"Aux origines des autonomismes alsaciens", Les Saisons d'Alsace, n° 65, septembre 2015.
Dans son dernier numéro, la revue Les Saisons d’Alsace propose une histoire de l’autonomisme alsacien et consacre deux articles aux liens entre cet autonomisme et le communisme français.
Maurice Carrez et Pierre Krieger montre que dans les années 1920, la majorité des communistes alsaciens ont le regard tourné vers l’Allemagne révolutionnaire, celle des Spartakistes, celle qui a permis l’instauration de conseils de soldats et d’ouvriers en Alsace entre la chute de l’Empire et l’arrivée des troupes françaises. La lutte contre la France impérialiste prend donc une résonance particulière en Alsace.
Les communistes alsaciens sont encouragés par le PCF et le Komintern qui prônent une Alsace autonome. Dans une région où l’intégration à la France ne se fait pas sans mal, ce discours rencontre un certain écho qui se traduit par de bons résultats électoraux en 1924 et 1928. Certains communistes alsaciens privilégient le combat autonomiste, comme Charles Hueber, élu maire de Strasbourg en 1929 et se voient exclus du PCF. Ces départs n’entament pas la force du PCF en Alsace où jusqu’en 1936 il prône l’autodétermination et l’utilisation officielle de l’allemand.
Le Front populaire marque un tournant puisque disparaît du discours communiste l’idée d’autonomie pour l’Alsace au nom de l’unité antifasciste. Cette position perdure après la Libération mais dès les années 1970, le PCF, sans appeler à l’autodétermination, redevient un défenseur de la spécificité et de la culture alsacienne.
François Ingersheim quant à lui, analyse la position autonomiste du PCF de 1920 à 1936. Il rappelle ainsi qu’en 1925 le comité central du PC demande un référendum sur l’Alsace-Lorraine avec la possibilité qu’elle puisse se séparer de la France au nom du droit à l’émancipation nationale. Cette position est réaffirmée par la suite, notamment en 1932, puis en 1933 lors de la venue de Thorez en Alsace.
Ces deux articles, trop courts à notre goût, démontrent tout l’intérêt d’une approche locale de l’histoire du PCF, à la fois afin de mieux saisir les raisons de son enracinement et d’en finir avec l’image d’une organisation « monolithique ».
Au-delà du seul aspect communiste, Les Saisons d’Alsace offre une passionnante plongée dans l’histoire de l’autonomisme alsacien, depuis la création du Reichsland en 1871 à la contestation de la réforme territoriale de 2015. Une lecture indispensable pour mieux appréhender les spécificités d’une région dont l’histoire au 20e siècle ne fut rien moins que mouvementée. Et l’ensemble est superbement illustré.