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22 janvier 2013 2 22 /01 /janvier /2013 09:16

Michael Kellogg, The Russian Roots of Nazism : White Emigre and the Making of National Socialism, 1917-1945, Cambridge University Press, Cambridge, 2005.

 

The Russian Roots of Nazism

Le livre de Michael Kellogg est ambitieux puisqu'il vise à réécrire l'histoire des origines intellectuelles du national-socialisme. Il se concentre sur les liens intellectuels mais également militants qu'entretient le jeune mouvement nazi avec certains émigrés russes à Munich entre 1919 et 1923. Pour lui c'est par le biais de ces Russes qu'Hitler a hérité du concept de judeo-bolchevisme ainsi que de sa vision apocalyptique des destinées du monde. Le rôle joué par les émigrés blancs dans la genèse du nazisme n'est pas une nouveauté historiographique puisque au moment de la célèbre Historikerstreit, « querelle des historiens », ce lien est pour Nolte le « nexus causal » entre le bolchevisme et le nazisme.


Pour Michael Kellogg l'occupation de l'Ukraine et des pays baltes par l'Allemagne impériale durant la Première guerre mondiale permet d'établir des contacts directs entre l'extrême-droite allemande la frange radicale du mouvement blanc qui partage de concert une vision antilibérale et antisémite du monde. C'est par ce biais que dès 1919, les Protocoles des Sages de Sion, un faux antisémite élaboré en Russie arrivent en Allemagne où il est publié. Les hommes qui assurent ce transfert idéologique ont pour nom Max von Scheubner-Richter, Biskupskii, Bermondt-Avalov, Poltavets-Ostranitsa, Kursell, Rosenberg ou Schickedanz, certains, comme Alfred Rosenberg, sont des Allemands originaires des pays baltes. Ils ont en commun de graviter au début des années 1920 autour d'un cercle secret nommé Aufbau qui apporte un soutien idéologique et financier au mouvement nazi.


Si la coopération entre Hitler les les Russes blancs décroît après l'échec du putsch de 1923 des contacts sont maintenus et les émigrés blancs s'intègrent dans la machine nazie après 1933 avant que leur poids ne prennent plus d'importance à partir de 1941.


L'originalité du livre de Kellogg est de vouloir inscrire l'émergence du phénomène nazi dans la crise de civilisation qui touche l'Europe à la suite de la Grande Guerre et de la vague révolutionnaire qui lui succède. L'auteur rappelle que le sentiment antilibéral, antibolchevik et antisémite est alors largement partagé en Europe centrale, particulièrement en Hongrie où le groupe Aufbau à des attaches. L'élaboration du concept de judeo-bolchevisme doit énormément à l'influence des Russes blancs comme le montre avec force Michael Kellogg.


S'appuyant sur des dossiers majoritairement issus des archives militaires russes du RGVA et des archives allemandes il prouve de manière forte la collaboration entre militants de l'extrême-droite allemande et russe. L'auteur relate ainsi le voyage qu'effectuent des membres de Aufbau et des proches d'Hitler en Crimée à l'été 1920 pour établir les bases d'une collaboration économique et militaire avec les troupes blanches du général Wrangel avec le soutien de la Hongrie de l’amiral Horthy. Le projet échoue à la suite de l'offensive soviétique qui oblige les blancs à évacuer la Crimée.


Pourtant l'ouvrage a des limites. Il n'est jamais question des relations ambiguës qui s'établissent à certains moments entre l'extrême-droite allemande et les Soviétiques, notamment en 1923 autour de la figure de Schlageter. Et surtout, alors que Kellogg insiste sur la profonde influence des émigrés blancs sur Hitler, il ne donne pas une explication convaincante sur le fait que ce dernier développe rapidement l'idée de la nécessité du Lebensraum, c'est à dire de la colonisation de la Russie et de la destruction ou la mise en esclavage des habitants slaves alors que ces mentors russes sont des partisans de la restauration d'une Russie forte. Autre bémol, si les puissances occidentales ne se risquent pas à se lancer dans des opérations militaires contre l'Union soviétique après 1920, ce n'est pas, comme Kellogg le laisse entendre, du fait des divisions au sein de l'émigration russe blanche.


Malgré ces critiques le livre de Kellogg est une mine d'informations pour mieux comprendre le choc que fut la Révolution russe en Europe et cela non seulement à gauche avec l'apparition du mouvement communiste mais également à droite. Si l'exemple allemand est au cœur du livre de Kellogg, il ne faut pas oublier que c'est en mars 1919, alors que la Bavière et la Hongrie sont des Républiques des Conseils, qu'à Milan Mussolini fonde les Faisceaux.

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communismeetconflits - dans Notes de lecture

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9782749110356Serge Wolikow (sld), Pierre Sémard, Le Cherche-Midi, Paris, 2007, (Rédaction du chapitre "La mise à l'écart (1929-1932)")

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