisonniers.

 

Ce film s'inscrit pleinement dans la lignée des films de guerre hyper-réalistes ou le spectateur est plongé au cœur de l'action, un style inaugurée il y a une quinzaine d'années par Steven Spielberg dans Il faut sauver le soldat Ryan. L'histoire est crédible, équilibrée appuyés par des scènes de combats intenses et impeccables. A film à voir sur une guerre encore mal connue en France.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
15 juillet 2013 1 15 /07 /juillet /2013 08:00

 

Guerres et Histoire, n°13, juin 2013.

Du Ghetto de Minsk à la Bolivie

Le nouveau numéro de Guerres et Histoire, magazine qui en moins d'un an est devenu une référence incontournable dans la presse de vulgarisation sur l'Histoire militaire, réussit toujours à allier diversité et nouveauté dans les sujets traités.

 

Pour ce qui concerne l'histoire du communisme, deux articles n'ont pas manqué d'attirer notre attention. Le premier est un entretien passionnant mené avec Leonid Okoun, jeune adolescent juif de Minsk. Ce dernier retrace de manière sobre son incroyable destin qui le mène, après l'entrée de la Wehrmacht à Minsk, du ghetto aux groupes de partisans puis dans les rangs de l'Armée rouge. Il ne cache rien de la misère des partisans, ni de l'antisémitisme qui gangrène leur rang. L'interview est accompagnée d'encadrés qui permettent de préciser certains points du témoignage et d'une bonne bibliographie.

 

Le second article que nous tenons à signaler est celui que consacre Thierry Noël à l'échec de la guérilla bolivienne qui aboutit à la mort de Che Guevara en 1967. L'auteur souligne à juste raison les faiblesses de la tentative guévarienne d'implanter un foco révolutionnaire dans un pays et une région qui ne correspondant pas aux critères que le Che a lui même défini. Il réévalue aussi le rôle de l'armée bolivienne qui fait la preuve de son efficacité dans la traque et la capture du Che. Mais cette armée commet néanmoins une erreur, celle d'exécuter le compagnon de Castro et de lui donner une aura mythologique.

 

Il y a bien sur de nombreux autres articles dans ce numéro avec un dossier central sur l'année 1813. Voici donc une excellente lecture pour l'été, à la plage ou sous l'ombre d'un arbre.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 07:34

2e Guerre Mondiale, n° 49, Juillet-Aout 2013

Une excellente lecture

Le dernier numéro montre que le magazine 2e Guerre Mondiale tient ses promesses et se positionne comme le meilleur périodique grand public consacrée à cette période.

 

Le nouveau numéro s'ouvre par les souvenirs d'un ancien SS sur les combats d'Halbe. La facture est classique et les amateurs apprécieront. La chronique de Vincent Bernard sur le concept d'histoire-bataille montre tout l'intérêt qu'il y a à réfléchir sur les modalités de l'écriture de l'histoire militaire. Voilà deux pages intellectuellement stimulantes.

 

L'article de Stéphane Mantoux sur les commandants d'armées blindées soviétiques permet de donner de la chair et de la vie à un encadrement trop largement méconnu et qui a joué un rôle crucial dans la victoire finale de l'Armée rouge. Cet article apparaît comme un utile prologue au dossier que Stéphane Mantoux consacre à la bataille de Prokhorovka. Le sujet est bien connu mais l'auteur en s'appuyant sur des recherches historiques récentes, notamment russes, donne un nouveau relief à cet engagement de blindés. Il livre aussi un intéressant article historiographique sur cette bataille qui montre que c'est l'ensemble de la guerre germano-soviétique qui mériterait d'être réécrite, notamment à destination du public francophone.

 

Vient ensuite un article de Franck Segretain sur la place du PCF dans la Libération de la France en 1943-1944. Félicitons l'auteur pour avoir réussi le tour de force de donner une synthèse claire, à jour et nuancée de la politique communiste dans cette période cruciale tout en abattant certaines légendes. Un excellent article qui montre tout l’intérêt de ne pas se cantonner aux seuls aspects militaires d'un conflit qui fut aussi idéologique et civil. Un seul regret, l'absence d'une bibliographie pour accompagner cet article.

 

Benoit Rondeau nous entraîne dans la grande stratégie, celle qui prend la planète comme terrain lorsqu'il analyse de manière fine les conséquences de la décision américaine de concentrer leurs forces en priorité contre l'Allemagne, notamment sur le déroulement des combats dans le Pacifique. Passionnant.

 

Nous ne pouvons passer sous silence l'article de Jean-François Muracciole sur les effets moraux du bombardement stratégique, ni les rubriques habituelles du magazine. Notons l'apparition d'une nouvelle rubrique particulièrement bienvenue qui se donne pour tâche l'analyse de films consacrés à la Seconde Guerre, ici « Tobrouk un commando pour l'enfer. »

 

Au total un excellent numéro qui sort des sentiers battus par les sujets et la façon de les traiter. Nous ne pouvons que l'encourager à continuer à fournir des articles qui dépassent le cadre strictement militaire de la Seconde Guerre mondiale, et cette dernière dépasse largement les frontières du champ de bataille. Bravo !

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 07:30

Nous publions depuis hier sur le blog collectif, désormais bien connu, L'autre coté de la colline, un article sur les affrontements entre communistes et nazis à Berlin entre 1929 et 1933.

 

 

Cet article signale la volonté des animateurs du blog d'ouvrir ce dernier à des thématiques plus larges que la seule histoire militaire stricto-sensu. L'histoire des conflits civils et de la violence politique doit ainsi trouver sa place à coté de sujets plus militaires. 

 

 

Communistes contre nazis dans les rues de Berlin
Partager cet article
Repost0
communismeetconflits
10 juillet 2013 3 10 /07 /juillet /2013 08:08

Zheng Wang, Never Forget National Humliation: Historical Memory in Chinese Politics and Foreign Relations, Columbia University Press, 2012.

Communisme, nationalisme et mémoire nationale en Chine

A l'heure où la Chine s'impose comme une puissance mondiale il est loisible de s'interroger sur la manière dont le Parti communiste maintient sa domination sur ce pays-continent. Il est indéniable que les réformes économiques de l'ère Deng Xiaoping ont permis une croissance économique exceptionnelle et le développement d'une certaine prospérité. Mais les événements dramatiques de 1989 ont montré aux dirigeants que les seules performances économiques sont insuffisantes pour assurer la légitimité du régime. Le Parti a donc cherché à se présenter comme le seul représentant des intérêts nationalistes chinois face à une communauté internationale présentée et perçue comme hostile.

 

Zheng Wang étudie la façon dont le PCC a réussit cette quête en légitimité nationaliste. Car il a parfaitement réussi à obtenir le soutien nationaliste de la population, surtout dans la jeunesse et y compris parmi les jeunes diplômés qui ont fait leurs études aux États-Unis et en Europe. Cette réussite repose sur l'exploitation l'extrême sensibilité des Chinois envers ce qu'ils considèrent comme un passé humiliant à l'époque où les grandes puissances impérialistes imposées leur domination à l'Empire du Milieu. Le PC n'a plus qu'à insister sur ces humiliations passées pour mieux mettre en valeur la puissance chinoise contemporaine.

 

L'auteur explore, après une analyse théorique du rôle de la mémoire historique dans la politique intérieure et internationale des États, les différentes façons dont la Chine impériale, la République puis le régime de Mao ont essayé de construire une identité nationale basée sur ce passé de honte. Puis il démontre l'impact de cette mémoire institutionnalisée sur les relations extérieures de la Chine notamment avec le Japon et les États-Unis. Elle est souvent une clef pour comprendre la manière dont les Chinois réagissent lors des moments de tension quand ils estiment subir un affront comme lors du bombardement de leur ambassade à Belgrade en 1999 ou à propos de la souveraineté des îles de Senkaku disputée avec le Japon.

 

Voici donc un livre qui plonge dans la mémoire historique chinoise et qui démontre de façon argumentée son instrumentalisation par un PCC qui joue sur la fibre nationaliste pour asseoir sa légitimité dans un pays qui ne cesse de s'ouvrir au monde. L'exposé chronologique et une écriture claire permettent au lecteur peu familier de la Chine de ne pas trop se perdre. Nous pouvons juste regretter que l'auteur ne mentionne jamais la possible existence en Chine de phénomène de rejet de l'exploitation de la mémoire par le PCC. Dans un pays aussi vaste et divers où l'accès à Internet est de plus en plus libre il serait étonnant que n'existe pas un courant critique même très minoritaire.

Partager cet article
Repost0
communismeetconflits

Présentation

  • : Communisme, violence, conflits
  • : Blog destiné à publier des articles et travaux historiques concernant les relations entre communisme et violence au XX°siècle. Ce blog est ouvert à ceux qui voudront publier articles, notes, annonces de publications, de colloques ou autres concernant ce champs d'étude historique.
  • Contact

L'autre coté de la colline

bannerfans 6509167

Rigueur historienne et clarté du propos. A ne pas manquer !

Recherche

Publications de David FRANCOIS

GuideICSerge Wolikow, Alexandre Courban, David François, Christian Oppetit, Guide des archives de l'Internationale communiste, 1919-1943, Archives nationales-MSH Dijon, Paris-Dijon, 2009. 

9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

Archives