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17 décembre 2012 1 17 /12 /décembre /2012 09:09

David E. Murphy, Ce que savait Staline : l'énigme de l'opération Barberousse, Stock, Paris, 2006.

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Voici un livre dont le sujet n'est pas nouveau puisqu'il s'interroge sur le niveau de connaissance des intentions d'Hitler par Staline à la veille de l'invasion de l'Union soviétique par l'Allemagne nazie. Sur cette question, objet de nombreux commentaires, la vulgate traditionnelle insiste sur le fait que Staline a fait jusqu'au bout confiance à Hitler et qu'il a ainsi écarté délibérément toutes les renseignements mettant en cause cette confiance. Sur ce point le livre de l'ancien chef des opérations de la CIA vers l'URSS, David E. Murphy, qui s'appuie sur des archives soviétiques, n'est pas une révolution. Il explique ainsi longuement que de la défense aérienne à la direction des transports, tous les services de l’État soviétique répétaient la même chose: les Allemands vont attaquer l'URSS et tous donnaient à peu près la même date.


L’antenne du GRU, les renseignements militaires, à Berlin, était assez prolifique sur le sujet, vu qu’elle disposait d’un agent double au ministère allemand des affaires étrangères sous nom de code Ariets, qui signala dès le 29 septembre 1940, qu’Hitler avait l’intention d’attaquer l’URSS. Ariets récidiva en décembre 1940, informant les Soviétiques que les Allemands s’apprêtaient à attaquer l’URSS au printemps 1941. Sur les injonctions de Filip Golikov, chef du GRU, Ariets, le 28 février 1941, alla même jusqu’à donner l’ordre de bataille allemand pour l’opération Barbarossa.


Le livre fourmille ainsi de faits et anecdotes qui, rassemblés et avec le recul de l’histoire, montrent combien les préparatifs de l’invasion allemande étaient connue des Soviétiques puisque les détails donnés proviennent souvent de leurs rapports de renseignements, issus de multiples sources. Richard Sorge fut donc loin d’être le seul à prévenir Staline du danger. Britanniques et Américains mirent aussi au courant les Soviétiques des projets allemands.


Le livre de Murphy apporte donc en fait peu de révélations concernant les renseignements à la disposition de Staline mais il souligne que ces derniers sont le plus souvent aseptisés, corrigés et même dissimulés par les principaux responsables du renseignement soviétique que ce soit Béria, le chef du NKVD, ou Golikov le parton du renseignement militaire, le GRU. Le motif de ce comportement n'est autre que la flagornerie qui régnait alors dans l’entourage du dictateur et la crainte de le mécontenter. Devant la multiplication des informations sur l’imminence de l’invasion, venant de sources très variées, Staline s’est donc entêté à ne pas voir la vérité en face.


Mais David Murphy, s'appuyant sur les archives du Bureau Ribbentrop nous donne, peut-être, une nouvelle et inédite raison de cette incroyable cécité stalinienne. En effet, les Allemands disposaient d’un agent double, Orest Berlinks, un letton, qui depuis août 1940, avait été infiltré dans l’entourage d’Amiak Koboulov, agent du NKVD et, surtout, frère de Bogdan Koboulov, l’un des lieutenants les plus proches de Beria. Berlinks aurait alors intoxiqué Amiak Koboulov et par ricochet le clan Beria et Staline sur l’improbabilité d’une attaque allemande. Murphy souligne, que les Soviétiques, ne découvrirent l’existence de ce Berlinks, qu’en 1947. Peut être est-ce là l'explication d'un des grands mystères du second conflit mondial.


Plus surprenant encore, Murphy nous apprend l'existence d'une correspondance directe entre Staline et Hitler et montre que ce dernier joua également, avec une habileté remarquable, avec les tendances paranoïaques du dictateur soviétique pour mieux l'intoxiquer.


En définitive Murphy démontre que le seul responsable du désastre qui suivit le déclenchement de l'opération Barbarossa n'est autre que Staline, qui après avoir décapité l'Armée rouge fit trop souvent confiance à Hitler. Mais il ne s’arrêta pas là et pendant que la Wehrmacht déferlait sur l'URSS il a fait arrêter et exécuter de nombreux officiers sous l'accusation d'avoir trafiqué les rapports de renseignements concernant les préparatifs allemands contre l'Union soviétique.


Si le lecteur peut regretter certaines longueurs et répétitions, l'ouvrage de Murphy est incontournable, par la masse de renseignements qu'il donne, sur les débuts de la guerre à l'Est même si le livre de Gabriel Gorodestsky, Le Grand Jeu de Dupes, reste irremplaçable sur le sujet.

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GuideICSerge Wolikow, Alexandre Courban, David François, Christian Oppetit, Guide des archives de l'Internationale communiste, 1919-1943, Archives nationales-MSH Dijon, Paris-Dijon, 2009. 

9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

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